Tokyo est une ville verte.
Quand on habite Paris, peu à peu on s'habitue à vivre entre des murs de calcaires. Des murs certes très jolis mais stériles et ocres, ou parfois gris. Le plan d'aménagement de la ville, les lois strictes d'urbanisme entraînent des restrictions drastiques sur les nouvelles constructions. Pas assez, arguerons les grincheux aux vues de l'architecture avant-gardiste de certains bâtiments.
Au détour d'une ruelle... |
A Tokyo, c'est un joyeux foutoir urbain. Mais cette grande hétérogénéité du bâti – entre les arrondissements mais aussi à l'intérieur même des quartier – est comme lissée par l'omniprésence végétale. Ouvrez-les yeux. Les plantes sont partout. Il suffit de regarder une carte de la ville pour repérer en son sein l'immense lac de verdure qu'est la Cité impériale.
Jardin de la Cité Impériale. |
En suite, viennent les fameux jardins japonais tels que le Kôraku-en, mon favori, le Hama Rikyu entouré par un canal, le jardin botanique de Koishikawa... L'entrée de ses merveilles est payante, quelques certaines de yens et vous accédez à un temple calme et doux. Souvent de petits panneaux indiquent les essences des arbres. Le gazon taillé au cordeau n'a pas une feuille pour le souiller. Et pourtant, ce n'est pas l'impression de géométrie un peu stérile des jardins à la française qui se dégage de ces espaces naturels arrangés avec soin.
Un choix minutieux des espèces et de l'environnement crée des paysages à la fois totalement anthropisés et en même temps si... magique. L'esthétique du jardin japonais réside dans son observation de la nature brute pour mieux la sublimer. Plus subtil et plus travaillé que la pagaille joyeuse des jardins anglais, on retrouve cette touchante vitalité, cette poésie délicate et fragile qui nous rattache à la terre.
Il existe aussi des parcs gratuits, des espaces ouverts de taille très variable où se côtoient mères de famille qui regardent d'un air ému leurs progénitures enfreindre toutes les règles, des ados qui jouent au ballon, fument en prenant un air mauvais, des employés de bureau venus manger un bento sur le pouce, et toute une faune plus éclectique de marginaux et de clochards. Ces parcs, ancrés dans le quotidien, sont autant de fenêtres sur la vie des japonais. Moins exotiques et pourtant toujours là, avec un banc pour accueillir le promeneur fatigué.
Vélo qui attend sagement à Ueno |
Mais les plantes ne restent pas dans les jardins, elles s'échappent, s'enfuient et courent dans les rues. Beaucoup sont arborées et même, dans le quartier moderne et chic de Ginza, des passerelles abritent des carrés de fleurs. Autant de jardins suspendus qui donnent à l'expression « jungle urbaine » une signification très littérale.
Vision bucolique de Ginza |
Et, surtout, les particuliers, les citoyens se chargent eux-même de fleurir Tokyo. Dans les quartiers résidentiels, que ce soit des maisons particulières ou des immeubles, on trouve des petits jardinets, ou même des pots à la que-leuleu, sur un bord de fenêtre, un bord de trottoir, sur toutes les marches d'un escalier. Des magnifiques hortensias égayent les rues. Personne ne repart avec le pot du voisin sous le bras. Chacun fleurit son coin de bitume et permet au passant de profiter d'un instant de répits, une inspiration visuelle si relaxante et si inattendue dans une mégalopole contemporaine.