Cette année, Japan Expo a fêté ses quinze ans en grande pompe. J'ai découvert les mangas et l'animation japonaise en décembre 1999 avec la projection au forum des Images de Mononoke Hime en avant première mondiale. À cette occasion, j'ai rencontré dans la file d'attente Maï Lan, une fan acharnée et désireuse de partager sa passion. D'ailleurs, aujourd’hui devenue la CM de Good Smile en France. C'est donc sa faute si je suis tombée dedans ! Ma première convention fut l'Epita en 2000. Je me souviens aussi de la Japan Expo, à l'espace Austerlitz, dans une ambiance étouffante. Depuis, mes goûts et surtout le marché du manga ont radicalement changé.
Au milieu de ce super marché géant, vous prendrez bien une pincée de culture ?
Mon regard sur la culture populaire japonaise a bien évolué. Porte d'entrée qui m'a permis de découvrir un pays si loin et si proche, je ne renie pas mes premiers amours. Cependant, l'aspect du Japon qui me touche vraiment est à la fois plus profond, plus complexe et pourtant, très simple : sa spiritualité, ses contrastes et son impermanence, sans cesse rappelée aux hommes en raison de sa situation géographique. À mesure que mon amour pour le Japon s'est enraciné, qu'il est devenu plus discret dans le quotidien et plus puissant dans mon cœur, la culture populaire japonaise s'est trouvée, elle, sous les feux de la rampe.
Le succès indéniable de la manifestation Japan Expo l'atteste. D'un week-end de convention réservé aux passionnés, elle est devenue cinq jours d'évènement avec un rayonnement européen et une portée économique non négligeable pour les intervenants du secteur. Bref, une machine à fric diront les aigris et les nostalgiques. Quand je vois le déni totale sur la question de la contamination et l'incertitude qui plane toujours sur la centrale de Fukushima, je tends moi aussi à serrer les dents. Le Japon que j'aime, qui me touche n'est pas mis en avant à Japan Expo.
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Etegami sur éventail et tsustugaki par Valérie Eguchi |
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Etegami sur éventail, détail |
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Pourtant, il est là, entre les lignes grasses tracées au fluo et agrémentées de paillettes. Il est là, discret, subtil, malgré le brouhaha et les couinements hystériques, malgré la mauvaise J-Pop qui se déverse par décibels dans les allées bondées. Malgré l'odeur de la nourriture vendues à des tarifs prohibitifs. Il est bien là, avec un espace dédié “wabi-sabi”, une scène culturelle et quand même de nombreuses boutiques, parce que l'argent est devenu le moteur de l'évènement, au détriment de la passion. Difficile de s'y retrouver pour des néofites qui n'ont jamais mis les pieds dans l'archipel et souhaitent s'offrir un joli objet japonais : comment discerner les produits des 100 yens shop made in China, vendus entre 10 et 20 euros, de ceux de l'artisanat traditionnel qui méritent de casser sa tirelire ? La chasse aux pigeons est ouverte.
Initier gratuitement au maniement des pinceaux !
L'année dernière j'étais présente à Japan Expo en temps que professionnelle pour une société japonaise. L'expérience éprouvante eut le grand mérite de me faire réfléchir à la direction que je souhaitais donner à ma vie. J'ai promis de ne jamais plus réitérer l'affaire ! Cette année j'ai opté pour le bénévolat : pas ou peu de responsabilité, pas d'argent en jeu et surtout pas d'attente réelle. Me voici donc présente sur le stand de l'association « Pigments et arts du monde » qui propose des cours de Nihonga et d'Etegami sur Issy les Moulineaux, dans la proche banlieue de Paris.
Mon amie peintre Priscilla Moore a étudié la technique picturale traditionnelle japonaise à Kyoto, elle l’a d’ailleurs utilisé dans un livre magnifique (a découvrir ici). J'ai rencontré par son truchement, Valérie Eguchi, la présidente de l'association. Toutes les deux ont animé des ateliers gratuits d'initiation durant les cinq jours de salon. Koyo Daire a elle donné des cours d'origami. Le stand était un large espace à la fois d’exposition et de découverte à ces techniques. Les visiteurs se sont succédés : des curieux sans aucune fibre artistique juste portés par l'envie de participer et d'essayer ces activités japonaises, ou des personnes déjà connaisseuses venues exprès. Vu les prix des billets d'entrée, je comprends que les visiteurs souhaitent profiter au maximum du salon et des cours offerts à titre gracieux !
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La base du nihonga : des pigments naturels ! |
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Priscilla en professeur patient est toujours là pour aider ! |
L'ambiance était à la fois décontractée et studieuse. J'ai rencontré d'autres bénévoles motivés - souvent appartenant à l'association - sans jamais me sentir étrangère ou inutile. Les visiteurs de passage m'ont charmée par leur politesse et leur intérêt sincère. Nous ne vendions rien sur le stand et je n'étais là que pour informer et proposer aux badauds de rejoindre les activités proposées. Pas de stress, pas d'attente, juste un échange humain chaleureux autour d'un amour commun pour le Japon et les arts.
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Le stand de l'association "Pigments et Art du monde" |
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Les magnifiques fleurs de papier de Koyo Daire |
Si je n'ai pas participé à l'initiation pour le nihonga (
j'avais déjà eu le grand plaisir de tester à l'automne dernier), j'ai quand même testé l'etegami le dimanche en fin d’après-midi. L'étagami est une activité créatrice simple et à la portée de tous : il s'agit de dessiner à l'encre de chine sur une petite carte. Pas besoin d'avoir des compétences, juste de reproduire le modèle de fleur que Valérie avait mis à la disposition des élèves. Le principe est le suivant : dessiner et écrire un message pour un tier et lui donner. Outre le plaisir de faire avec ses mains, même quand elles sont récalcitrantes, le plaisir de l’étagami est aussi dans l’acte d'offrir. Comme souvent dans l'art japonais, l'étegami exerce notre regard aux petites choses du quotidien : dessiner des fruits, des légumes, des plantes nous rappelle le passage du temps et l'importance des saisons.
Malgré la fatigue du salon, cette séance d'étegami a été une parenthèse fraîche. En plus, je l'ai faite avec mon amie Maï Lan à qui je dois de m'avoir justement initiée à la culture japonaise. Le pinceau et son trait noir trace un pont avec le passé, un lien où l'affection perdure malgrè le temps qui file.
À l’abri dans dans sa coquille...
ni la colère sourde en 2012 où j'avais simplement fait impasse sur la manifestation, ni la frustration de l'année dernière où j'ai compris mes limites et mon impuissance dans certains domaines.
Cette année, j'ai profité de Japan Expo en donnant de mon temps pour une activité que j'aime, pour des personnes que j'ai envie de soutenir. J'ai profité de l'avantage d'avoir sur un même lieu des potes qui habitent loin de Paris ; Japan Expo est l'évènement où je retrouve des copains, on fait le point sur nos vies et surtout, j'ai le grand plaisir de suivre leur travaux artistiques. Je regrette un peu la suppression du Comic Con qui élargissait la population présente aux fans de BD, de SF... Même si, au final, le repli "otaku" ne m'a pas trop dérangé. J'ai trouvé à Japan Expo exactement ce que je cherchais.
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En plein travail ! |
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Au cœur de l'etegami : le message à un proche |
Il est devenu presque impossible de faire de nouvelles découvertes tant le salon est devenu immense, bruyant, et dense. Noyée sous des couleurs criardes, des sollicitions sensorielles intenses, je n'ai pas eu l'énergie pour m'ouvrir à l'inconnu ni aux étrangers, à l’exception des heures sur le stand, un petit havre de tranquillité familier et amical. Mon bilan de la JE 2014 est donc positif, avec comme conséquence inattendue que j'ai retrouvé l'envie de revenir dans d'autres conventions de taille plus modestes.
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Mon étegami favori ! Je me suis sentie comme à la maison sur le stand dès que je l'ai vu ! |
Liens utiles :
- Le site de l’association “Pigments et Arts du monde” :
http://p.a.m.over-blog.com/
- Un article sur “Fêtes et légende à Kyôto” le livre de Priscilla Moore
- Autres article sur la Japan Expo 2011 :
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Petit compte rendu partial et subjectif de la Japan 1/2-Expo