30 août 2013

Les céramiques de l'artiste japonais Rosanjin : derniers jours pour cette fabuleuse exposition


Plat au motif de feuille d'érable, Rosanjin, 1958
Ma visite au Musée Guimet était motivé par l'exposition Tsutsugaki. Sur l’excellent conseille d'une vendeuse de la librairie j'ai aussi pu voir celle sur Rosanjin un cuisinier japonais devenu céramiste au début du XX ème. Un artiste à la fois respectueux des traditions mais aussi d'une sincérité et d'une simplicité d'expression très brute, très accessible. Une merveilleuse surprise !


« La vaisselle est l'habit de la cuisine »


Rosajin est un artiste n'aime pas les clivages. Ses œuvres sont à la fois esthétiques, pratiques, dans la lignée d'une longue tradition mais aussi très accessibles. 
Si vous êtes amateur des arts de la table, de la cérémonie du thé ou juste un amoureux de la Nature et curieux de la culture japonaise, je vous invite vivement à profiter de cette expo qui s'achève le 9 septembre. 


Elle présence des pièces magnifiques de vaisselle
 (grès, porcelaine...) très variées en techniques, aspects et tailles (de plats imposants au minuscule tasse à saké). Outre la grande beauté et la grande finesse des objets, la scénographie très vivante aide à approcher cet art de façon très concrète.

Car si ces tasses, ces bols sont sublimes, ils sont avant tout là pour être utilisées. Pour en profiter. La finesse des plats cuisinés pour la gastronomie japonaise (kaiseki) est indissociable de la beauté des arts de la table. La présentation des aliments se doit d'être accompagnée de plats aussi beau et unique. D'ailleurs, au Japon, il est de coutume d’utiliser de la vaisselle dépareillée là ou le service de table en occident montre tout son raffinement dans son uniformité. 

La scénographie permet d'admirer les pièces sous tout les angles


Une exposition aérée et agréable

Un concentré de Japon


Cette exposition dépasse donc largement le cadre des arts de la table pour proposer une véritable plongée dans la culture japonaise et son quotidien raffiné. Rosanjin était céramiste mais aussi peintre et calligraphe. La poterie est un art très physique, quasi charnel dans son contact direct avec les matériaux. Ses œuvres sont à la fois très raffinés et très puissante.
Son travail nous permet d'appréhender d'une manière simple et direct le concept complexe du wabi-sabi entre esthétique, spiritualité et art de vivre. Cette exposition est un moyen de connaître un peu mieux le Japon d'hier et d'aujourd'hui grâce à l'angle de sa gastronomie. Le seul défaut de la visite : elle donne envie de s'offrir un bon repas dans un restaurant raffiné !




Le site dédié à l'exposition très informatif  :

Le site du Musée Guimet  : 

22 août 2013

Quand un japonais rend hommage aux nymphéas de Monet : Exposition d'Hiramatsu à Giverny



Depuis que le Japon s'est ouvert à l'occident, un dialogue permanent entre les artistes s'est établi. Un va et vient d'influence tant sur le plan technique que sur les sujets traités. Le Japon est devenue une muse pour certains peintres européen. Hiramatsu, un maître de nihonga, rend un hommage vibrant à l'oeuvre de Monnet dans une exposition à Giverny, ville qui abrite aussi la maison et surtout le jardin du grand magicien impressionniste.

La peinture précieuse


Le nihonga est la technique picturale japonaise traditionnelle qui a la particularité d'utiliser des pigments naturels sous forme de poudre. Couche après couche, la poudre qui est fixée sur le papier avec une colle spéciale. Il s'agit d'une méthode particulièrement complexe qui demande un très long apprentissage. La matière de base de la peinture est constituée de métaux, de différents types de terre mais aussi de coquillages broyés. On retrouve aussi aussi des fins aplats de feuilles d'or. Le nihonga est donc une peinture noble qui nécessite pour commencer investissement en temps mais aussi pécuniaire. Pour maitriser le nihonga, une dizaine d'années d'étude sont nécessaires !

Hiramatsu, né en 1941, s'est intéressé au nihonga à un age précoce. Il a longtemps suivi une voix traditionnelle avec de donner à son art des atours plus contemporain. La découverte des tableaux de Monet au musée de l'Orangerie a influencé son art au point qu'il a souhaité les réinterpréter, peindre lui aussi la beauté des nymphéas et des reflets changeants sur l'eau paisible du lac de la maison de Giverny.


Cerisiers et nymphéas, 2011 Nihonga, 72,7 x 90,9 cm

Des nymphéas nippons 


Hiramatsu ne se contente pas de reprendre les thèmes et les sujets. Il travail lui aussi sur des très grands forma qui absorbent littéralement l’œil du visiteur, happé dans un maelström de couleurs et de formes comme le touriste japonais dans la scène mémorable de Rêve, de Kurosawa.

Ses tableaux incorporent des motifs traditionnels japonais au sujet principal de la toile. Ses grappes de nymphéas blotties les uns contre les autres dans l'immensité bleu profond de l'étang vibrent doucement, une invitation à la méditation. Comme les tableaux de Monet, ceux d'Hiramatsu se regarde de loin pour l'émotion mais aussi de très près pour admirer la finesse du détail et aussi mesurer l'impressionnant labeur du peintre et la patience que demande la réalisation de tels chef d’œuvres. Le nihonga outre sa technicité demande aussi beaucoup de patience et la capacité d'accepter l’improviste et la surprise.


Quartet de couleurs – Nymphéas, 2011 Nihonga, paravent a six panneaux, 180 x 420 cm

Pourtant, il n'y a rien de magistral, rien d’arrogant dans ce vision personnelle. Hiromatsu ne s'approprie pas Monet, il ne le copie pas, il dialogue, le décortique, le déconstruit touche par touche, pour mieux rendre la douce fascination qu'a exercé sur lui le merveilleux jardin de Giverny et son étang mystérieux.

Hiramatsu nous propose un autre regard, plus japonais, plus contemporain aussi mais sans altérer la fraicheur des émotions que la contemplation d'une nature pourtant humanisée peut susciter dans nos cœurs. Ça et là il agrémente ses tableaux et ses immenses paravents d'une grenouille audacieuse ou d'un oiseau timide. Une touche d'humour et d'inattendue dans ces paysages si calmes où le végétal semble absolu.


Normandie – Une saison de rêve (été), II 2012 Nihonga, 112,1 x 162,1 cm

Cette exposition est un véritable ravissement.
Il existe un billet combiné pour visiter aussi les jardins. D'ailleurs, comme ils sont quand même très fréquentés à cette saison, si vous voulez bien profiter de votre journée, je vous conseille d'arriver tôt le matin et de commencer par la Maison et les jardins de Monet. Une fois imprégné de l'atmosphère des lieux on profite encore plus des œuvres de Hiramatsu.


L’Étang aux nymphéas, 2011 Nihonga, 80,3 x 116,7 cm

Giverny, l'étang de Monet ; bruit du vent, 1998 Nihonga, double paravent a six panneaux, 168,5 x 708 cm

Reflets de nuages dorés sur l’étang, 2011 Nihonga, 80,3 x 116,7 cm


Liens utiles :

Un article sur le site de France info
http://www.franceinfo.fr/evenement-exposition-hiramatsu-le-bassin-aux-nympheas-hommage-a-monet

Le site du Musée :
http://www.mdig.fr/

Pour ceux qui veulent plus de photos :
http://www.flickr.com/photos/eurenligne/sets/72157634603595951/

Une association de Nihonga à Paris : 
http://p.a.m.over-blog.com/

13 août 2013

Les pertes de l'Ain, les merveilles d'un paysage karstique dans le Jura



Lors de mes études de Géographie, quand j'étais sur les banc de l'université, au siècle dernier, j'écoutais avec fascination un professeur nous raconter comment se fabrique un paysage. Des millions d'années d'une évolution lente pour donner les merveilles qu'on peut aujourd'hui admirer. Les Karsts, reliefs creusés dans le calcaire par l'érosion de l'eau, étaient un de mes sujets de prédilection.

Cette année, dans le Jura, j'ai eu le grand plaisir d'en voir un en vrai !



Ce jour là, il a plu.

Un orage d'été violent et soudain.
Nous sommes arrivés après le déluge, dans un paysage lavé aux couleurs rehaussées par la pluie vigoureuse. Au cœur de la forêt Jurassienne, la rivière de l'Ain a creusé son lit dans la roche calcaire. Elle s'enfonce même en une gorge étroite profonde de 12 m, au lieu-dit "Les pertes de l'Ain".

Nous sommes donc partis pour une randonnée dans le sous-bois, le long du cours d'eau grondant. Une promenade magique et très accessible. Vite, le soleil de juillet a repris ses droits. Sur le sol tiède et détrempé, une légère brume. Sur la rivière, un nuage flou.

L'Ain

Je contemple l’œuvre du temps.

L’œuvre de l'eau, patiente et têtue.

L’œuvre des réactions chimiques. De la vie.

Je sais (à peu près) comment et pourquoi ce relief existe. Comme une pièce d’horlogerie démontée, un moteur mis à nu. Pourtant, même si les graphiques explicatifs de mes livres académiques sont là dans ma mémoire, ce que je vois est autre.

Une forêt, une rivière. Leur magie. Leur beauté. Leur poésie...

Une cascade de concrétion calcaires recouvertes de mousse

Mes années d'études me permettent de comprendre et peut-être d'apprécier encore plus, de façon rationnelle. Mais, ce que je retiens de cet après-midi c'est la surprise d'un tronc moussu, le calme irréel d'une cascade de tufs d'un vert acidulé, presque artificiel, le sol meuble sous mes semelles qui parfois se détrempe...

Un pays de sources, de vie et d'arbres.





Le temps incertain a dissuadé les promeneurs.

Nous sommes seuls dans ce sous-bois. La musique des gouttes, des arbres qui s'ébrouent sous le vent. Après avoir remonter la rivière pour admirer son cours en aval des gorges, jusqu'à une retenue, nous rebroussons chemins pour terminer notre voyage par la perte. L'endroit où l'eau a fractionné, dissoute la roche jusqu'à s'enfoncer et créer un réseau sous-terrain. La rivière ressort quelques mètres plus loin, avec à proximité une route et une centrale hydraulique.


Après Les pertes, la cascade de résurgence où l'Ain jaillit de la roche

J'ai préféré l'amont, plus sauvage, même si la zone de gorge reste très impressionnante.

Un énorme rocher, parfaitement tranché, repose là, tranquille, sous son chapeau végétal. Le cours de l'Ain se divise pour mieux se retrouver en cascades agitées. Ici, l'eau domine. Le paysage entier, minéral et végétal, se plie à sa douce volonté.






Si cet article vous a séduit est que vous voulez faire la rando, voici un lien avec des informations pratiques :
http://www.lieux-insolites.fr/jura/ain/ain.htm

Bonne promenade !


Autre article (avec photo) sur mon séjour dans le Jura :
- Sur la ville de Dole http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2013/08/dole-la-ville-de-lenfance-dune-autre.html
- Sur une source : http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2013/07/a-la-source.html

9 août 2013

Dole, la ville de l'enfance d'une autre



Derrière les toits de la ville de Dole, la Collégiale

À chaque fois que je voyage en France, en train ou en voiture, je m'émerveille des paysages. Quelle chance que d'habiter un pays avec une telle diversité de relief, de climat, de végétation mais aussi de gastronomie et de tradition... Une diversité accessible en à peine quelques heures de route ou de rail !


Début juillet, j'ai eu le grand plaisir de découvrir un petit bout du Jura. Je vous avais déjà parlé de cette escapade dans cet article. Outre les marches en forêt, rafraichissantes, j'ai aussi découvert la ville de Dole.
Un petit bijou d'architecture traditionnelle, très bien conservée en raison d'un arrêté de protection du centre ville depuis 1967. Même si je vis à Paris, entourée de merveilles urbaines, je sais apprécier la beauté des autres cités, surtout quand elles sont plus calmes, plus propres et avec une population plus civile que dans la capitale (c'est pas dur, me diront certains...).




Dole est une inconnue.

C'est aussi là où une amie très chère a grandi. Marcher avec elle dans ces rues, l'écouter me vanter les beautés évidentes mais aussi les petits trésors méconnus de ce lieu de racines me donne un autre regard.





Dole est une inconnue et pourtant, je ne l'appréhende pas avec un œil neuf. Mon cœur penche. Et je ne peux qu'aimer ces murs, ses toits d'ardoises jamais alignés qui forment un étrange paysage.

Je ne peux qu'aimer le carillon de la collégiale qui égrène les heures. Je ne peux qu'aimer ce petit parc où les souvenirs d'enfance brillent encore au fond de l'eau claire d'une fontaine.



Les statues de l’église m'inspirent confiance et confidence ; chaque détails d'architecture est comme un cadeau précieux, dissimulé bien en évidence pour qui sait regarder. Il y a les les frontons de porte en forme d'accolade typographique, les ferronneries, les décorations de pierre qui agrémentent les façades...




Dole devient un jeu de piste, un voyage dans la vie d'une autre, une route de mémoire et d'affect qui ne m'appartiennent pas, et pourtant, qui me touchent. J'apprends sur la ville et je découvre aussi le passé d'une autre.
Un chemin de pierre vers une autre, une machine à remonter le temps, à connaitre mieux.
À aimer.




7 août 2013

Marche des fiertés : marcher pour soutenir le droit à la différence et à l'amour !




Cette année, pour la Gay Pride, je ne voulais pas rester sur le trottoir. Cette année, je voulais marcher. Être dans le cortège coloré et bruyant. Accompagner ceux et celles qui se battent contre les discrimination, accompagner ceux et celles qui veulent juste être respecter et heureux. Cette année, ce samedi-là, j'ai battu le pavé sous un soleil timide, le sourire aux lèvres et le cœur gonflé de joie.

Une marche pour unir sans uniformiser


Moi, je suis blanche, 100 % hétéro. La pression sociale et le regard des autres sont donc relativement cléments. Même si je suis une grenouille, même si je marche un tantinet hors des clous, ma vie est cool.

Cependant, j'ai conscience chaque jour de la chance que j'ai et de ce que d'autres subissent pour être simplement... eux. Si je ne suis hélas pas exempt de réaction raciste et que, moi aussi, j'ai des comportements parfois discriminatoires (surtout face à la bêtise que je tolère très mal), je tente au mieux d'accepter les autres humains avec leur diversité et leur différence.

L'homophobie ambiante de ces derniers mois m'a souvent mise mal à l'aise voire franchement en pétard. Voilà pourquoi je souhaitais participer à la marche des fiertés. J'y suis allée accompagnée de mon amie Anne qui partage mes angoisses sur l'avenir des libertés et une forte empathie pour ceux pointés du doigt et jugés en raison d'une sexualité minoritaire.

La Marche des Fiertés est complexe, elle présente une multitude de visages. Après tout, il s'agit d'un rassemblement de personnes qui ne correspond pas à la vision hétéronormative d'une partie de notre société. Être homosexuel ou transgenre tend à mettre dans un autre type de cases trop restrictives ; il n'y a pas une mais des sexualités alternatives. Gay, lesbienne, trans-genre sont autant d'étiquettes qui reflètent mal la diversité humaine.

Pour certain la Marche des Fiertés est un combat. Une affirmation de leur revendication. Une demande forte et claire pour l'égalité. Corps de métier, religieux et partie politique défilent avec des slogans intelligents qui bousculent les idées reçues. Des revendications réelles sont scandées, des réflexions et des discussions engagées agitent le cortège.








En avant la musique !


La Marche des Fiertés c'est aussi une journée festive, une parenthèse où on peut affirmer sa différence, ses préférences même quand elles dérangent. Bien sûr, c'est aussi un jeu, de la provocation sympathique pour bousculer un peu les fondations judéo-chrétiennes de notre société.  Les chars rivalisent de couleurs et surtout c'est la guerre des décibels !







Après avoir passé un moment sur le bord du trottoir à admirer le cortège bigarré, nous avons trouvé un char avec un niveau sonore plus supportable et surtout une sélection musicale fort sympathique. Il s'agit de l'association des "Popin Gays". Nous avons donc passé l'après-midi en joyeuse compagnie, le sourire aux lèvres.


Pour être dans l'ambiance ! Merci à Anne pour la vidéo

Autour de nous, d'autres sourires. Une chaleur humaine, une atmosphère bonne enfant et cela, malgré l'association aux mœurs assez extrême qui nous suit. Des hommes en tenue de latex avec des costumes qui ne laissent pas des masses de latitude à l'imagination. Du cuir, des chaines, des poils et une musculature qui garantit une certaine tranquillité.

C'est avec surprise que, durant un ralentissement et une densification de la foule, je me retrouve entourée de grands gugus quasi à poils qui jouent les portes drapeaux avec beaucoup d'élégance et d'attention pour la tête de leur voisins et voisines. Surréaliste. Pourtant, pourtant malgré un instant de malaise à se demander ce qu'on peut bien fabriquer ici, on se reprend bien vite.

Après tout, ici, la tolérance règne.


Love is all !


Ce qui m'a surtout marquée, ce sont les regards, la tendresse des gestes, la douceur. Des familles qui regardent passer la foule en riant, des enfants jouant dans le cortège, des personnes de tous âges, aux tenues vestimentaires très variées.










L'amour se fout du genre, de l'âge, de l'origine ethnique. L'amour est partout. Un droit inaliénable, primaire et éternel. L'amour et le bonheur d'être avec d'autres humains.

Les mots me manquent pour transmettre à la fois la légèreté mais aussi l'intensité de cette journée. Une bouffée d'émotions tellement fortes qu'il me suffit d'évoquer ces souvenirs pour les sentir de nouveau vivantes, dans mes tripes, dans mon cœur.

J'ai de la chance d'être hétérosexuelle et blanche. J'ai de la chance d'être une femme née en France au 20ème siècle. Être solidaire et soutenir ceux qui sont dans une situation moins facile que la mienne me semble nécessaire. Évident.

J'aimerai qu'un jour être hétérosexuel soit juste un fait. Juste une donnée. Et plus une chance.



Confetti ! It's a parade !!