En ce moment, je rédige ma lettre de soumission du roman que je vais envoyer aux éditeurs. J'ai donc lu beaucoup de conseils divers et parfois contradictoires sur le sujet avant de me lancer. Ce n'est que la première étape d'un parcours du combattant que tout les écrivains se doivent un jour d'affronter, s'ils souhaitent que leur texte passe du tapuscrit au livre. Je partage avec vous quelques réflexions et trucs utiles que j'ai glané.
Choisir à qui envoyer son texte
En me renseignant sur la probabilité d'avoir mon premier roman édité, j'ai été catastrophée par le constat suivant : les maisons d'édition croulent sous les manuscrits (plusieurs centaines par mois, entre 500 et 600 pour Actes Sud). Et, très nombreux sont ceux qui jamais n'auraient dû leur être envoyé (à la louche, un tiers!). Outre les nécessaires relecture par des tiers, de préférence dans le milieu de l'édition ou des lecteurs avertis et objectifs (ni votre meilleur pote, ni votre maman), avant d'envoyer son projet, deux choses sont à définir :
- quel est le genre du texte : essai, poésie, roman, théâtre, biographie...
- quel est le public : jeunesse, tout public, amateur d'un genre défini (policier, SF...), les habitants de ma région, les amateurs de pêche à la mouche, mes parents...
Ces deux critères vont vous aidez à décider si vous passer par un éditeur. Si oui, de quel taille, quel type, avec quelle diffusion. C'est idiot d'envoyer une thèse à un éditeur de littérature générale, de la poésie à un éditeur de polard, un roman à un éditeur d'essai. Ça paraît évident non ? Pourtant, chez Actes Sud, ces envois intempestifs totalement à côté de la place représente un tiers des textes reçus. Un beau gaspillage de temps et d'argent, à moins d'avoir des actions chez La Poste.
Une fois l’écueil du mauvais aiguillage évité, il reste à étudier en détail le catalogue et les collections de ou des éditeurs qui vous sembleraient potentiellement intéressés par votre œuvre. Cette étape prend du temps et suppose de LIRE les bouquins du dit-éditeur ; encore une fois, cela paraît une évidence. Pourtant les statistiques et les commentaires des éditeurs sur le sujet prouvent que certains ne prennent pas la peine de savoir chez qui ils balancent leur manuscrit.
Rédiger la lettre de soumission de votre tapuscrit
Pour la rédaction de la lettre, il n'y a pas de modèle type. Si on a été capable d'écrire un texte, dans mon cas, un roman, on sera capable de pondre cette foutue lettre de soumission, certes en suant sang et eau, en se retournant le cerveau et enquiquinant son réseaux pour avoir des retours constructifs, mais on en sera capable. J'ai pris le temps de lire de nombreux entretiens avec des éditeurs et directeurs de collection où ils expliquent ce qu'ils attentent d'un texte. Je ne peux vous encourager à faire de même. Les astuces qui suivent sont pratiques mais ne remplaceront jamais l'analyse et le ressenti personnel qu'on a en pêchant soi-même ces informations cruciales.
La lettre doit être exempt de toute faute (un beau défi pour votre grenouille), claire, concise, sans être dans le larmoyant ni la condescendance. La grande difficulté est de conserver un ton objectif sur son projet tout en donnant des informations personnelles qui vont jouer en votre faveur, surtout pour tenter de faire éditer votre premier texte. Certains éditeurs apprécient l'humour, la dimension touchante d'une lettre qui donne des indices sur l'auteur et la lecture à venir. J'ai, pour ma part, préféré rester très pro dans mon approche. Je vous dirai dans quelques mois si cela a abouti !
Plan adaptable de ladite lettre
Voici un plan d'après ce que j'ai trouvé sur le web, après adaptation ma sauce. Ce n'est pas une formule magique mais il correspondait à mes besoins. Je le partage avec vous, si cela peut en aider certains :
- Se présenter. Surtout si on a déjà sorti un livre ou si on a une activité dans l'écriture, il faut les mentionner. Nous sommes là pour motiver l'éditeur à lire notre texte et lui prouver que nous, petit quidam, avons dans notre expérience les capacités et le talent d'un écrivain. Bref, il faut se vendre donc mettre en avant site, blog, réseau existant...
- Expliquer pourquoi on soumet ce texte à cette maison d'édition (donc définir le type de texte), ce qui implique qu'on connaît le catalogue de la maison. Inutile d'envoyer votre livre de recette de grand-mère chez Gallimard (à moins d'avoir un style d'écriture exceptionnel).
- Résumer le roman de façon factuelle. J'ai opté pour une accroche (façon pitch commercial) sans dévoiler le contenu réel du texte et surtout pas la fin. Certains préconisent des résumés d'une dizaine de lignes mais j'ai préféré pour une version épurée, partant du principe que la personne qui ouvrira mon manuscrit est avant tout un lecteur, et sera moins motivée si la fin de l'histoire lui a déjà été dévoilée.
- Donner le caractère unique, original de votre texte. Pourquoi le votre est différent. Attention, l'exercice est périlleux car vous devez donner des éléments objectifs ou expliquer ce que vous avez « voulu » faire. Vous pouvez donner votre intention mais pas la juger comme effective. Ça, ce sera le boulot de l'éditeur.
- Dire pourquoi vous avez écrit ce lire (si c'est pour gagner un max de pognon, convertir les foules à votre religion ou pourrir la vie de votre ex, je vous conseille de mentir).
- Dire à quel public votre texte s'adresse : jeunes, vieux, adultes, fans de foot (ça existe, j'en connais un ou deux), geeks, midinettes...
- Remercier la personne qui va vous lire. Certes c'est son taff, mais elle a quand même entre ses paluches une choses importante pour vous et peut potentiellement lui accorder son attention. Être poli me paraît nécessaire.
Last but not least
À éviter (merci à Pauline pour ses précieux conseils), en vrac :
- Ne JAMAIS se déprécier, un gros défi pour moi. Pour d'autre, c'est l'inverse, certes il faut se vendre, mais se lancer des fleurs sera très mal perçu.
- Rester neutre, factuel et sans préjugé (plus difficile qu'on ne le pense). Il est facile d'employer des qualificatifs qui juge son propre travail, hors c'est le boulot de l'éditeur.
- Éviter les lieux communs et les généralités quand on parle de son projet. Là encore, l’écueil peut vous suspendre discrètement à votre insu. Quand nous sommes concentrés pour être objectif, ne pas trop révéler, on finit par oublier ce qui rend notre texte unique.
Le conseil le plus important, à mon avis :
Faites vous relire et surtout, discutez-en ! C'est en parlant de sa lettre et donc de son projet, qu'on arrive à mieux cerner ses atouts, ce qui le rend si particulier.
J'ajouterai qu'une lettre réussie est une lettre qui vous ressemble, dont vous êtes fier. Si elle ressemble à la missive que vous envoyez à une administration, aux mots doux pour votre ami(e) ou au message poli de nouvel an pour votre arrière grande tante, c'est mal barré.
Une bonne lettre de soumission ne garantie pas que votre texte sera lu mais il évitera peut-être qu'il soit mis sur la pile des recalés dès son arrivé (à condition que vous ayez respectez les consignes du début de cet article : l'envoyer au BON éditeur).
J'espère que ces conseils vous serviront. Si vous avez déjà tenté l’exercice, que vous voulez partager votre expérience et vos astuces, n'hésitez pas à laisser un commentaire. Même si je pense qu'à la cinquième mouture, ma lettre est quasi-achevée, je suis toujours avide de conseils avisé !
J'en profite pour remercier ici Cécile, la blogueuse voyageuse et traductrice de
Dessine-moi un ailleurs, qui m'a donné un sacré coup de patte !
Vidéo de Marie Desmeures, éditrice chez Actes Sud
Un article de 2009 sur ce que cherchent les éditeurs :