Ryu Murakami est un écrivain japonais contemporain connu pour ses explorations des sentiments humains les plus vils. Ce roman paru en 1980 au Japon anticipe sur les travers de la société en se projetant une décennie plus tard. Il raconte les destinées mouvementées de deux frères d'abandon.
Une plongée vers les grands fonds
En préambule, je vous déconseille vivement de lire la quatrième de couverture qui, en quelques lignes, dévoile la quasi-totalité de l'intrigue. Idem pour la préface qui propose une analyse intéressante sur le livre mais révèle trop d'éléments. A lire une fois le roman achevé.
Plusieurs bébés sont retrouvés enfermés dans des cellules métalliques de consignes automatiques, dans l'air brûlant et étouffant d'un été caniculaire au Japon. Seuls deux survivent à l'horreur, mais elle laisse un traumatisante indélébile.
Hashi, plutôt timide, maligne ouvre la bouche pour s'excuser. Il est toujours accompagné de Kiku, pas doué avec les mots mais toujours prêt à s'exprimer avec les poings, surtout pour défendre son "frère".
Ils grandissent dans un orphelinat, pas vraiment malheureux, mais sans jamais oublier pourquoi ils sont arrivés dans ce lieu. La tragédie du rejet plane toujours. D'ailleurs, les deux enfants développent très tôt des troubles comportementaux sérieux, une tendance à une espère d'autisme étrange. Ils servent de cobaye pour une thérapie révolutionnaire et avant-gardiste. Remis d'aplomb, ils sont déclarés aptes à être intégré dans une famille.
Mais leur adoption, les tentatives à une vie normale n'effaceront jamais vraiment les blessures. Des explosions de violences, des actions totalement impulsives et amorales ponctuent leur enfance et leur adolescence. Bientôt, il apparaît avec une triste froideur que leurs destins sont liés, l'instabilité de leur vie reflétant celle de leur condition mentale.
Apnée en eau trouble...
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Le ciel enchevêtré de Tôkyô |
Les rencontres qui parsement le livre sont autant de plongée dans un univers boueux, pervers où la raison se dissout. Un vagabond motard à demi-fou, une jeune top modèle qui vit avec un crocodile, un producteur homosexuel mégalomane... Les personnages oscillent tous entre folie et normalité médiocre et lâche.
Personne n'insuffle de l'espoir et de la lumière. Et si les hommes sont perdus, il suffit de regarder leur environnement pour avoir un début d'explication à cette descente aux enfers.
Il y a aussi le mot magique et mystérieux "datura", une solution espérée à l'horreur, une quête... Une vision excessivement pessimiste du Japon.
Si on replace le livre dans son époque, Murakami a signé une vision étrangement prophétique des média, du monde de la mode, de la musique et surtout de la publicité. Le superficiel règne en maître et l'individu se noie, seul, abandonné. Certains éléments sont très marquants tel que l'
Ilot de la drogue, un no man's land en plein Tokyo où sévissent drogue et prostitution ; il rappelle le Bronx des années 80.
On retrouve souvent des zones de non-lieu similaires dans la culture indépendante japonaise. Un lieu sans loi, où toute les perversions sont possibles et où étrangement, la solidarité entre les habitants n'a pas disparu.
Le roman est servi par une écriture simple, très maîtrisée et toujours directe. Ryu Murakami ne fait pas dans la fioriture et sa technique est irréprochable. Il décrit sans prendre de gant scènes de violence, de sexe, un quotidien sans issue et des dialogues mentaux en déséquilibre constant, toujours à danser au bord d'un gouffre dément.
…suivie d'une asphyxie
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Tôkyô dans le flou nocturne |
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Pourtant, malgré les qualités de l'écriture et l'originalité de l'histoire, j'ai décroché à mi-parcours. Perdu la curiosité de connaître l'avenir de Hashi et Kiku. Perdu la crainte qu'ils basculent, perdu la sensation désagréable face à ces visions sombres.
Trop de maladie mentale, une surenchère dans la bizarrerie. Plutôt que de me laisser entraîner dans ce tumulte, l'histoire m'a ennuyé, les destins tragiques des personnages m'ont fatiguée sans m'émouvoir.
Et la narration s'est dirigée comme un missile exactement vers l'objectif que j'avais deviné, sans aucun détour.
J'ai donc terminé le bouquin de plus de 500 pages avec la désagréable impression d'être passée à coté de cet ouvrage. Par contre, j'ai eu terriblement envie relire
Bleu presque transparent. Tous les éléments qui m'ont séduite dans
Les bébés de la consigne automatique étaient déjà présents dans ce premier roman que j'avais adoré.
Alors, je peux au moins rayer un titre de ma PAL, et de ma liste pour le défi "
In the Mood for Japan", mais un goût de regret persiste quand même : l'absence d'émotion, juste une grande lassitude. Et vous, l'avez-vous lu ? L'avez-vous aimez ?
Petit complément challenge :
Challenge Murakami :
Le passage de la nuit de Haruki Murakami
In the mood for Japan :
liste mise à jour