28 septembre 2010

Sombres destins : Hyde VS Frankenstein


Si vous êtes amateur de la période fin XIX ème siècle avec plus de boue que de rubans et d'anglaises, si les ambiances gothiques et lourdes vous chuchotent des mots doux, alors, je vous suggère une excellente bande-dessinée : Mister Hyde contre Frankenstein dans la collection 1800, chez Soleil.
Le second tome du diptyque intitulé  la chute de la maison Jekyll  est en librairie. Voilà une lecture délicieusement automnale, idéale pour accompagner la fraîche morosité de ce mois de septembre agonisant.

Une histoire de monstres

Attention, Mister Hyde contre Frankenstein présuppose de connaître – ou mieux d'avoir bouquiné - les romans de Stevenson et de Shelley. Cette BD nous propose un destin alternatif du docteur Jekyll.

Dans cette autre vie, il rencontre une femme au passé trouble, Faustine Clerval qui devient sa gouvernante, sa confidente aussi. Elle connaît l'étrangeté de ses recherches et l'assiste sans le juger dans sa quête pour dissocier le bien du mal chez l'humain.
Le silence de son fournisseur en sels et autres composés chimiques, la mystérieuse société Walton, pousse Jekyll hors de sa tanière anglaise. Ses pérégrinations le conduisent aux expérimentations d'un de ses défunts confrères, le docteur Frankenstein. La créature monstrueuse rode. A la fin du tome 1, après la rencontre virile et musclée tant attendue entre les deux protagonistes de légende, les origines familiales de Faustine sont révélées.



La découverte des travaux de Frankenstein attise la soif de connaissance scientifique déjà dévorante de Jekyll. Il veut réussir à tout prix. Il veut la reconnaissance de ses pairs qui le conspuent depuis des années. Son besoin dévorant de résultats tangibles anéantit toute limites. Et Faustine, liée au drame, accompagne le docteur dans sa poursuite d'expériences de plus en plus sauvages.

Chronique d'une chute annoncée

Les personnages sont consumés par un désir de découverte scientifique en dépit de toute déontologie, de toute morale. Il ne reste rien. Leur bonté est incinérée dans cette folie ravageuse, calcinée. Seule la noirceur des âmes perdurent.
Jekyll cède à des pulsions d'une violence gratuite, très humaine dans sa mesquinerie. Celle de Frankenstein, plus animale, plus brute, choque par sa puissance. Cependant elle n'a pas la dimension totalement perverse de Jekyll.
Même le personnage de Faustine est entraîné dans la chute. Témoin passif des activités du docteur, elle suit aussi à ses propres objectifs. Sa curiosité et le désir de comprendre son passé au détriment de la raison lui coûteront cher.



Mister Hyde contre Frankenstein est une oeuvre qui vous ronge le ventre. Sa seule note d'espoir réside dans l'intervention de Freud qui, au coeur de la tourmente, donne une touche plus analytique à toute cette démence. Une once de raison pour expliquer ce tourbillon chaotique.
Les solutions recherchées par Jekyll afin comprendre la nature humaine gisent dans des éprouvettes brisées d'un laboratoire crasseux. Et la monstruosité de l'âme s'exprime dans les visages torturées et déformées.

Le scénario de Dobbs est parfaitement mis en scène. La narration jongle sans confusion entre les lieux et les années. On suit histoire, guidé par le trait fin de Marinetti, tout en ombre et lumière. La couleur de Virginie Blancher, ou plutôt sa quasi absence, est remarquable avec un travail ton sur ton de marrons et de gris. On retrouve le sépia d'une photographie poussiéreuse exempte de nostalgie et de chaleur.

La lecture de cette BD m'a laissé un goût amer persistant. On n'éprouve aucune tendresse pour ces personnages consumés par leur quête folle. Ils courent à leur pertes en pleine possession de leurs facultés intellectuelles et sans aucune remise en cause.
Une BD sans amour, sans foi ni loi.
Une vision effroyablement sombre de la nature humaine.


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Marianne