29 avril 2015

Globule, une vie de lapin : un manga mignon et intelligent !




Voilà un manga one-shot qui m'a fait un clin d’œil dans le rayon. Un auteur de manga se retrouve avec une lapine à domicile et dessine ses expérience sous forme de yonkoma (strip humoristique en quatre cases). Totalement ignorant sur les mœurs et habitude de sa bestiole, il apprend à partager son quotidien et découvre une nouvelle vie avec sa boule de poils.

Globule, star internationale (au moins au Japon et en France)


Le personnage central de ce manga est donc Globule, un animal rondouillard au grand yeux hypnotiques. L'auteur, Mamemoyashi, nous raconte les débuts de la cohabitation, les anecdotes et les surprises qu'apporte un lapin dans son appartement. Le traitement est léger, parfois un peu trop verbeux, mais toujours sympathique et émouvant. Si vous ne connaissez rien des lapins, vous apprendrez qu'ils prennent des poses de pin'up, qu'ils ont des fixettes sur certains aliments (la sarriette pour Globule), que leur dents sont des armes de destruction massive.

Ce manga, distrayant et tendre, est une chronique simple d'une vie avec un lapin. L'auteur nous raconte ses inquiétudes, ses désagréments cocasses et un wagon de situations comiques où Globule lui vole systématiquement la vedette. Ayant vécu presque dix ans avec une lapine, ce manga m'a surtout évoqué beaucoup de souvenir heureux. J'avoue, la narration est parfois maladroite, il y a des répétitions dans certaines scènes et quelques maladresses. Globule, une vie de lapin n'est pas un manga très original, mais il propose une vision tendre et douce sur quotidien enrichi d'un lapin à ses côtés.


Le bonheur à quatre pattes


Enfin, j'ajouterai que l'amour de l'auteur pour son animal est communicatif. Il traite Globule avec affection mais aussi respect. Le lapin est souvent un animal qu'on imagine vivre en cage et compatible avec des enfants alors qu'en réalité, ce n'est absolument pas le cas.
Le lapin est grégaire, territorial, il a besoin d'espace, de tranquillité mais aussi d'attention, quand il le désire. Son comportement est plus proche du chat que du chien, avec comme facteur non négligeable d'être en bout de chaine alimentaire donc trouillard et méfiant.
Vivre avec un lapin demande de s'adapter, ce que l'auteur explique parfaitement. Un animal n'est pas jamais un jouet ou un élément de déco. Globule a son petit caractère et elle n'en ait que plus attachante.

Les amoureux des rongeurs seront séduits et les amateurs de bouquin mimi, fun et rafraichissant ne seront pas déçus, d'autant qu'il s'agit d'un tome unique. Une lecture légère, drôle et émouvante.






17 avril 2015

Le roman d'Ogawa Cristallisation Secrète : quand la peur dissout l'âme



Il est une île où, petit à petit, les choses disparaissent. Un matin, on se réveille et on ressent le vide, on sait alors que quelque chose est parti pour toujours. Ses souvenirs, ses émotions liées à l'objet ainsi banni disparaissent aussi. Un matin les oiseaux, un matin les haricot-verts... n'importe quoi peut être soumis à cet étrange processus. Il faut alors détruire les résidus, les bruler, les briser, les jeter à l'eau... Attention, si le processus d'éradication n'est pas mener à bien, la police secrète pourrait frapper à votre porte.

Spirale du vide


Cristallisation secrète de Yoko Ogawa ( chez Acte Sud) raconte la pire histoire, celle d'une tyrannie sourde et d'un ennemi presque invisible, omniprésent et terriblement quotidien. Le livre s'ouvre sur un souvenir de l'enfance de la narratrice : sa mère, une sculptrice, dissimule dans des petits tiroirs des objets censés être disparus. Elle montre à la petite ses reliques précieuses et surtout partage avec elle les impressions et les anecdotes reliées à ces choses interdites.
Devenue adulte, la narratrice continue de vivre sur cette île. Son quotidien calme et répétitif, s'écoule au fil des disparitions successives. Ses parents sont décédés et le jour où les oiseaux disparaissent, les souvenirs de son père, un ornithologue, s'étiolent peu à peu, perdent de leur substance.
Les bateaux aussi ont disparus depuis longtemps, coupant l'île du reste du monde. Il ne reste que l'épave du Ferry où vit un vieil homme, jadis son conducteur. Le grand-père était l'époux de la nourrice de la jeune femme. Chaque jour, elle passe le voir et contemple avec lui la mer et se promène dans des lieux abandonnés à la suite des disparitions successives. Elles retirent le sens même de l'existence et condamnent ces endroits à une lente agonie. Le bâtiment du centre de recherche ornithologique est ainsi voué à la ruine.

Alors que l'espace autour d'elle se vide doucement, la narratrice continue d'écrire et de livrer son manuscrit à son éditeur. L’indolence de cette vie, condamnée à se vider de sa matière et de son essence, est factice. Chacun craint l'intervention de la police secrète, pire, le débarquement dans son foyer des traqueurs de souvenirs.
Ces derniers cherchent des humains qui, étrangement, sont incapables d'être affecté par les disparations : ils conservent leur souvenirs, leurs émotions et même s'ils feignent le détachement et imitent la masse, ils risquent d'être découverts et emmener. La narratrice réalise qu'elle connait un de ces êtres et décide de le cacher, dans une pièce secrète spécialement aménagée dans sa maison. avec l'aide du grand-père.
Combien de temps pourra-elle continuer ainsi, alors qu'autour d'elle, le monde se remplit de vide et que la menace devient plus présente ?

Une ile où seule la peur pousse


Impossible, à la lecture de se roman, de ne pas penser aux régimes politiques totalitaires et aux génocides, à la Shoah. Avec un style doux, simple et discret Ogawa décrit un monde de absurde où l'intrusion de la police secrète semble aller jusque dans les esprits. Sans jamais décrire l'horreur, elle se contente de faire glisser la vie de tout les jours dans le vide et la tristesse. Ils devient difficile de se nourrir, on perd son travail, on perd ses souvenirs. Ses voisins soudain sont embarqués par la police et on craint pour sa vie, ses proches. Pourtant, à chaque nouvelle disparition, on se plie au rituel. On accepte.
Mais l'homme, dans la chambre secrète, conserve tout et tente avec une force de raviver les mémoires et le cœurs de la narratrice et du grand père.

Vous l'aurez compris, Cristallisation secrète n'est pas un livre léger. Les thèmes récurrents dans l’œuvre d'Ogawa (collection obsessionnelle, reconstitution du passé comme moyen de comprendre l'autre) sont présents mais teintés par le désespoir de la situation. L'histoire, à mesure qu'elle progresse nous perce le cœur avec l'accumulation inéluctables des trous dans les mémoires, de cavités qui s'accroissent. Si la narratrice continue de vivre parfois, elle s'angoisse s'interrogeant sur ce qu'il adviendra d'elle si les mots disparaissent, ou alors, s'autorise à espérer par exemple que la police secrète soit la prochaine à disparaître. Ces moments ne durent pas. Elle vit dans le présent. Cette île perd son passé et, avec lui, son futur s'évapore.


Outre le sujet déjà difficile, Ogawa ajoute de l'ampleur en incorporant à son texte celui écrit par sa narratrice. Il s'agit du récit d'une jeune dactylo qui a perdu sa voix et de la relation dysfonctionnelle qu'elle entretient avec son professeur. Ce roman dans le roman fait évidement écho au quotidien de la narratrice mais donne à la notion de victime et bourreau une dimension plus intimiste. En effet, elle aborde l'épineuse question de la part d'acception et même de participation active de la victime qui accepte tout de son bourreau de peur de lui déplaire. La femme prisonnière d'une relation abusive n'est plus à même de se sauver. Si la question du contrôle tyrannique sur la population de l'île n'est jamais abordée, la notion de domination et d'anéantissement de la volonté d'autrui est centrale au roman de la narratrice.

Lecture remuante


Cristallisation sécrète est un ouvrage dérangeant par le détachement presque clinique du récit. L'utilisation du fantastique renforce l'impression d'impuissance des hommes face à la tyrannie et pourtant, la narratrice continue sans relâche de dissimuler une personne même quand les difficultés rendre la tâche presque insurmontable et que le danger est omniprésent. Cet acte de rébellion n'est porteur d'aucune violence, sa ténacité ne puisse dans aucun idéal, juste une grande humanité. La même qui la conduit à prendre soin du grand-père.
Ogawa n'écrit pas un texte politique, la dénonciation est beaucoup plus subtile. En effet, la personne la plus libre est celle dissimulée dans la chambre secrète car, abritée de la folie extérieur, elle continue de ressentir, d’encourager les autres et surtout, de songer à l'avenir. La victime, le persécuté, devient le sauveur potentiel, le porteur de savoir et de mémoire, le porteur d'espoir.

Si j'ai beaucoup aimé ce livre, il m'a aussi profondément ébranlé. L'activité de romancière de la narratrice a ajouté à mon malaise et le « roman » dans le roman est aussi très dur. L'île solitaire et en perdition de « cristallisation secrète » montre comme la peur s'immisce et rétrécit notre quotidien, nous enlève tout, anesthésie nos sens et notre cœur au point que la vie même se vide de son sens. le monde se désagrège jusqu'à devenir une mécanique absurde, inodore, incolore, sans goût ni plaisir.
Un endormissement, un engourdissement de l'âme où la mémoire s'étiole. Malgré la tentative de protection de l'autre, la peur et la toute puissance de la menace qui plane, gagne sur l'humain. Ogawa va très loin dans son propos : outre les disparitions d'élément physique (inanimé ou vivant), elle y ajoute aussi des choses abstraites et crée une île en suspens, attendant la fin, où tout est menacé, jusqu'à l'intégrité corporelle et mental de ses habitants. Un récit poignant, contemporain, douloureux et assez désespérant. À ne SURTOUT pas lire quand on a le cafard !

Du même auteur, à découvrir dans l'étang :
- Parfum de glace : http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2013/02/parfum-de-glace-de-yoko-ogawa-ce-quil.html
 - La formule préférée du professeur : http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2012/11/la-formule-prefere-du-professeur-par.html


3 avril 2015

Printemps tardif


Démarrage en côte
Les pieds dans la gadoue
Soudés au sol gluant


La ramure en lignes brisées
Grillage un ciel crachin
Des pelotes blafardes
 

Grisailles et frimas
S'accrochent, persistent
Des invités indésirables.
 

Pourtant, fripés,
Rose de timidité
Quelques boutons.


Pourtant, malmenée
Une pointe hardie
Un pétale déjà flétri.
 

Le printemps se radine
S’apprête dans les racines
Et les moutons chargés
Au dessus de nos tête.
Mars expire et déjà,
L'éternel cycle hisse la sève
Chante dans les fourrés.