30 juin 2010

Etape 2 : prendre une longue inspiration

Tokyo est une ville verte.

Quand on habite Paris, peu à peu on s'habitue à vivre entre des murs de calcaires. Des murs certes très jolis mais stériles et ocres, ou parfois gris. Le plan d'aménagement de la ville, les lois strictes d'urbanisme entraînent des restrictions drastiques sur les nouvelles constructions. Pas assez, arguerons les grincheux aux vues de l'architecture avant-gardiste de certains bâtiments.

Au détour d'une ruelle...


A Tokyo, c'est un joyeux foutoir urbain. Mais cette grande hétérogénéité du bâti – entre les arrondissements mais aussi à l'intérieur même des quartier – est comme lissée par l'omniprésence végétale. Ouvrez-les yeux. Les plantes sont partout. Il suffit de regarder une carte de la ville pour repérer en son sein l'immense lac de verdure qu'est la Cité impériale.

Jardin de la Cité Impériale.


En suite, viennent les fameux jardins japonais tels que le Kôraku-en, mon favori, le Hama Rikyu entouré par un canal, le jardin botanique de Koishikawa... L'entrée de ses merveilles est payante, quelques certaines de yens et vous accédez à un temple calme et doux. Souvent de petits panneaux indiquent les essences des arbres. Le gazon taillé au cordeau n'a pas une feuille pour le souiller. Et pourtant, ce n'est pas l'impression de géométrie un peu stérile des jardins à la française qui se dégage de ces espaces naturels arrangés avec soin.

Un choix minutieux des espèces et de l'environnement crée des paysages à la fois totalement anthropisés et en même temps si... magique. L'esthétique du jardin japonais réside dans son observation de la nature brute pour mieux la sublimer. Plus subtil et plus travaillé que la pagaille joyeuse des jardins anglais, on retrouve cette touchante vitalité, cette poésie délicate et fragile qui nous rattache à la terre.

Il existe aussi des parcs gratuits, des espaces ouverts de taille très variable où se côtoient mères de famille qui regardent d'un air ému leurs progénitures enfreindre toutes les règles, des ados qui jouent au ballon, fument en prenant un air mauvais, des employés de bureau venus manger un bento sur le pouce, et toute une faune plus éclectique de marginaux et de clochards. Ces parcs, ancrés dans le quotidien, sont autant de fenêtres sur la vie des japonais. Moins exotiques et pourtant toujours là, avec un banc pour accueillir le promeneur fatigué.

Vélo qui attend sagement à Ueno

Mais les plantes ne restent pas dans les jardins, elles s'échappent, s'enfuient et courent dans les rues. Beaucoup sont arborées et même, dans le quartier moderne et chic de Ginza, des passerelles abritent des carrés de fleurs. Autant de jardins suspendus qui donnent à l'expression « jungle urbaine » une signification très littérale.

Vision bucolique de Ginza


Et, surtout, les particuliers, les citoyens se chargent eux-même de fleurir Tokyo. Dans les quartiers résidentiels, que ce soit des maisons particulières ou des immeubles, on trouve des petits jardinets, ou même des pots à la que-leuleu, sur un bord de fenêtre, un bord de trottoir, sur toutes les marches d'un escalier. Des magnifiques hortensias égayent les rues. Personne ne repart avec le pot du voisin sous le bras. Chacun fleurit son coin de bitume et permet au passant de profiter d'un instant de répits, une inspiration visuelle si relaxante et si inattendue dans une mégalopole contemporaine.


28 juin 2010

Etape 1 : s'approprier la ville

Se promener à pince dans Tokyo, juste avec un plan dans la poche et une vague direction, voilà exactement ce qui me plaît. Voilà exactement ce qui résume mon planning pour mon séjour, hormis un séjour express à Kyoto. Mes points de chute quotidiens : temples, jardins, musées, galeries d'art...
Mes itinéraires varient au fil des rencontres, des découvertes incongrues. Pas très efficace pour voir le plus de choses en un temps de record.
Moi, je suis ici pour regarder, contempler même...
Touristes pressés et adeptes d'une journée productive, passez-votre chemin. Ici, vous ne trouverez aucun conseil pratique pour réussir votre voyage. Juste des impressions, un partage d'émotions, la magie d'un quotidien si proche et si exotique...

Le lendemain de mon arrivée, j'ai donc repris mon petit atlas bilingue japonais-anglais et hop, je suis partie à l'aventure, avec mes baskets. Je suis hébergée en plein centre de Tokyo, dans l'arrondissement de Chiyoda, au nord de la Cité Impériale, pour être précise, dans le quartier de Nishi-kanda. Rien que des bureaux et des convini. Par contre, à quelques rues, il y a Jinbôchô, le lieu où les amoureux de vieux livres se retrouvent dans une multitudes de petites boutiques. L'avantage d'une position aussi centrale est évident : dans un rayon de deux heures à pieds, je peux aller dans tout les coins les plus animés et les plus typiques.

Une bicoque baroque

Le samedi, j'ai opté pour la direction plein ouest avec comme cap lointain le parc de Okuma. Et, sur un carrefour, voilà une bien étrange bicoque entre baroque et art nouveau, fièrement nommée Old times. Elle a même un site internet : oldtimes.jp.

Au rez-de chaussée, une galerie d'art, un antiquaire, mais aussi un coiffeur. J'espère pour ses clients qu'il est moins créatif que l'architecte qui a conçu le bâtiment. La façade est un gigantesque puzzle de mosaïques, de sculptures, de peintures. Même après un bon quart-d'heure à la fixer, des détails se révèlent encore.





Il est possible d'entrer dans le hall qui ressemble à la gorge d'un monstre sous-marin avec au sol, un oni monstrueux qui salue les visiteurs curieux. A l'intérieur, vitraux et éclairage sépulcral donne la chair de poule.



Sublime, avec une étrange harmonie qui se dégage de ce mélange de genre. La lumière blafarde de ce samedi de fin juin et l'atmosphère lourde rendait la bâtisse encore plus saisissante. Presque, presque le parc d'Okuma, propret et très japonais, m'a déçu après cette vision dantesque...



23 juin 2010

Nippon paniku !

Je me doutais bien que partir le lendemain de mon examen de japonais serait une gageure pour les nerfs... C'était sans compter mon don inné au stress stérile et la capacité d'emmerdement maximum des transports publics qui décident de se mettre en grève. Ce soir, enfin, dans quelques heures, je vais joyeusement aller au casse-pipe pour un contrôle d'absence de connaissance du à ma grande flemmardise.
Si je survie, j'affronterai les joies de la compagnie russes Aéroflot qui demande une présence à son comptoir TROIS heures avant le décollage du bousin. Manque de sommeil en prévision...

Voilà, assez de jérémiades. Je pars pour un petit mois à Tokyo et j'abandonne sans – trop – de remord conjoint et lapin. Bien sûr j'ai des projets plein la tête, la valise pleines de guides de voyage, de nutella et de coquillettes. Explorer la capitale nippone sous la chaleur humide de l'été implique préparations adéquates et réfléchies. Par exemple, j' ai découvert à mes dépends l'année dernière que les velcros des chaussures n'étaient pas du tout conçu pour être détrempés par la pluie. Mouillé, le velcro ne velcroïse plus du tout... Absolument ridicule et handicapant pour marcher. Cette fois, je suis parée !

1 juin 2010

Paris-Tôkyo, douce schizophrénie


Des mois, des années que je tergiverse avec mon clavier. Voilà. Alors que je planifie mon second voyage au Japon, pour une durée conséquence de 25 jours, je me décide enfin à me lancer sur la toile. Un blog de plus, histoire de face des ronds sur la surface agitée du réseau. Un pavé, un galet à ricochet, ou une pierre ponce qui flotte longtemps... Qui sait ?




J'aime la ville, les villes. Surtout quand elles sont grandes, anciennes, quand leur âme affleure à fleur de bitume et que leurs humeurs changent selon les quartiers. A vivre dans Paris, on s'habitue à la taille humaine d'une capitale que l'on peut arpenter en une journée. Ici, je suis chez moi, jamais perdue.

Mon premier voyage à Tôkyô, l'année dernière, a ravivé mon amour citadin, émoussé par plus d'une décennie de quotidien parisien. Marcher, le plan de la ville dans la poche, l'appareil photo à porter de main, le nez en l'air. Tokyo m'a séduite.
Bien sûr, j'avais lu des ouvrages, je connaissais théoriquement la société et la culture japonaise. Je savais que la ville serait propre, disciplinée, animée. Le choc était là; je suis tombée amoureuse.

Tokyo n'est pas une ville bruyante. Il suffit de s'éloigner des carrefours surpeuplés, prendre un chemin de traverse, et la ville devient village avec des longues rues bordées de maisons basses avec des jardinets. Les cimetières ouvert et les temples sont autant de respiration, autant d'invitation à la rêverie. Tokyo est chatoyante : des couleurs vives des écrans géants et des néons criards aux couleurs fascinantes des fleurs et des temples.





Tokyo est un paradoxe urbain, une entité complexe suspendue entre tradition et high-tech, entre ordre quasi-martial et joyeux chaos. Philippe Pons, journaliste vivant au Japon correspondant pour Le Monde, explique qu'il n'y a aucun pays industrialisé au monde si proche et si différent. Les lectures donnent des clefs de compréhension mais le choc culturel demeure intact.
Vivifiant.

Une source inépuisable d'émerveillement, de surprise et parfois de colère.