23 février 2018

Grand froid




Quand l'hiver étale sa force à grand renfort de blanc et de gris, qu'il lisse le paysage et le plie sous ses intempéries, il s'affaiblit.
Une posture. Que de la gueule.

Le chant de l'hiver, étouffant, mordant s'avère une gigantesque supercherie. Il joue au caïd, assoit par l'intimidation sa supériorité de façade. Il crame les feuilles agonisantes, joue au bras de fer avec les persistants, ils poussent les étourdis et les faibles à la glissade, aux chutes et aux dérapages. 





Il assoit son autorité comme un enfant capricieux. Derrière le masque impassible, un vieillard sénile et agonisant.
Il oublie que, sous la couche superficielle jeté à la va vite sur le paysage, d'autres lois régissent le monde. Bientôt les bourgeons percent.
La chape de froid et son apparente stérilité prépare un autre avenir. Déjà, sa vie s'épuise. Par en dessous, la terre prépare le plus sournois des putschs.
Perce neige et autres plantes à bulbes prépares une révolution fleurie.





Grand froid.
Pouvoir illusoire d'une saison qui plie déjà bagage.
Grand froid.
Ce sont les faibles, les souffreteux, les accidentés de la vie qui succombent à son baroud d'honneur, à cette dernière tentative pitoyable d'assoir un statue-quo stérile, figé. Inerte.
 
Grand froid achève les épuisés et les désespérés. Faute d'espoir ou de réserve, certains ne passent pas l'hiver.
La grande imposture de l'éternité promisse embarque dans son sillages réfugiés de l'automne et enfants abandonnés de l'été tardif.
Sous les atours égalitaires de sa large capuche blanche, il ne touche que les plus démunis. Ceux dont la protection - ou son absence - donne le référent d'humanité - ou de son absence - de notre société. 

Un mirage calme. Une extrême violence.
La seule protection : l'épaisseur des couches fiduciaires planquées dans nos doudounes en plumes.
Grand froid ravive nos âmes d'enfants, pétillent nos yeux devant tant de beauté.
Nos mains tachées. Nos cœurs souillés.
Quand survient la fonte, il y a des cadavres sur les pavés.