22 novembre 2017

Collection de feuilles [journal 9]



Je commence une collection. 
Une collection de feuilles, c'est de saison.
Pas des feuilles mortes, mais des feuilles de mort, de refus, des feuilles de non.

Je consigne soigneusement chaque lettre de refus qui accompagne le retour au bercail de mon premier manuscrit, lâché dans la nature depuis le printemps dernier. 
J'imprime aussi les mails, même ceux adressés à « monsieur ».

La démarche n'a rien de masochiste. Déplaisante certes.
Cependant, elle est la concrétisation d'un effort réel pour être publiée ; s'exposer aux regards et aux jugements de professionnels. Tous les auteurs édités dans le circuit classique ont affronté l'échec. Les refus. 
À la pelle.
Et si ce n'est pas vrai, laissez-moi mes illusions.
Merci.




Ces lettres qui s'empilent, autant de tentatives avortées, de lignes lancées en vain, ne pourraient-elle pas se transformer en piliers, en fondations ? 
Autant de courage et d'énergie pour jeter dans la grande piscine du monde des années de travail, de doutes, de corrections, d'émotions vives, d'espoir, et d'ambition aussi. Moins glorieux mais réel.
Ces tentatives n'aboutissent pas. 
Tant pis. 
En retour, je trouve des missives types à classer dans une chemise de carton.

Il me reste encore quelques pistes à explorer, même si, l'attente et les réponses négatives émoussent mon enthousiasme. Je sais ce que je dois faire. Ce que j'ai à faire. 
Continuer. Encore. 
Finir le second tome de ce projet trop grand, actuellement en relecture (merci aux lecteurs bénévoles !). Enfin, passer à autre chose.
Écrire toujours, cette fois avec une idée peut-être plus éditable.




Cette année, durant neufs mois, je me suis astreinte plus ou moins quotidiennement, à écrire une page dans un cahier selon un thème donné (exercice des 365 réels). À la louche 100 à 200 mots, parfois inspirés, sauvages et fluides, parfois laborieux, tressautant du bout de doigts vindicatifs.

Bilan : échec total de me plier à une discipline. Tous les livres de méthode le clament : avec l'habitude, le rituel, vient l'envie, le besoin d'écrire. Le corps et l'esprit se plient.
Pour moi, tintin ! 

Revêche ou juste fantasque jusqu'à l'os, l'écriture au jour le jour n'a rien suscité d'autre qu'une tension, de la déception pour les nombreux ratés, de la pression parfois insupportable et un vague contentement lors des séances de rattrapage.
J'ai rempli un cahier de mes pattes de mouches piqués de fautes exotiques. J'ai rempli mon cœur de la satisfaction d'avoir tenu jusqu'en octobre où j'ai suivi, avec une assiduité malléable le défi de dessin inktober (visibles sur mon compte instagram).




Novembre s'installe.
J'achève l'épilogue du second tome de la trilogie « Écharpe d'Iris ».
Toujours pas publication prévue pour le tome un.
Toujours pas de sentiment de légitimé, d'être une professionnelle.
Toujours un chaos dans ma tête, sur mon bureau.
Je continue.

Au moins, les missives indiquant en termes politiquement corrects que mon roman ne correspond pas à la ligne éditoriale de la maison ne s'amoncellent plus comme les feuilles de mes arbustes dans la cours. Je les ai rangé. 
En vrac. Pas classé. Faut pas exagérer non plus. 

Un nouveau projet germe. C'est la saison propice aux plantations des arbres. Je prépare le terreaux, la bêche et pelle.


Me voilà de nouveau au travail.