28 juillet 2020

Ne plus rien ranger grâce à Marie Kondo




Impossible d’avoir échappé à la méthode de rangement miracle de la Japonaise zinzin qui vous propose de jeter la majorité du contenu de vos intérieurs. Même sans la TV, même en vivant en ermite, vous avez très probablement entendu parler de son best-seller planétaire La magie du rangement.

Le principe : ne gardez que ce qui vous met en joie

La base de cette méthode consiste à considérer chaque objet, à le prendre, à le toucher, et à se poser la question suivante : est-ce qu’il m’apporte de la joie ? OK, ça fait sourire, je l’admets. Sauf que l’exercice n’est pas si facile. Beaucoup d’objets sont chargés de souvenirs et d’émotions complexes parfois contrastés voire antinomiques. L’opération semble longue et fastidieuse d’autant que Marie Kondo recommande de la faire en une fois, ou sur quelques jours rapprochés afin de créer un « choc » et de changer en profondeur l’apparence du logement. 
En gros, une fois la décision prise de vous engager à suivre ses conseils, vous visualisez votre mode de vie idéal avec un intérieur rêvé. Vous passez ensuite à la phase de tri qui va permettre de vous désencombrer. Vous réunissez alors toutes vos possessions par catégories (vêtements, livres, papiers, objets divers, les photos et les souvenirs), puis vous les regroupez tous ensemble à même le sol. Un par un, vous les prenez dans vos mains et quête de « l’étincelle de joie ». En son absence, hop, direction le sac poubelle. Évidement, quand on tient un presse-ail, un chausse-pied ou une babiole moche offert par la tante bidule, l’exercice paraît abscons. Cependant, conserver le premier si on n’aime pas l’ail, le second si on n’en a pas besoin, et le troisième si on a un sens de l’esthétique même timide apparaît comme absurde. Il s’agit donc, à travers de son rapport à l’objet, de s’interroger sur soi. Ensuite, une fois qu’on a fait un grand vide, on peut s’attaquer au rangement.

Des bons conseils mais la forme laisse à désirer

Pour ce qui est de l’ouvrage, ne vous attendez pas à de la grande littérature, ni même à un essai clair et concis. Les aller-retours et les redites sont légions. La traduction m’a laissé parfois dubitative. Ensuite, la nana est particulière. Voire complètement fada.
Autre chose, si vous être un tantinet féministe, l’évocation de références pour être une parfaite ménagère risque de vous filer de l’urticaire. Passez outre, ça vaut quand même le coup. D’autant que le livre est dispo en poche et trouvable aussi en occasion. Si vous trainez ici et que vous connaissez un peu le Japon, les biais induits par cette culture parfois impossible à appliquer ne vous surprendront pas. Non, en France, on ne jette pas ses fiches de payes et on ne dispose pas dans nos logements de placards gigantesques pour ranger les futons à plat.
La Magie du rangement s’adresse à ceux qui se sentent débordés par le bazar, mais aussi qui réfléchissent à la notion même d’objet et de possession. Qui possède qui ? Parfois, notre attachement aux choses est tel qu’il devient difficile de discerner ce qui importe vraiment dans nos vies. En cela, la méthode de l’étincelle de joie, qui prête à sourire, s’avère assez efficace.
La structure du texte est la suivante, d’abord les causes du désordre, ensuite la nécessité de faire du vide, après, une approche pragmatique du tri par catégorie, puis quelques conseils pratiques accompagnés d’un panégyrique du changement induit par la méthode. Quelques trucs sont simples et efficaces à appliquer comme favoriser le rangement vertical afin de bien voir les objets, ne pas stocker ni garder « au cas où » (maintenant que le confinement est passé par là, certains douteront).
Faire le vide permet de discerner ce qui est réellement important pour soi, le rangement n’est pas un objectif en soi, à moins, comme Marie Kondo que cela soit votre passion. Vous trouverez alors toujours des personnes chez qui ranger ou vous deviendrait coach dans le domaine...




Pourquoi donc ai-je lu ce bouquin ?

Ma première rencontre avec sa méthode s’est faite dans une certaine stupeur lors d’une énième polémique sur les réseaux sociaux où quelqu’un s’indignait – activité principal des-dits réseaux – qu’elle appelait à jeter ses livres et à libérer le bois opprimé de nos étagères. L’idée de balancer mes bouquins m’avait alors révulsée, même si, j’ai dans un second temps exploré la virulence de ma réaction. Finalement, étant une adepte du tri et du don, j’ai songé « pourquoi pas ? ». En vacances chez mon amie Nadia, je remarque que son intérieur s’est considérablement allégé, que son bureau a gagné en fonctionnalité et rationalité, sans perdre de son ambiance geek gothique med-fan (oui, tout ça dans la même pièce). Elle me sort alors la version illustrée en manga de cette bible contemporaine et m’en chante les louanges tout en y ajoutant certaines nuances. Curieuse, je la lis et trouve qu’il y a quelques concepts intéressants.
Il y a peu, en allant chez une autre amie, L, je note là encore que son intérieur – quoi que toujours désordonné – est devenu nettement plus praticable, surtout sa chambre et son vestibule. Là encore, je trouve l’ambiance plus légère. Elle me sort le bouquin de Marie Kondo en me disant : « Elle est complètement dingue. Je ne suis pas d’accord avec tout mais c’est génial pour elle de pouvoir gagner sa vie avec ses névroses. J’ai appliqué sa méthode pour mes vêtements, et cela m’a bien aidé ». Suite à mon séjour chez Nadia, j’avais parlé à L. de ma lecture et elle m’avait alors rétorqué qu’il était impossible pour elle de mettre tous ses vêtements par terre en tas, comme préconisé par Marie Kondo. Cette façon de traiter les objets l’avait choquée, elle avait refermé le livre. Mais, quelque temps plus tard, la situation devenue critique l’avait motivé à tenter une nouvelle lecture.
L. a beaucoup de fringues. BEAUCOUP. Elle m’ouvre son armoire arrangée avec des tiroirs en plastique transparents. Rien ne dépasse, elle sait où tout est rangé. Un choc pour moi qui me souviens très bien de l’état de l’armoire d’avant (je me suis battue plusieurs fois pour en fermer la porte et ne suis pas toujours sortie vainqueur de la bataille). L. m’explique qu’elle a adapté le truc en étalant ses habits sur une couverture, à même le sol. Elle a aussi demandé assistance à une amie dynamique pour l’opération. Il est nécessaire d’être avec un personne motivée, qui va abonder dans le sens du tri sans vous conforter dans votre désir conservation.

Impressionnée, je suis repartie avec son exemplaire du bouquin que j’ai lu avec circonspection. Ce bouquin tombait à pic alors que j’entamais une réflexion sur mon mode de vie actuel et un désir profond de changement, de m’alléger. Marie Kondo ne propose pas de ranger mais de faire en sorte de modifier nos façons de vivre pour ne plus avoir à ranger. Je vois vos yeux s’illuminer ! J’avoue que c’est ce qui m’a le plus séduite dans son approche.

Alors, est-ce que ça vaut le coup de tester ?

Marie Kondo dit que les résultats de sa méthode sont garantis si on la suit à la lettre, il n’y a pas de « test », on le fait ou on ne le fait pas. Cela implique de jeter une bonne partie du contenu de ses affaires. Là, c’est problématique pour des raisons d’éthiques, d’écologie… Sauf que vendre ou donner peut demander un temps et une énergie considérable et en final, nous couper dans notre élan.
Si j’ai trouvé la lecture utile, je conseille néanmoins la version manga, plus concise, plus claire aussi. Je pense aussi qu’il faut l’aborder avec souplesse. La méthode de Marie Kondo est très rigide voire extrême pour certaines personnes attachées aux objets. On peut avoir un sentiment de gâcher ou polluer en jetant ainsi des dizaines de sacs. L’autrice veut à tout prix éviter l’effet rebond par cet technique radical sur un laps de temps très court, mais cela peut vous malmener ou vous décourager.
Des copines l’ont appliqué en l’adaptant à leur limite et à leurs conditions familiales (célibataire ou maman, le logement n’a pas la même tronche) et les retours sont positifs, elles se sentent mieux, motivée pour persévérer. Quant à moi, ma situation perso de nouvelle célibataire avec déménagement à moyen terme ne me permet pas d’aborder un rangement « une fois pour toutes » dans un lieu que je vais quitter. Par contre, jeter (ou donner, solution que je préfère), me soulage au quotidien.
À la différence de ce que nous vend Marie Kondo, sa méthode n’est pas miraculeuse, simplement parce qu’il est impossible d’unifier et généraliser notre rapport aux objets et à nos intérieurs. Par contre, elle accompagne dans un chemin de vie et dans une prise de conscience d’un mal être, souvent causé par une surabondance d’objet, qui alourdissent et compliquent nos existences. Le foutoir dans le logement reflète souvent celui dans notre tête et notre cœur. Parfois, il stigmatise un mal être plus profond, et là, le livre de Marie Kondo atteint ses limites. Ranger n’est pas une thérapie magique mais un élément vertueux s’il s’accompagne d’une prise de conscience plus globale.


Table des matières et résumé du bouquin : 



10 juillet 2020

Promenade dans les jardins de Versailles, désert royal




La parenthèse s’étiole. On nous rebat les oreilles sur le monde d’après, tout pareil que celui d’avant, en pas mieux. Fatiguée, je me contente d’écouter une autre musique, celle du vent et des oiseaux, de nouveau assourdie par le retour des bouchons sur le périph. Les frontières sont fermées et le tourisme de masse laisse encore tranquille la capitale ; festive, elle, rattrape avec frénésie les semaines de frustrations. Des masques dans le caniveau, des terrasses bondées et dans les restaurants, une distance de sécurité. Une table sur deux, voilà qui rend les repas plus tranquilles à mon goût. Les musées commencent à rouvrir, sur réservation. Voilà donc une occasion de profiter avec calme de lieux à l’accoutumée si bondé que leur accès est pénible lorsque, comme moi, une foule trop dense, gâche le plaisir jusqu’à l’angoisse. Et puis, je vais quitter Paris.




Comme chacun, j’accumule les « un jour ». Je le visiterai bien « un jour ». J’irai « un jour »… Le décompte est lancé et le sac à « un jour » qu’on aspire tous sans fond, s’amaigrit. Alors, avec une amie, nous avons décidé d’un programme de rattrapage, de faire ces promenades sans cesse repoussées. Nous avons commencé par le Château de Versailles, lieux bling bling où je ne me suis rendue que quelques fois, pour voir de l’art contemporain (comme l’expo Murakami en 2010) ou des spectacles en plein air. Si l’architecture ostentatoire et surchargée me laisse impassible, déambuler dans la galerie des glaces avec une poignée de visiteurs m’a impressionnée. Le faste du lieu prend, dans le calme, une autre ampleur. Les contraintes sociales de la cours et la nécessité d’un décorum rigide me paraissent un carcan bien insupportable. Nous nous arrêtons pour observer les détails de tentures, des tapisseries, les dorures des meubles, les poignées de portes, les pieds des fauteuils. Personne pour nous bousculer ou nous houspiller. Le Grand Trianon, encore moins animé, est un réel plaisir. Là, fini les fresques au plafond et l’omniprésence de l’or. Le contraste entre l’architecture et le mobilier me séduit.








Mais la vraie joie se trouve au jardin.
Certaines parties ne sont pas ouvertes et partout les jardiniers s’affairent, surpris presque de voir déambuler les visiteurs. Lorsque nous nous enfonçons dans le parc, nous marchons, seules dans les allées proprettes d’arbres au carré. Le hameau de la Reine, charmant, et sa ferme de poupée, abrite une basse-cours exotique où poils et plumes resplendissent. Les bestioles nous observent placides. Les chèvres viennent se faire gratte. Les poules se coursent. Les lapins mastiquent. Il existe un parcours recensent les arbres remarquables. Vieux gardiens du parc, ils ont dû voir défiler de sacrés loustics, entendre complots et remarques idiotes, en toutes les langues sans compter l’activité dans les bosquets.






Marcher, observer écorces et fleurs ; se poser pour gribouiller et boire un jus d’orange fraîchement pressé. Quelques familles, quelques personnes âgées, quelques Anglais. Nous sommes arrivées à 10 h et nous partons à 17 h, fourbues mais joyeuses. De l’or et du vert au fond des prunelles, l’écho de nos échanges tantôt philosophiques tantôt stupides mais si drôles, gonfle nos cœurs. Une plume dans le sac, deux dessins dans mon carnet. C’était une belle journée.

Pour voir des photos de l’intérieur du château, c’est sur en public sur facebook