13 octobre 2010

Murakami au château de Versailles : rencontre pétillante

En préambule, je l'avoue : je n'ai aucune affinité pour les arts classiques. Ils ne m'émeuvent pas, au mieux m'amusent au pire m'ennuient. Le château de Versailles était pour moi une de ces curiosités à touriste, un joyau de l'architecture et de l'histoire de France posé dans le paysage, sans vraiment susciter une quelconque attirance de ma part.
La présence des oeuvres de Takashi Murakami a changé la donne. J'apprécie beaucoup le travail de ce monsieur depuis que je l'ai découvert à la Fondation Cartier en 2002. J'aime son art coloré, heureux et un poil subversif. C'était donc l'occasion rêvée pour visiter Versailles !

Tongari-kun

Pour ses contemporains, Versailles était un lieu d'audace, de découverte et souvent de débauche en tout genre malgré la pression morale et religieuse. Cette exposition est donc en accord total avec l'esprit festif du lieu, à sa mégalomanie frisant parfois le ridicule dans les détournements et les reprises des mythes antiques pour élever les rois au rang de héros et de Dieu.
Murakami crée des personnages inspirés de l'histoire japonaise et du quotidien, mêlant culture traditionnelle et mouvement populaire contemporain. Un bel accord avec l'étrange contraste du château de Versailles : dans un cadre baroque et pompeux, on accueillait les artistes et les tendances les plus modernes.
Voilà pourquoi je nie toute raison d'exister à la polémique stérile sur la présence de Murakami dans ce moment classé au patrimoine de l'Humanité. Quant à ceux qui ont crié à la pornographie, qu'ils regardent avec attention les statues des jardins ! Qu'ils se souviennent donc des activités menées dans les nombreux bosquets bien touffus...

Au pays des merveilles

Le château de Versailles ne m'a pas déçu avec son arrogance dorée, sa majesté d'esbroufe. Des pièces immenses, des plafonds qui se prennent pour les cieux, des angelots obèses, des peintures des grands de notre histoire et des grandes victoires. Assénant par l'image et la forme la splendeur du pouvoir et de la cour, Versailles diffuse encore son prestige dans les yeux de chaque curieux.
Au milieu de ces salles, les statues joyeuses et multicolores de Murakami prennent leur aise, animent un peu ces richesses usées et fendues par les siècles. Chaque oeuvre a été choisie en accord avec l'artiste pour faire écho au passé du château, parfois en hommage, souvent en pied de nez.

Kinoko Isu

On sourit devant l'auto-portrait replet de Murakami et son chien, et devant la perruque d'un empereur presque nu aux dimensions « super deformed » dans le style de la caricature manga !

Je regrette quand même l'éclairage pas toujours adapté surtout pour la première statue, Tongari-kun. Autre grief, célébrité de Versailles oblige, il faut subir le flot ininterrompu des touristes en groupe avec leur accompagnateur pas toujours très respectueux des visiteurs solitaires. J'aurai aimé aussi voir plus d’œuvres monumentales, mieux visibles. Cependant, apprécier en vrai, et pas juste en photo, certaines statues devenues cultes comme Miss Ko est une récompense qui vaut largement les doigts de pieds écrabouillés et les cotes meurtries par des coups de coude. J'exagère à peine ! Et nous étions un jour de semaine, hors vacances scolaire...

Superflat Flowers

Plusieurs œuvres ont, elles, été réalisées exprès pour cette exposition. Elle sont conçues pour s'exprimer pleinement dans ce décor d'exception. Dans le salon de la paix, Superflat flowers reprend un thème récurrent dans le travail de Murakami pour jouer de son aura pacifique et bienfaitrice, décuplée par les miroirs et les larges fenêtres.
La visite s'achève par un all-over fleuri avec tableau, lampe et moquette. Une plongée dans l'univers heureux et fous de Murakami. A l'extérieur, une seule statue dorée, éclatante sous le soleil d'octobre. Elle trône, juste dans l'axe des jardins et du grand canal, visible de partout. Un immense Kappa devenu Bouddha, toutes dents dehors d'un coté, et de l'autre, le mystérieux sourire de ceux illuminés. 

Oval Buddha

Et si, la visite du château ne m'a pas donné l'envie de me plonger dans les livres d'histoire, celle des jardins m'a vraiment séduite. Même sans les oeuvres de Murakami, j'ai envie d'y retourner ! Si vous êtes amateur de l'artiste, ou simplement curieux de découvrir son travail et surtout son approche, très japonaise dans son fonctionnement, je vous conseille la lecture du numéro de BeauxArts consacré à l'expo.
Murakami est en effet à la tête d'une entreprise, Kaikai kiki. S'il conçoit ses oeuvres, leur fabrication utilise à la fois des procédés traditionnels – comme la dorure à la feuille d'or – et des techniques extrêmement modernes et pointues. Le coût de réalisation de chaque pièce est élevé ce qui n'empêche pas Murakami de soutenir activement toute une nouvelle génération d'artistes. Dans son sillage, on trouve des peintres de génies comme Aya Takano et Chiho Aoshima.

Une belle exposition, courageuse et magique.

Kawaii - Summer vacation

1 commentaire:

  1. La difficulté de Versailles, au delà du nombre de visiteurs, est le ticket d'entrée culturel. Apprécier Versailles c'est être capable de comprendre l'originalité des créations dans leur contexte historique, c'est être capable de comprendre la portée des mythes grecques et romains dans une société qui redécouvrira ces thèmes au XIXème uniquement...

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Marianne