30 avril 2020

Dessiner des yôkai pour se changer les idées



Sur les réseaux sociaux, les défis et appels en tous genres pour un confinement créatif fleurissent depuis des semaines. Moi, je n’ai même pas ouvert un bouquin. Je suis incapable de me concentrer. Je gribouille un peu, je tiens vaguement un journal, mais je suis très loin de l’orgie de lecture ou d’activités à laquelle certains s’adonnent. Entre apathie gluante et culpabilité, mon état oscille lentement du vide au rien. Je jalouse les actifs, les créatifs du confinement qui organisent leurs journées et « rentabilisent leur temps ». Moi, ma survie psychique tient à ma Switch, à l’alcool, et aux plantes sur la terrassasse. 
Pas vraiment glorieux...

La seule motivation qui m’a sortie de ma boue intellectuelle est venue de mon amie Virginie Blancher. Lors d’une vidéo en direct sur Instagram organisée par la librairie Le Renard Doré, elle a donné ue heure de cours de dessin à distance, simple, pédagogique, avec une approche souple, destiné à des débutants. J’ai suivi l’affaire par pure solidarité, pour montrer à ma pote que j’étais là, derrière l’écran. Je n’avais rien préparé, et lorsque ça a commencé, prise d’une certaine frénésie, j’ai sorti papier, crayons et aquarelles, soudain bien décidée à moi aussi, dessiner mon Amabie.


Amabie qui danse :)

En effet, illustratrice pro et amatrice éclairée de culture Japonaise, Virginie a proposée pour ce premier live de dessiner un yokai, une créature du folklore japonais, devenue célèbre ces derniers mois : Amabie (prononcer Amabié). Sorte de sirène à trois pattes dotée d’un bec, elle n’est pas d’une esthétique séduisante, pourtant, la bestiole a enflammé les cœurs des artistes en herbe en raison de sa mythologie particulière : montrer son image permettrait de guérir les maladies infectieuses. Forcément, vu les circonstances, on se dit qu’on a pas grand chose à perdre.
Pour en savoir plus, je vous renvoie à la page Wikipedia
 

Nekomata joyeux
 
Cette première expérience de cours à distance a été bénéfique. Déjà, je suis resté concentrée, et puis le résultat m’a satisfait. En plus, il y a avait une ambiance d’encouragement sympathique. Mikael, le libraire devenu médiateur a veillé à ce que les questions du public soient relayées. Tout le monde a pu ainsi réussir à suivre. D’ailleurs, un autre cours a eu lieu sur un autre yokai, le Nekomata (sorte de chat avec une queue bifide). Il est possible qu’un troisième soit mis en place. Le cours est en accès libre, il suffit d’avoir un compte Instagram. Une initiative d’autant plus généreuse qu’elle demande du travail bénévole de la part de deux professions lourdement impactées par la situation.

Les initiatives de ce type se comptent par centaines. Avant celle-là aucune n’a réussi à me tenir, à insuffler l’envie nécessaire. L’amitié est une sacrée motivation !

Si vous être intéressés, je vous encourage à suivre les comptes Instagram de Virginie et du Renard Doré qui diffuse un live chaque soirs à 18h. Demain, ce sera Agnès Domergue et ses haiku ! J'y serai.


22 avril 2020

Le jour de la Terre où elle eut (un peu) la paix


Plus de 4 milliards d’humain se serait trouvé confinés, à la louche, plus de la moitié de la population mondiale selon un média environnemental. Check news de Libération, en décompte 2 milliards au 30 mars.

La planète souffle.

Économie en suspens, activités polluantes et grouillantes soudain à l’arrêt ; alors que l’humanité semble en apnée, les autres espèces, elles, profitent de la tranquillité. Si la pollution atmosphérique a connu une baisse drastique, la réalité reste moins youpi-yop avec notamment la multiplication de décharge sauvage. Sans personne pour surveiller, il est facile de vider sa merde dans les rivières, dans champs, dans les forets.
Cependant, on peut mesurer durant cette période extraordinaire les impacts de nos vies, y compris dans des domaines surprenants comme l’activité sismique. Les scientifiques collectent des données assez incroyables. Après, nous sommes balèzes pour ne pas les écouter lorsque les conséquences de nos actions impliquent de changer de façon de vivre, de « perdre » du confort, d’abandonner un mode de consommation mais aussi de penser. Trop difficile ; trop pénible. 
On verra plus tard. 
Les prochains se débrouilleront.

Le jour de la Terre, comme la « journée de la femme », me laisse dubitative ; l’existence même de l’évènement donne la dimension du problème. Pour la moitié de l’humanité, une fois par an, on tâche de rappeler qu’elles ont les même droit et que cette égalité est un combat encore difficile. Pour la planète, une fois par an, on pense à ce qui se trouve sous nos pieds, à ce qui passe au-dessus de notre tête. 
Le sol, pas toujours solide, l’air, par toujours transparent.
Menacés par l’infiniment petit, obligés de nous terrer, cette commémoration prend des atours insolites voire franchement ironiques. L’environnement revient sur le devant de la scène, rentré par une porte microscopique, pour nous prouver que nos actions ont des conséquences, souvent très complexes.



Le ciel est dégagé en cette soirée douce du 22 avril.
Pas de nuages. Comme depuis six semaines, je me réjouis d’observer ce morceau quadrillé par les immeubles du 20e, sans qu’il soit haché par les trainés des avions. Les bruits sont limités aux conversations, rires et hurlements d’autres parisiens. Pas de vrombissement lointain. Pas de sirène. Aucun klaxon. Et le crétin en scooter qui fait des tours de quartier se limite à un seul, probablement de crainte de se manger un coup de pelle. 

Sur la terrasse, un pigeon gonfle ses plumes. Il a raté son atterrissage il y a une heure et s’est presque assommé. On le laisse tranquille, en attendant qu’il recouvre assez ses esprits. 

Le crépuscule force les ombres et les arêtes de béton tranche le bleu roi. La température baisse. Bientôt, à la fenêtre, certains applaudiront. Le jour de la Terre s’achèvera, discret 50e anniversaire dans les médias. Le pigeon me regarde et se rapproche de la baie vitrée ouverte. Tant qu’il n’ouvre pas le frigo pour prendre une bière, je le laisse tranquille.

Dans mon pot de compost, les bactéries et les insectes s’en donnent à cœur joie. Si je ne peux pas faire grand chose pour l’état de la Terre, au moins, je peux contribuer à en renouveler, sans majuscule.


17 avril 2020

Quinze ans d'attente...


Timidité maladive ou patience infinie ?
Voilà la première fleur du lilas, après des années d'attente.

Si vous êtes curieux, je vous raconte son histoire ici.


Deux branches portent des inflorescences. La plus vaillante vise le ciel et commence à éclore. L'autre, plus rétive, ferme encore les yeux sous les assauts du soleil d'avril, hésitante à s'offrir.

La morphologie de la plante n'inspirera aucun élan au poétique. De guingois, mal taillé, l'arbuste n'a ni l'élégance de l'érable qui lui fait de l'ombre ni la rectitude touffue des althéas voisins. Mais il fleurit. Une récompense alors que j'avais perdu espoir.


En ce printemps borné par une attestation de sortie, par l'horizon bouché d'immeubles et la crainte soude de l'avenir, deux fleurs et un parfum, quel trésor ! Merci lilas.









16 avril 2020

La patience du lilas



C’était un week-end de printemps, le premier week-end de mai. Cette maison de Touraine n’existe plus, rasée pour laisser place au TGV. C’était chez un couple depuis séparé. Amitiés perdues, rongées d’incompréhension, de choix de vie divergent jusqu’à l’impasse.
Il me reste de cette escapade la fragrance douce d’un lilas immense et vieillissant. Un jardin laissé trop longtemps à l’abandon qui a connu, lors de ces journées, une activité intense. 

Tailler, nettoyer, désherber, et rire. Beaucoup de rires.

C’était un week-end de promesse, une maison tout juste acquise, un nid à construire, des possibles à planter. Avant qu’un train ne ravage tout. C’était une période de bonheur tangible bâtie sur une terre déjà malade, trop meuble.
De la joie plein les poches, des sacs de boutures et rejets divers, nous sommes rentrés chargés de trésors à ramener à Paris. Nous aussi, nous avions emménagé dans notre premier chez-nous, une grotte en ruine, l’année précédente. Tout nos revenus passaient dans le remboursement du prêt. Les plantes de récup étaient une aubaine joyeuse.
J’allais avoir trente ans.



Sur le quai, une foule attend le train bondé.
Retard en cascade, d’incidents en accident. Je me souviens de cette fin de week-end chaotique et tardive, chargés avec nos précieuses vies végétales, de la file d’attente interminable à Montparnasse pour acheter la carte orange. Nous étions partis en avril, nous revenions en mai, fleuris et heureux.




Durant quinze ans, le lilas s’est tu.

Dans l’ombre humide de la cours de la rue Turgot, un rideau verdissant devant nos hautes fenêtres du rez-de chaussée. Maigre protection contre le vis-à-vis et le local à poubelle, soooo glamour. Mais jamais de bourgeons de fleurs.
Certaines des boutures d’althéas se sont acclimatées. Le lilas a survécu, péniblement. Un peu moche, déplumé.

Et puis, nous avons enfin quitté la grotte, migré vers le 20e.
Sur la terrasse, le lilas découvre l’existence du soleil. Sans révolution, il s’accommode à ce changement d’exposition. Certaines plantes ont peiné, comme les hortensias, d’autres, comme le rhododendron, n’ont pas passé l’été. J’ai regardé le lilas, vraiment très moche.
Nous avions des plans pour aménager l’espace, une fois que l’intérieur serait achevé. On s’y connait en travaux. Des années à vivre dedans (presque dix). Et nous ne sommes toujours pas vaccinés !
L’intérieur est aujourd'hui presque achevé, et pour l’instant, l’extérieur reste toujours un grand foutoir système D avec de la récup et des pots en terre cuite explosés par le gel et réparés au stock pour toiture (très efficace). J’ai regardé le lilas et décrété qu’il serait l’un des premiers candidat pour le petit bois.
Aucun avenir dans ce futur pas si lointain où nous transformerons la terrasse en havre avec barbecue, tonnelle, et bac à lotus, coin potager...


J’adore le lilas.
Deux pieds encadraient le petit portillon en bois blanc écaillé de ma maison d’enfance : un rose et un violet. Dès que la floraison commençait, mon aire de jeu tendait à se rapprocher des arbustes et souvent, j’allais renifler les délicates inflorescences. J’aime aussi la feuille vert tendre en as de pique. Avoir un lilas, c’est un rêve de gosse, une prolongation du lien avec la terre.




Printemps confiné où les promenades bucoliques relèvent du fantasme lorsqu’on vit à Paris et où toutes les possibilités de sorties loin du bitume se dissolvent dans un avenir fumeux sans cesse repoussé.
Un matin, caché derrière une branche de l’érable rouge en pleine explosion, une timide inflorescence émerge en haut d’une des branches rachitiques. Cette année, le lilas fleurira.
La maison a été rasée, le couple s’est dissout dans les affres d’une rupture violente, et il ne reste de cette amitié et de ce week-end que les souvenirs, teintés d’amertume. Pourtant, après quinze-ans à pousser dans un pot trop étroit, à l’ombre d’un immeuble de six étages, après avoir été déménagé par un monte-meuble branlant au bout d’une impasse piétonne, le lilas nous offre un miracle.

La couleur de l’espoir, un parme encore recroquevillé.
Promesse de ce parfum si particulier que j’adore.
Lorsque nous aurons le budget pour aménager la terrasse, le lilas de guingois, trouvera sa place avec d’autres rescapés. Mais, pour patienter, La Moustache se lance dans la confection de grands bacs avec les lames en bois imputrescibles conservés après la construction de la terrasse.
Une maison de récup' pour un arbuste de récup'. Parfois, pas besoin d'attendre quinze ans pour profiter !

Ces prochains jours, je posterai ici quelque photo du lilas.



2 avril 2020

Ces temps étranges...



Confinement :
(Par extension) Procédure de sécurité visant à protéger des personnes dans des espaces clos afin d’éviter, un contact avec un nuage nocif (de gaz ou radioactif), ou la propagation d’une maladie infectieuse.

Je me sens pas confinée.
Je me sens entravée, menacée dans mes libertés, en colère face à une situation d’une extrême complexité, angoissée par le manque de cohérence de nos gouvernants, inquiète pour mes proches face à une maladie qu’on ne soigne pas.



La guerre comme joker


J’étais en Bretagne, à Quiberon, pour quelques jours au vert et au bleu, quand le confinement a été instauré. Il y avait un TV dans la loc. Je l’ai regardé, un truc qui ne m’était pas arrivé depuis des années. J’ai ainsi suivi en direct l’allocution notre Jupiter national. « Nous sommes en guerre » a-t-il martelé. Mais contre qui ? Ai-je songé. Parce qu’il me semble dans une guerre, il faut au moins deux camps. Soyons clairs, Covid19 s’en cogne de nous, c’est un virus, il n’a pas d’intention de nuire, juste de survivre et de faire ce que font les virus.
Être en guerre, c’est pratique, rassembleur, on enterre nos différents, on s’unit, on se serre les coudes (mais de loin, distance sociale oblige).
Immédiatement, j’ai repensé à mère, infirmière, qui allait à Paris manifester au milieu des années 80 pour la sauvegarde de l’hôpital public. Je me souviens de ma trouille diffuse de gosse de dix ans, devant les infos et les charges de CRS – déjà à l’époque – qui les arrosaient à coup de lacrymo. Depuis, le démantèlement du service public a continué, avec une logique unique : financière. L’humain, on s’assoit dessus.

Alors, dès ce fichu discours, je me suis sentie très très mal. En début d’année, quand les soignants défilaient en une énième tentative pour demander des moyens de bien faire leur métier, la réponse était matraque et flash balls. Soudain, dans la bouche présidentielle, ils deviennent des héros. C’est bien pratique les héros, en temps de guerre, ça tombe comme des mouches. Au moins, y a ni pension ni retraite à leur verser ; ils accomplissent leur « devoir » .
Rapidement, le statut de héro a été largement distribué à tout le monde. Il suffit de rester enfermé. « Rester chez vous, sauvez des vies ». Quelle facilité ! Surtout quand on vit dans un lieu sympa, avec de l’espace, qu’on peut télétravailler, qu’on a pas de gosse, qu’on ne se retrouve pas au chômage partiel, et qu’on est suffisamment introverti pour supporter l’absence de contact...


Injonctions contradictoires à gogo


Restez chez vous, mais allez voter.
Restez chez vous, mais allez bosser.
Voilà qui m’a copieusement embrouillée. Alors, j’imagine l’effet sur des personnes moins informées, moins éduquées, abreuvées par les infox et les conneries alarmistes qui tournent en boucle sur les chaines TV préoccupées uniquement par leur audimat.
— Il a dit quoi ?
— Ben faut rester enfermés.
— Ha, OK.
— Mais dimanche, faut quand même aller voter. Et puis, en fonction des métiers, faut aller bosser, car il faut bien faire tourner les pays. Mais on va être des héros.
Caissière, livreurs, soignants... Hop, eux aussi ont leur badge de héro. Parcontre, pour le salaire décent et la pérennité du boulot, là, ils peuvent toujours courir (mais pas à plus d’un kilomètre de chez eux). Quant aux enseignants, ils sont donc en vacances, hein ! Ces branleurs.

Les élections ont eu lieu.
30 000 communes ont un nouveau maire, seules 5 000 en sont dépourvues… Sauf qu’en raison du confinement, les nouvelles équipes d’élus ne peuvent pas se réunir, donc l’ancienne continue d’assurer. Évidement, certains assesseurs ont été contaminés.
La logique de l’affaire m’échappe, après tout, je ne suis pas homme politique, mais je doute qu’elle réponde à une préoccupation de santé.





Le prix de la peur

 

Alors le pays ralentit. Les sorties sont stigmatisées. Il faut une attestation. On a l’impression que sortir acheter un paquet de biscuit – qui n’est pas un produit de nécessité – est une transgression folle. L’ambiance s’alourdit. On regarde les autres. La peur de la contamination, l’ennemi invisible…
Une situation que j’ai vécue en 2011, lors de la catastrophe de Fukushima, à distance mais avec une grande implication émotionnelle. Je n’oubliai jamais mon voyage au Japon en février 2012 pour raisons professionnelles. Mais l’autre n’était pas un danger ni une victime potentielle.

L’anxiété conduit à des comportements irrationnels.
On est prêt à croire le premier guignol venu qui offre de l’espoir et une solution. La méthode scientifique passe à la poubelle. Quant aux tyrans et assoiffés de pouvoir, ils débitent les âneries les plus absurdes avec un aplomb assassin.
L’anxiété conduit à l’envie, aux jalousies. On pointe du doigt les « riches » qui partent à la campagne, mieux encore s’ils vivent à Paris. Ils répandent le mal. Aujourd’hui on sait que le virus est entré simultanée par plusieurs points d’accès dans le pays. Les personnes qui ont quitté Paris ont permis de faire baisser la densité de population et donc le risque (on est la 7e ville la plus densément peuplé au monde) car le principal problème vient du sous dimensionnement des services de réanimation.

Il faut des coupables. Les riches, c’est pratique.
Il faut des coupables car si tu sors, tu n’es pas un héros.
Tu tues des gens.

Et les 100 000 proprio de toutous qui vivent à Panam ? Et les familles ou colocations entassées dans des apparts miteux insalubres, les couples qui s’entre-déchirent, les femmes qui se font maraver la gueule ? Comment on « mesure » ceux qui peuvent sortir ?
L’anxiété conduit à la violence. La nouvelle attestation, plus stricte mais permettant aussi plus de solidarité donne cependant lieu à des vérifications de police parfois musclées voire abusives.
Un autre effet, moins relisant est la délation.

Le confinement, une solution qui masque l’insoutenable.


Il y a une chose qui est insupportable : cette maladie n’a pas de remède. C’est le corps qui se débrouille comme il peut pour la combattre. Cette maladie nous met dans la tronche qu’au XXIe siècle nous sommes toujours mortels et impuissants. Non, même si on a la capacité de détruite la planète, nous ne sommes pas les plus forts.
L’unique propagation virus est par le contact : des gouttelettes respiratoires (bref, des postillons), par contacts directs avec des sécrétions ou liquides biologiques (qu’on trimballe sur les mains), ou encore par l’intermédiaire d’un objet contaminé. Pour ce dernier, il n’y a aucun cas de contamination avéré.
Par contre, cela génère beaucoup d’inquiétude.

Le côté bénéfique : si les gens ont la trouille, ils restent chez eux.
Le côté négatif, la peur conduit à des comportements irrationnels, voire dangereux ou carrément mortels.

Alors, pour limiter les contacts, la distanciation sociale et le confinement sont les uniques solutions pour faire face au cœur du problème : nos hôpitaux sont saturés. Et cette saturation est la conséquence d’années de gestion avec comme objectif unique : ne pas perdre de thune. En fait, si on pouvait en gagner, ça serait mieux. La santé des personnes ne rentrent en compte que sous l’angle comptable : les soigner coûtent cher, autant qu’elles soient en forme. Et puis, une pandémie signifie un arrêt de la production, vu qu’il n’y a plus de travailleurs. La santé et le bien-être sont réduits à des facteurs dans la grande équation magique de l’économie capitaliste.


Punir les coupables ?


Le confinement a un coût humain, les malades, ceux qui hélas succombent, et tous les autres. Les PME, les TPE, les free-lances, les artistes, le secteur de la culture, du tourisme, des loisirs, mais aussi les précaires, ceux qui vivent dans des petits apparts, ceux qui sont SDF ou pire, à la rue… Les invisibles, les laissez-pour comptes coulent en silence. Ces gens-là payent et vont payer la déroute du service public. Après plus d’un an de manif de gilet jaune, après les grèves de décembre, les inégalités sociales demeurent toujours plus criantes.
Et dans ce bordel, on applaudit gentiment à 20h à la fenêtre, les soignants qui manquent de lits et de respirateurs.
En 2008, l’état a renfloué les banques ; je doute qu’une fois passée la tourmente de la pandémie, la politique soudain se rende compte de la nécessité vitale et humaine de sortir du modèle économique actuel.
Je n’y crois pas.
Faire volte-face, sortir de la logique de rentabilité du service public avec des contractuels et des sous-traitants privés est à mon avis l’unique moyen pour rétablir un équilibre et une justice sociale.




Je n’ai pas peur d’être contaminée, pas peur d’être malade, pas vraiment. Je suis assez fataliste sur la question, et ma constitution reste robuste. 
Par contre, je suis dévorée d’angoisse quand je pense aux inégalités et aux injustices qui sont méthodiquement exacerbées, nourries et même fabriquées car elles servent les mécanismes de fonctionnement actuels de la société.

Je suis dévorée de colère face aux réponses du gouvernement, face aux mesures qui rabotent les libertés et qui nous aliènent sous motif de nous protéger alors que les plus précaires et les plus faibles servent de variables d’ajustement. Si je vis la colère comme émotion très destructrice, qui me paralyse et me fait du mal physiquement, elle a aussi un rôle d’alerte.

Mettre des PV aux récidivistes qui bravent le confinement, s’en prendre à ces « criminels » me file la nausée. Faute de savoir guérir et d’être en mesure d’accueillir tous les malades, on cherche des coupables.

En conclusion, je respecte sagement la loi, je reste « confinée » et je sors dans le cadre autorisé.
Mais je ne suis pas dupe. 
Nous payons les choix qui ont mené à la crise sanitaire. Ces choix sont politiques (pour résumer, sacrifier les services publics au profit du privé, de la « start-up nation »). Les intérêts individuels de personnes puissantes sont favorisés au détriment du peuple. Si nous n’avons pas tous les mêmes capacités à appréhender les conséquences de nos actes et à surpasser nos mécanismes de survie primaire assez égoïste, les injonctions contradictoires et l’infantilisation conduisent à des comportements sociaux dangereux et moralement assez sales. 

Quant à certaines mesures, comme les couvres-feu, et l’utilisation de données perso des téléphones pour « surveiller » les déplacements basculent dans l’autoritarisme « pour notre bien ». Un discours imminemment flippant.
Encore une fois, on cherche des coupables, des boucs émissaires qu’on veut offrir à une population apeurée prête à tout pour retrouver son confort.
Cette dérive me terrorise. 

Si j’ai peu d’espoir dans l’espèce humaine, au moins, nous allons peut-être réaliser avec le p’tit Covid 19 que non, nous ne sommes pas tout puissant sur cette foutue planète.

Dans ma tête, comme un mantra, je me souviens que tout passe, évolue, même si on a parfois l'impression d'être prisonnier dans un bloc d'ambre, dehors, les nuages continuent de cavaler tranquilles. Le ciel n'est jamais été aussi bleu, l'air aussi pur et la ville aussi calme. L'humanité en apnée.

Prenez-soin de vous et de vos proches.