15 novembre 2016

La fourmi [Poème]

Petit poème pour suivre le défi d'Agnes Domergue, lancé sur son blog
Les règles :
- Écrire un souvenir avec un insecte de votre choix
- Que vous évoque le mot murmurer ?
- Utiliser La brise fraîche 



Elles préparent la conquête...
Cimes des parasols ajourés,
Je flâne, ivre d'été
Jaunie, tassée, douceur de l'aiguille émoussée
Tapis moelleux sous mes pied nus

Elles préparent la conquête...
Parfum d'eucalyptus
Son bouquet de plumes bleuté
Tombé du ciel, vire à l'ambre
Feuilles cassantes sous mes pieds nus

Elles préparent la conquête...
Myrte entêtante dans le maquis
De part et d'autre du sentier
Fleur d'or et d'artifice
Sables brûlants sous la plante

Devant, lointain, embruns et brise fraiche
Le chant de la mer et ses promesses
Hâter le pas vers la dune

Elles lancent l'offensive...
De leur tertre, elles jaillissent
Sur les aiguilles, se pressent
Entre les feuilles, se glissent
Aïe !
Au bout de mon gros orteil
La fourmi noire
À capturer une proie
Bien trop grosse pour son estomac !


Pour la petite histoire, il y a des années, gamine, en vacance en Corse, je me suis fait "mordre" à sang par une grosse fourmis noire. La demoiselle, pas du tout dérangée par mes gesticulations a refusé de lâcher mon gros orteil, à priori très gouteux. J'ai dû l'enlever à la main (sans la tuer, parce que j'aimais bien les fourmis jusqu'à ce jour). 
Je me suis toujours dit qu'elle avait probablement crâner au près de ses copine.


9 novembre 2016

Enjoy the silence


Je manie les mots.
Je communique, dialogue, me dispute parfois, surtout je m'exprime avec les mots. Dans ma tête, ils se tamponnent en un joyeux chaos.
J'aime les mots.
J'aime vérifier encore et toujours les définitions, apprendre l’étymologie, découvrir de nouveaux termes comme autant de possibilités de jeux. Autant d'enrichissements de mon vocabulaire et de mon expression.
Autant d'outils pour aller vers soi et vers l'autre.

Souvent, nous parlons la même langue mais pas le même langage.
Souvent, les mots sont teintés du sens subjectif que nous leur donnons. De nos souvenirs, de notre ignorance, de nos erreurs.

J'aime les mots et pourtant, malgré toute leur diversité, leur précision, parfois, le mot se transforment en simples sons.

Des sons brouillés. Des sons flous, mélangés. Des sons dissonants. Des sons fatigants. Des sons traîtres, des sons mensongers.
Des sons porteurs d'émotions qui font mal. D'émotions qui ne nous appartiennent pas.




J'aime les mots.
Parfois, pourtant leurs sons m'échappent. 
Leur sons me blessent.
Je les laisse.
Je me laisser aller.
Aller au silence bleu, au vide tranquille.
Au regard.




Debout, au bord du bassin d'Honfleur,
 au crépuscule.
Tout se joue sur la surface mouvante 
d'un miroir contenu.
Les marques de l'automne. 
La servitude des bateaux amarrés.
Le dernier voyage 
d'une pâquerette esseulée.
La vie qui réside et résiste, 
surtout où personne ne l'attend.








Toutes les photos ont été prises fin octobre à Honfleur. Le titre de cet article est une référence à la chanson éponyme de Depeche Mode.


5 novembre 2016

Agitation automnale





Aujourd'hui, j'ai envie de vous causer un peu de mon entrée fracassante dans l'automne.

Les plans sur la comète


Novembre est La période synonyme d'écriture dans mon agenda. Je participe pour la cinquième année consécutive au défi un peu fou du Nanowrimo qui consiste à écrire un texte de 50 000 mots en un mois. J'avais prévu, l'an dernier, d'utiliser mon mois d'octobre pour préparer la trame d'un nouveau projet. 2016 allait être un Nanowrimo neuf, un vrai, avec un début et peut-être une fin. J'allais suivre les conseils lumineux de Chris Baty, le fondateur du Nano : planifier à l'avance mais pas trop. Enfin, je retournerai au genre SF, à un texte moins introspectif, moins lourd, histoire de m'aérer un peu du pavé sur lequel je planche depuis des années, Écharpe d'Iris
Le tome 2 avance péniblement, quand au premier, achevé depuis plus d'un an, je ne l'ai toujours pas soumis à une éditeur... (mais j'ai une vraie raison). Heureusement, ce Nano serait une bouffée d'oxygène !

La fin des illusions


Sauf que...
 En octobre, je me suis embarquée dans un autre machin : inktober (produire un dessin à l'encre par jour durant un mois). Forcément, quand on n'a pas dessiné depuis 20 ans et qu'on a jamais réussi à atteindre la cheville de son ambition personnelle, l'affaire prend du temps et de l'énergie. D'autant que j'ai adapté le concept pour y joindre du texte et le transformer en un travail introspectif.
Donc toutes mes intentions louables pour bien attaquer mon Nanowrimo 2016 se sont envolées, oubliées face au couleurs chatoyantes de mes feutres et de mes stylos à paillettes, accessoires indispensables ! Ajouté à cela une escapade en Normandie pour fêter dignement mon anniversaire et je me retrouve, début novembre, déjà en retard pour attaquer le Nano.

Cependant, j'ai la grande satisfaction d'avoir tenu le cap du inktober, avec quelques dérapages mineurs. Dans mon cahier, 31 gribouillages font face à 31 pages de textes. 




 

L'important, c'est la constance !



J'ai commencé à écrire dans un joli carnet en septembre. Je tente en vain l’exercice du pseudo journal intime depuis deux ans dans un agenda, et je n'arrive pas à m'imposer cette discipline, même hebdomadaire. Forte de l'échec, j'ai donc opté pour un truc plus adapté à mon caractère fantaisiste : un "anti-bujo" ! Le bujo (bullet journal) cristallise toute l’organisation que je rêverais d'avoir et que je totalement incapable de suivre. Chapeau aux copines qui s'y tiennent !
Dans mon cahier "anti-bujo" pas de date, pas de règle. Juste l'inspiration lâchée en liberté, un joyeux bordel créatif avec comme dénominateur commun mes états d'âmes, mes impressions, sans trop de repères factuels.

Inktober, dans sa forme assez souple et sa durée limité, fut un exercice très plaisant. Je suis fière du résultat, et j'avoue assez surprise. Mon cahier s'est bien rempli et j'ai envie de poursuivre l'aventure, au fil de mes envies.


Mais, maintenant, assez procrastiné !
Il ne me reste qu'à attaquer le marathon du Nanowrimo avec motivation. Vos encouragements et surtout coup de pied au fesses sont les bienvenus.




3 novembre 2016

Olivier Adam, le cœur régulier : le séisme de vivre



Ce roman intérieur nous transporte dans le quotidien d'une femme, Sarah, dévastée par le décès de son frère et qui va peut à peut se repositionner dans son existence, comme on revit après qu'un séisme ou un tsunami aient balayé nos certitudes et nos habitudes. Un livre poignant.

Le deuil comme seconde chance pour vivre


Pour Sarah, l'accident de voiture de son frère est un suicide. Il s'est mis son dans un platane. Volontairement. Parce que Nathan, son frère, si proche, si aimé, si cassé, n'a pas pu mourir ainsi, bêtement. Parce qu'il voulait mourir depuis longtemps. Elle est en certaine, même si, depuis plusieurs années, leur relation c'était distendue. Dans la vie lisse de Sarah, avec ses deux enfants, son mari parfait, son travail productif, il n'y avait plus la place pour un être aussi écorché vif et volatil. Alors, elle s'était détourné ; mais, face au deuil, tout se fissure. 

Alors Sarah part au Japon, là où Nathan a vécu quelque temps. Elle part dans un endroit à la célébrité funeste : les falaises des suicidés. Sarah ne sait pas ce qu'elle cherche, retrouver la proximité, le lien avec son frère défunt ? Comprendre sa mort ? Elle part à la rencontre des habitants et surtout, de Natsume, un ancien flic qui arpente le bord de mer, à l'affut de ceux qui voudraient se lancer dans la vide, pour les sauver d'eux-même.
Là bas, au Japon, dans ce bout de paysage brouillé par les embruns, teinté par le désespoir de ceux qui ne veulent plus vivre, Sarah renoue avec elle-même, et petit à petit, ouvre les yeux sur la réalité de son existence.

Maestria littéraire


Le cœur régulier est d'une grande qualité littéraire : un style d'écriture affirmé, particulier, très poétique, à la fois riche en vocabulaire, précise et très fluide. Sa construction narrative faussement linéaire avec une alternance de flash-back précis emporte le lecteur dans la vie de Sarah, lui impose sa réalité des choses, la violence de son deuil mais surtout, le contre-coup, encore plus étourdissant. Peu à peu, Olivier Adam arrive à tordre notre perception, nous donner le regard de Sarah comme "vrai" avant de nouveau de le rendre flou, lointain, pour mieux réajuster la vision d'un réel avec un tumulte d'émotions contradictoires. Ce livre raconte des vies, des relations familiales, la difficulté de s'aimer soi-même et les autres sans masques. Le cœur régulier raconte aussi une retraite, loin des siens, loin des cadres et codes sociaux, loin de toutes les obligations qui tiennent nos vies. L'absence des repères et la bienveillance des rencontres vont permettre à Sarah de se mettre aussi à nue, d'abaisser les protections qu'elle a érigé depuis son enfance, des protections devenues prisons.

Il n'y aucune facilité, aucune mièvrerie et surtout aucune complaisance dans ce roman. Quand les masques tombent, quand les illusions et les projections éclatent, que le réel qu'on pensait solide se fissure pour révéler une autre réalité, nue, objective, beaucoup plus complexe et nuancée, on peine, on souffre dans sa lecture. Ce roman m'a bouleversée. À la fois par son fond, une histoire terrible, magnifique et étonnement, libératrice et porteuse d'espoir, mais aussi par la forme : son écriture, son construction judicieuse, la maestria avec lequel le Japon est traité, l'évolution de la narratrice, son humanité.

Une amie m'a prête ce livre. Elle l'a conseillé, sincère en précisant que ce qu'elle sentait de moi et de ma façon d'écrire lui paraissait correspondre à ce livre-ci. Je voulais livre Olivier Adams depuis des mois. Il fait parti de ces auteurs français contemporains qu'un apprenti-écrivain inspiré de Japon se doit de connaître. Et puis, il a séjourné à la villa Kujoyama, comme Eric Faye (Malgré Fukushima) ou Bertrand B Reverdy (Les évaporé, un roman japonais). J'ai refermé le livre, bouleversée, secouée par un séisme intérieur. J'ai songé qu'il me reste à lire tout ses autres romans, que j'ai des amies drôlement finaudes. Maintenant, il va falloir bosser dur pour que mon écriture soit aussi percutante que la sienne !

Le personnage de Natsume, qui cherche à sauver les candidats au suicide, est inspiré de Yukio Shige :

Un autre article (qui parle aussi de l'adaptation cinématographique) :