En déclarant ma participation au NaNoWriMo cetteannée, j’espérais trouver l’énergie pour écrire 50 K mot
sur plusieurs fronts : d’abord des articles de blog, ensuite,
un texte de non fiction, très personnel. Le défi sur ce plan m’aura
permis de m’apaiser, même si le résultat ressemble plus à un
champ de mines qu’à un quelconque texte vaguement publiable. Même
pas un brouillon, juste un truc vomi, à la granulométrie variable,
à la dureté fluctuante et à la viscosité pâteuse.
L’introspection souvent pénible imposée par l’exercice m’a
laissé plusieurs fois exsangue, dans un contexte d’absence de
repère particulier, ou plus exactement, un contexte de repères qui
n’étaient pas les miens.
Durant tout le mois, j’ai partagé le quotidien
et le rythme d’une famille avec un emploi du temps chargé, alors
que de mon côté, ma vie tient du pont suspendu au-dessus du vide,
dans un paysage nimbé de brouillard. Je ne vois plus d’où je
viens et je ne sais plus trop où je vais. Je me contente d’avancer,
pas à pas, sur des planches parfois vermoulues, souvent je suis
prise de panique par les interstices vertigineux. Les mains agrippées
au cordage usé, une prière sans conviction pour garder de l’espoir.
Avancer. Mais je pourrais tout aussi bien poser mon cul et balancer
mes jambes, un temps infini, jusqu’à ce que les muscles fondent,
que mes membres s’atrophient et que j’en perde mes chaussures.
Je vis mal cet échec. Il s’amoncelle sur le tas
toujours plus haut des déceptions alors que je tourne résolument le
dos à celui des accomplissements et de réussites, refusant de
comptabiliser le positif. Crétin de cerveau.
Joyeux biais de focalisation sur les trucs ratés,
pourris, qui font mal. Je le sais, mais pour l’instant, je le
laisse planter ses crocs dans mes mollets. Essayer d’avancer sur un
foutu pont brinquebalant avec des kilos de tristesse et de
désillusions, quel exercice à la con !
Alors, la quantité de mot n’est pas au
rendez-vous cette année. Pourtant j’ai pissé de la ligne, tous
types d’écriture confondus, sans trop me relire ni corriger.
Malgré cela, je n’ai pas tenu la distance.
Si je regarde le chemin accompli, j’ai mis à
jour mon blog avec quelques articles perso et surtout, l’un assez conséquent, au sujet de l’apprentissage du japonais. D’ailleurs,
une partie de la raison de mon échec du NaNoWriMo cette année tient
au temps passé à dépoussiérer de façon compulsive mes
connaissances, surtout pour les kanji. En un mois, j’en ai
réappris bien 150 et si j’intègre ceux en cours, je monte à plus
de 200. Pour le vocabulaire, il y a encore du boulot. Je n’ai pas
non plus pris le temps de réviser la grammaire, avec de l’écoute
quotidienne de 30 min à deux heures de podcast en japonais,
certaines structures reviennent doucement. Je ne pensais pas
m’impliquer autant, j’avais prévu d’autres activité manuelles
pour ce mois de novembre, dans
la campagne belge : apprendre les
bases du crochet qui s’est avéré problématique en raison de la
laine conseillée par la vendeuse de la mercerie (il est impossible
de défaire mes ouvrages), et dessiner. Une activité qui demande
trop de concentration et laisse trop d’espace de silence dans mon
crâne. Mes pensées et mes ruminations gambadent alors et jouent à
saute-mouton.
Oui, j’avais un peu chargé le programme de
novembre, surtout avec un moral au plus bas et une procédure de
divorce en cours. Cependant, je croyais sincèrement réussir, cette
année, à produire cette quantité de mots, à atteindre les 50 K.
En travaillant sur soi, sans écrire une histoire, mais son histoire,
en imaginant et s’imprégnant non d’une ambiance mais de son état
intérieur, le flux a été irrégulier et souvent, malgré l’envie
et l’attente, un maigre filet de mot a jailli, à peine un
pissouillou, pas de quoi remplir une citerne. Ce texte-ci compose en
quantité les 2/3 de ce que j’ai pondu, à savoir 44 K mots.
Et je ne sais que faire avec, à part continuer le
travail.
La bonne surprise du NaNoWriMo s’est produit sur
les derniers jours. Un auteur que j’apprécie beaucoup, Nicolas
Pages, a partagé un appel à texte de son éditeur lyonnais – une
incitation forte vu mon souhait de relocation – réservé
uniquement à des autrices. J’ai gardé l’info dans un coin de
mon crâne, et un bout d’idée s’est agrégé à un autre, à des
réflexions et inquiétudes, et hop, un bout de machin qui pourrait
être un nouveau texte a pointé son nez. Obéissant à la loi du
NaNoWriMo qui consiste à balancer pêle-mêle les phrases qui te
passe par la tête, je me suis lancé, encore une fois sans filet,
dans une fiction. J’ai des projets qui attendent que je passe à
l’acte. Ils sont structurés, documenté, bien rangés. Et, aussi,
ancré dans le naufrage de mon ancienne vie. Trop teintés de perte
pour l’instant. Alors voilà, je m’embarque dans un machin sans
rien connaître, j’ai une vague trame, une idée de fin et deux
personnages. Je verrai où ce truc me conduit, que se soit un court
roman qui rentrerait dans les clous de l’appel à texte, ou une
nouvelle ou novella, qui ira grossir le tiroir des machins finis et
non publiés.
Cette année, le NaNoWriMo est un échec puisque
je n’ai pas franchi la ligne d’arrivée visée. Le défi m’aura
aidé à écrire, au quotidien, et par mon implication sur le blog, à
partager mon expérience sur l’apprentissage du Japonais. J’ai à
ce sujet un second article en préparation.
Par rapport au deux dernières années, novembre
aura été un mois relativement productif et épanouissant sur le
plan créatif et surtout, pour ma remise en cause perso, qui tient
plus de l’intervention d’une garnison armée de pelleteuse que
d’un d’un travail méticuleuse, réfléchis et constructif. À
force de tout foutre en l’air, je suis au moins dans l’air du
temps, de la déconstruction du moi et de la culture acquise, hétéro
cisgenre, colonialiste, patriarcale et tutti quanti. Émancipation me
voilà (ou juste chaos et destruction).