29 septembre 2012

Aider le Japon : appel aux créateurs pour l'association Kibô-promesse



Pour la période de Noël, l'association Kibô prépare une vente caritative avec comme objectif de récolter de l'argent pour l'envoyer à des associations japonaises qui fournissent une aide concrète à la population doublement meurtrie par le tsunami et l'accident nucléaire de Fukushima. Je lance donc un appel aux créateurs de tout poil qui aiment ce pays !


Créer du lien humain


Le concept est simple : vous créez bénévolement un objet et vous fixez un prix. Kibô se charge de la mise en vente dans sa boutique avec un système de paiement sécurisé. La totalité de la somme perçue pour l'achat est reversée à des associations japonaises. Les frais de port sont à la charge du créateur.
Pour la vente de Noël, les créations doivent être soumises rapidement à l'association car la mise en ligne prend du temps (impérativement avant la fin du mois de novembre).
Toutes les informations sont disponibles ici :

Tous types de créations sont les bienvenues : du dessin, des bijoux, des objets en pâte fimo, du tricot... Le thème d'inspiration doit bien sûr être le Japon.

Pour résumer, celui qui achète fait un don monétaire à l'association et, en échange, il reçoit un objet fait à la main, porteur du savoir-faire du créateur. Ce dernier lui offre de son temps et de son talent.
C'est un don qui crée des liens humains, solidaires et créatifs.
Enfin, je vous encourage à créer des objets qui soient à un prix raisonnable. L'idéal étant à moins de 30 euros et ne pas dépasser les 50.

Pour tous les illustrateurs et dessinateurs qui lisent ce blog, je connais vos difficultés de vie et je sais la valeur d'un original. Je vous propose donc, si vous souhaitez participer, de faire plutôt des croquis ou même des tirages numérotés. Je voudrais éviter de la revente avec spéculation, je sais que certains ont peu de morale (comme vendre à prix d'or des albums dédicacés) autant éviter dès le départ ce problème assez nauséabond !


Kibô : une asso d'idéaux avec des fondements solides !


Je vous ai déjà parlé de cette association lors de mes précédents articles sur le Japon. Son action est concrète et j'aime l'idée de permettre d'une vente caritative avec des créations bénévoles chargées de sens et d'affection. Le don en argent est important (possible via paypal) puisqu'il permet de financer le fonctionnement de l'asso. En effet, la totalité de l'argent des ventes est reversé au Japon.

Actuellement, Kibô se concentre surtout pour aider le CRMS (http://fr.crms-jpn.com/index.html). Cet organisme met notamment à disposition de la population des appareils pour mesurer la contamination dans les aliments, un des problèmes sanitaire crucial actuel.
Pour en savoir plus sur l'action de Kibô je vous encourage à lire ce lien qui atteste du sérieux de la démarche et de son efficacité :



D'ailleurs, mon implication devient plus profonde puisque j'ai aussi rejoint les rangs des bénévoles. Aizen, la prêtresse des Momonga sait être très convaincante !

Merci de diffuser cet appel auprès de tous les créateurs et les amis du Japon que vous connaissez !

26 septembre 2012

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chaptitre 05 / 24


Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue

Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.

Chapitre 5

Je fixe le sablier posé sur la table de la cuisine. Le temps s'écoule avec une paresse inexorable. Trois ans. Trois ans et trois mois et cinq jours pour être précis. Non, six jours. Minuit est largement dépassé. Autant de temps accumulé pour faire un deuil inutile, ravaler la peine, essayer de continuer. Se confronter au mur infranchissable de sa solitude. Tenter en vain de construire quelque chose, de partager sa vie avec un autre être humain. En vain. Se prendre un râteau, se faire plaquer. Parfois, aussi, s'en aller. Et toujours, à vif, ce regret béant de n'avoir pu t'arrêter, t'empêcher. Autant de douleur pour rien. Dans le boulot, j'ai trouvé de la stabilité. Ici, au 221 B Baker Street, j'ai trouvé un foyer, un quotidien pour fonctionner. Mais si seul...

Et le coupable de ce foutu bordel grogne dans le salon.
Je l'entends se relever péniblement. J'ai tapé fort. Peut-être un peu trop fort... J'espère n'avoir rien cassé. Enfin, au pire, je suis docteur. Comme Molly...
Molly.
Sous l'éclairage nouveau d'un Sherlock bien vivant, je repense à elle, à son courage pour l'autopsie, son absence lors de l'enterrement, son silence les premières semaines. Son attitude dès que j'ai commencé à avoir des fréquentations suivies. Ces moments où je lisais dans ses yeux tant de tristesse, tant d'impuissance...
Je réalise que je ne suis même pas en colère contre elle. Je me sens trahi par Sherlock, oui. Il lui a demandé à elle de l'aider. À elle. Pas à moi, son meilleur ami. Jaloux...
Je soupire.
Inutile de tergiverser. Les réponses de cette farce débile sont à portée de main, ou de poing. Je sors deux tasses du placard et les dispose sur le plateau en bois vénitien. Celui avec des roses, que Mrs Hudson adore. Je n'ai jamais eu le courage de lui donner mon avis sincère dessus.
Le sable s'épuise et meurt en un petit cône orange.
Je retire la boule à thé.

Quand je retourne dans le salon, il s'est assis dans le vieux sofa en cuir. Il a retiré son manteau loqueteux, et flotte dans un sweat-shirt de couleur moutarde et un pantalon en velours à grosses côtes marron. Ses cheveux sont d'une teinte trop claire, et visiblement longs puisqu'ils sont attachés sur la nuque. Sa barbe ne ressemble à rien. Et pourtant, c'est bien lui.
— Oui, je sais, cet accoutrement est ridicule. Mais je tenais à te voir, à discuter, avant de ressusciter publiquement.
Quelle sollicitude ! Sans rien dire, je pose le plateau sur la table basse et sers le thé, avec une brusquerie contenue. Je prends ma tasse et vais m'asseoir à mon bureau. Une douce chaleur émane du mug. Mes yeux glissent sur les mots inscrits : In Arduis Fidelis. Je tourne la chaise vers lui :
— Donne-moi une bonne raison de ne pas te foutre dehors ! Ou, si tu veux, je peux téléphoner à Molly pour qu'elle vienne te chercher. Au moins, elle ne sera pas surprise de te découvrir en vie...

Et pourtant, c'est bien lui. Illustration de Anne Jacques

J'observe son visage.
Un froncement de sourcils vers le bas, comme s'il venait de se prendre une gifle. Il ferme les yeux plusieurs secondes. J'entends sa respiration, profonde et étrangement forte.
— John, s'il te plaît, j'ai besoin que tu m'écoutes.
Son ton est calme, doux. Totalement décorrélé de la fatigue qui creuse ses traits et de la douleur qui voûte sa posture. Sa voix, c'est sa voix. Je retiens mon souffle.
— Moriarty nous avait sous surveillance constante. Tu te rappelles des assassins à la renommée internationale qui avaient décidé de se relocaliser dans un rayon de 200 m autour de chez nous ? Même Lestrade, malgré son intelligence limitée, avait soulevé le problème et l'avait relié, avec justesse, à Moriarty. Dans le lot, certains des tueurs avaient une mission très particulière. Rien avoir avec le code informatique, sa bouche s’étire en un rictus déplaisant, témoin d’une veille aigreur. Moriarty tirait les ficelles, mais pas directement. Il y avait des intermédiaires. Ces tueurs était là pour vous abattre, toi, Mrs Hudson et Lestrade. Vous étiez tous des cibles, tous en sursis. À moins que je n'accepte les conditions de Moriarty.
— Travailler pour lui ?
— Non. Me tuer. Que je me tue.

Les mots s'étranglent dans ma gorge. Je sais qu'il ne ment pas. Et seule la vérité peut être aussi délirante. Jim Moriary avait tout d'un psychopathe, au sens clinique du terme. Un génie, certes, mais surtout un psychopathe et son obsession s'était focalisée sur Sherlock. Peut-être en raison de leurs capacités hors normes à tout les deux. Je crois surtout que Moriarty avait besoin d'une némésis...
— La solution la plus simple était donc qu'il me croie mort pour que je puisse démêler l'écheveau et mettre hors d'état de nuire les intermédiaires. Je savais qu'ils étaient nombreux, mais surtout qu'il n'y en avait qu'un avec le pouvoir d'arrêter les contrats placés sur ta tête. Heu, sur vos têtes... Il fallait que je sois mort, que tout le monde le croie. C'était mon dernier recours. Je pensais pouvoir convaincre ou manipuler Moriarty. Il a choisi de se faire sauter la cervelle pour me forcer, moi, à sauter du toit. Je n'avais pas prévu ça. Pas entièrement...
Il détourne le regard, et dans son expression pincée je réalise la difficulté de cet aveu.
Il a commis une erreur. Comme avec mon kidnapping, quand Moriarty – toujours là quand il s'agit de foutre le boxon – a essayé de me transformer en chair à saucisse express. Je sais à quel point ça lui coûte d'admettre une erreur, d‘admettre qu'il est faillible.
Humain.
Pourtant, je lui en veux. Il aurait pu me mettre dans la confidence, j'aurais pu l'aider. Ensemble, on aurait pu...

— Il fallait que tu me croies mort John, insiste-t-il avec une véhémence telle que je ne réplique rien. Tu étais le plus important ! Il fallait que les hommes de Moriarty te voient souffrir. Que je sois traîné dans le caniveau par la presse était une bonne chose, mais l'élément capital, c'était toi. Ma mort devait être certaine.
— Je t'ai vu... Je t'ai touché...
Je pose la tasse pour masquer le tremblement de mes mains.
— Non. Tu m'as vu sauter, mais pas m'écraser. Le cadavre au sol n'était pas le mien. Tu te rappelles de la fois où nous avons cru Adler morte ? Une doublure. Parfaitement réalisée par la chirurgie moderne.
Je hoche la tête, abasourdi. Je n'ai pas confiance dans ma voix.
— Eh bien, Moriarty avait fait réaliser une doublure pour moi aussi. Avec mon visage. L'homme qui avait enlevé les deux gosses de l'ambassadeur avait mon visage. C'est lui que j'ai retrouvé, heureusement déjà mort. Je n'avais qu'à recycler le cadavre.
— Molly ?
— Oui, John. La seule personne qui pouvait m'aider.
Je ne peux m'empêcher de grimacer...
— Je n'ai jamais vraiment trop prêté attention à Molly. D'ailleurs, tu m'as repris plusieurs fois à ce sujet. Je n'étais pas le seul. Pour Moriarty, elle était invisible, insignifiante. D'autant plus qu'il l'avait approchée et qu'ils étaient brièvement sortis ensemble. Molly n'avait aucun contrat sur sa tête. Transparente, elle ne méritait même pas son attention...
— Arrête ! Comment peux-tu parler d'elle ainsi ?! C'est grâce à...
Sherlock me coupe la parole d'un geste de la main, mais c'est l'infinie lassitude de son regard qui me fait taire.
— Je sais. Et je ne valais pas mieux que Moriarty – de nouveau, il tend la main, la paume face à moi – je n'aurais jamais pensé à l'intégrer dans mon équation de solution si elle ne s'était pas proposée d'elle-même. Elle a falsifié l'autopsie et m'a hébergé quelques jours. Après, je me suis mis au travail. Je n'avais vraiment pas d'autre solution. John, je suis vraiment navré... Je... j'étais présent à l'enterrement, je t'ai vu, j'ai écouté...
Je réalise qu'il s'est excusé. Encore.
— Je pensais que tu étais mort, Sherlock. MORT !! On ne revient pas d'entre les morts. C'est permanent comme situation. Normalement...

Plusieurs fois, je secoue la tête mais le maelström d'émotions est toujours là. Je n'arrive pas à les identifier. Je ne comprends pas ce que je ressens. À part de la fatigue. J'ai encore des questions, beaucoup de questions mais... :
— Tu restes combien de temps ?
Il sursaute, visiblement surpris.
— C'est-à-dire ? Ici ? Je pensais – une inspiration, puis il ajoute très vite – je sais que mon ancienne chambre est encore disponible. Alors je pensais...
Je l'interromps :
— Bien. Pour cette nuit je te laisse mon lit. Demain, on se chargera de l'aérer et de ranger un peu. Ah, Mrs Hudson est partie pour quelques jours.
Je le regarde, soudain soupçonneux.
— Mais tu le sais déjà, hein ?! Allez, il est tard. Tu as besoin d'une douche et moi de dormir.
Il se lève avec lenteur du sofa. Décidément, je ne suis pas la seule cause de son état. J'ai l'impression qu'il a déjà été amoché avant d'atterrir ici.
— Viens, je vais te faire couler un bain. Et t'ausculter. Je ne sais pas ce que tu as bricolé avant d'arriver. Tu as mis quelqu'un d'autre en pétard.
— C'était hier. Et ils étaient plusieurs en colère. Je crois qu'en effet, j'ai besoin de tes compétences de médecin. Si tu promets d'être plus doux que tout à l'heure...
— Je trouve, que vu la situation, et l'état de choc, j'ai réagi avec calme. Beaucoup de calme.
Sherlock se masse les côtes et sa bouche se déforme en un rictus de douleur.
— Viril, le calme. Mais c'était probablement justifié...

Sherlock se dirige naturellement vers sa chambre et la salle de bain du bas, la seule en fonction quand il était... enfin, avant. Celle de l’étage était vétuste. Partager les sanitaires ne m’a jamais dérangé. Une fois revenu à Baker Street, j’ai condamné ces lieux trop marqués par sa présence. Parce que je guette toujours son pas, une respiration...
— À l’étage.
Il me regarde, me jauge plutôt. Je sais qu’il décode dans mes ellipses et mon attitude trois ans de deuil. Trois ans de regrets amers. De colère stérile.

Je le devance dans l'escalier. Je passe devant la porte close de la pièce qui sert de stockage. Principalement avec des archives de Sherlock. Là aussi, je ne vais jamais. Pour la première fois depuis des semaines, je lui accorde un regard, puis je rentre dans ma chambre. Je sors des serviettes propres et prends un pyjama dans mon armoire. Il est plus grand que moi, mais moins trapu. Ça devrait lui aller. Dans le doute, j'ajoute un vieux t-shirt de l'armée élimé mais que je garde par nostalgie, et un caleçon. Je fais couler de l'eau dans la petite baignoire sabot et pose le linge sur le battant des WC.
— Voilà, appelle-moi avant de t'habiller, que je regarde tes côtes.
— Tu as un rasoir ?
— Fouille et sers-toi. Après tout, c'est ainsi que tu as toujours procédé, hein ?
Cette fois, je sens un sourire me soulever la commissure des lèvres. Sous l'éclairage trop violente de la petite salle de bain, je vois que le visage de Sherlock porte aussi une belle ecchymose sur la mâchoire, en partie dissimulée par les poils de la barbe. Je m'apprête à quitter la pièce.
— Tu sais te faire des amis...
Il a alors ce regard perçant, presque enfantin dans son absolu sérieux quand il murmure :
— Non, John. Ceux que j'ai sont précieux.
Il referme la porte dernière moi. J'inspire, et retourne dans ma chambre pour me changer et prendre de quoi m'installer dans le sofa.

Suite : chapitre 6

25 septembre 2012

S comme sybilline



Voici les photos de la semaine pour le projet abécédaire !

Sybilline, d'après le Petit Larousse Illustré 2006 : adj. 1. Relatif aux sibylles. Oracle sibyllins. 2. Litt Dont le sens est difficile à saisir ; obscur mystérieux. Un langage sibyllin.





Abécédaire est une projet réalisé en collaboration avec Anne (trouveuse de mots magiques) et Virginie

20 septembre 2012

La fin d'une belle histoire : 1Q84 de Murakami T. 3


Voilà, j'ai refermé le dernière volume de cette trilogie magistrale écrite par Haruki Murakami. Le voyage s'achève avec de l'espoir et encore quelques mystères abandonnés sur le chemin, comme des pierres trop précieuses et trop rares pour être ramassées.
Il faut les laisser là, à leur place.


L’irruption d'un troisième narrateur pour tout bousculer


Une fois achevé le tome 2, je me suis littéralement jetée sur le volume final, pour le dernier trimestre de l'histoire. La nouveauté est l’intrusion d'un nouveau point de vue. Jusqu'alors alternait celui d'Aomamé et de Tengo. Et voilà qu'Ushikawa, le personnage difforme à l'âme sèche nous confie ses pensées, son fonctionnent cérébral hors norme.

Et malgré le dégoût qu'il génère, peu à peu, Murakami arrive à humaniser cette caricature, à lui donner du sens, des motivations et même à susciter une certaine compassion. Il est le grain de sable qui picote et dérange.
Pourtant, c'est aussi par son truchement que les destins d'Aomané et Tengo arrivent enfin à converger. Il permet aussi de révéler certains éléments annexes qui intriguent le lecteur depuis le premier tome, vu qu'Ushikawa est un professionnel dans la collecte d'information.


Avec toujours une lenteur calculé, Murakami achève de nous livrer le cœur et l'âme de ses personnages, de dérouler leurs peurs et leur espoirs. Moins riche en révélation et plus introspectif que le tome précédent, je l'ai trouvé néanmoins plus équilibré, avec un rythme plus harmonieux ; et la fin, pas vraiment surprenante, m'a pourtant beaucoup touché.

Virtuosité et poésie

Si vous n'avez jamais lu de roman de Murakami, je vous conseillerai néanmoins de commencer par ses nouvelles à moins que la quantité ne vous fasse par peur (plus de 1 500 pages) ! En effet, avec 1Q84 j'ai eu plus l’impression de lire un énorme bouquin coupé en trois pour des raisons pratiques que trois volumes séparés. Il s'agit véritable d'un tout. Impossible de s'arrêter en route. Il faut lire l’intégralité pour apprécier vraiment la complexité de l'intrigue, la virtuosité de montage de la narration.

Murakami signe un livre totalement hors norme, où l'élément fantastique central reste pourtant secondaire par rapport aux personnages. Il s'agit bien avant tout d'une quête amoureuse mais elle n’aurait pu être accomplit dans notre réalité. Ainsi, Murakami n'utilise pas le fantastique comme un prétexte, comme un outil original, mais comme un ressort essentiel qu'il active au besoin, toujours avec parcimonie et justesse. Encore une fois, je referme l'ouvrage avec une sensation étrange toujours sous son influence. Une fable poétique, un peu cruelle et en même temps, douce et heureuse.

À lire aussi les critiques des romans du même auteur :
- 1Q84 tome 1 et tome 2
- Après le tremblement de terre
- Kafka sur le rivage
- Le passage de la nuit

19 septembre 2012

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chaptitre 04 / 24


Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue

Voici le rendez-vous très british du mercredi !
Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.

Cette semaine le chapitre est court, mais il y a de l'action. 
Bonne lecture. 


Chapitre 4

Quand je pousse la porte, passablement éméché, je me rappelle que Mrs Hudson est partie cette après-midi pour quelques jours à la campagne, dans sa famille. Elle a décalé son voyage après mon retour. Cette femme est une perle. Je suis certain que je vais trouver dans le congélateur une série de boîtes à repas numérotées. Mais alors, pourquoi la porte n'est-elle pas verrouillée ?
L'ampoule du couloir a encore grillé et je monte les escaliers sans rien voir, vacillant comme un aveugle. À moins que mon doigt n’ait glissé à coté de l’interrupteur. Je ne suis pas très frais. Une lumière fantomatique se faufile par le vitrail. Je cherche mes clefs à tâtons. Peut-être qu'elles traînent dans le salon, et Mrs Hudson, fine observatrice, n'aura pas voulu m'enfermer dehors... Mes souvenirs sont brumeux.
Je n'ai pas tiré les rideaux.
Les lampadaires de la rue déversent leur lueur, qui s'immisce dans la pièce. L'éclairage maladif suffit juste à découper l'ombre des meubles.
Je soupire. Qu’est ce que branle là, dans le noir, comme un idiot ?!
Si Sherlock était là, je risquerais de me fracturer le crâne simplement en voulant traverser le salon. Il laissait toujours traîner des trucs par terre.

Un mouvement, juste du coin de l'œil.
Et la porte qui était ouverte... Je ne suis pas seul. La constatation me dégrise.
Encore un mouvement, et un bruit, doux. Une respiration.
Je virevolte.
Assez rapide pour éviter mon agresseur. Un voleur ? Ou c'est plus sérieux ? L'homme trébuche, il ramène un bras contre sa poitrine. Une arme ? Je lui balaye les jambes d'un coup de pied. Il grogne, tombe et dans sa chute heurte la table. Une pile de livres s'effondre et l'abat-jour de la lampe bascule.
Je me jette sur lui. Il roule, m'esquive et tente de se relever. Pas assez rapide. Je ré-attaque. L'avant-bras contre sa gorge, j'arrive à le coincer de nouveau par terre :
— Espèce de salaud, qu'est-ce que tu fous ici ?
— Hon ? Espirer... articule-t-il péniblement.
Je relâche à peine la pression sur son larynx.

Je suis médecin et ancien soldat. Je sais immobiliser les gens sans les tuer. Ou alors, c'est de la mauvaise volonté de ma part. De la main gauche, je fouille dans la poche de ma veste que j'ai, heureusement, déboutonnée. J'attrape mon smartphone. Mon pouce glisse sur l'écran. La voilà. L'application « lampe de poche » est décidément bien pratique. Je braque l'appareil sur le visage de l'importun, qui ferme les yeux, ébloui. Un homme – vu l'absence de poitrine, je m'en serais douté. Une maigre barbe mal entretenue lui mange le visage. Il cligne plusieurs fois des paupières. Des yeux noirs. Non. À la lisière de l'iris, une couleur claire. Des lentilles de contact.
Je reconnais ce visage émacié.
Ces pommettes hautes. Saillantes.

L'impossible me contemple, se contorsionne pour s'échapper de ma prise. Il ouvre la bouche et tente d'inspirer.
Pas possible.

Je me lève d'un bond, évite la table et cours allumer l'interrupteur. L'homme s'assied, visiblement avec peine. Son chapeau sombre gît au sol, tombé, à un moment, dans la mêlée. Ses yeux, deux billes d'obsidienne, ne me quittent pas.
Pas possible.
Même pas improbable. Non. Impossible. Pourtant...
Je sens comme un relâchement sur mes épaules. Comme si je venais d'abandonner un sac trop lourd, là depuis si longtemps que j'avais oublié sa présence handicapante. Je sens mes tripes se serrer sous une fureur volcanique. Je recule.
— Salaud !
— Tu l'as déjà dit. Tu te répètes, John. Je m'absente un peu et je te retrouve déjà en proie à de la sénilité précoce. Tst tst. Tu ne devrais pas accepter les demandes de Mycroft. Il te vampirise.

Hébété, je le regarde.
C'est lui.
La bonne taille, la bonne corpulence dissimulée sous des vêtements trop amples et de facture médiocre. C'est lui, sous l'amas brun de la barbe, je reconnais ses lèvres, et cette bouche toujours prête à insuffler des mots de choix pour gonfler un peu plus cet ego de la taille d'un stade de rugby.
— Salaud ! Je t'ai vu sauter. J'ai tenu ton cadavre...
Son corps encore chaud. Déjà sans vie. Son manteau, son écharpe. Son visage. Ses yeux. Ses yeux grands ouverts sur le vide. Et j'ai lu le rapport d'autopsie. Molly... Molly ?!
Dans ma tête, je sens les connexions neuronales s'affoler. Un instant, je comprends. Une farce. Une gigantesque farce orchestrée par un génie dont l'intelligence est inversement proportionnelle aux émotions. Un type sans aucune empathie, sans aucun sentiment. Un monstre froid. Mais c'est faux. Et mes tripes en furie crient vengeance. Je cède...

Je m'approche lentement, vacillant sous le choc de la réalisation. Il est debout. Il me regarde avec un air inquiet :
— John ? John, c'est vraiment moi, Sherlock. John, je suis navré, c'était la seule solution...
Je grommelle un « m'en fous », tout en lui décrochant une droite dans le plexus. Je ne retiens pas le coup. Mon genou me démange. Mais je m'arrête là. Il s'effondre dans un grognement de douleur et reste à terre.
Tant mieux.
Je crois que j'ai besoin d'un thé.

chapitre 5

 

Tea Time, illustration de Anne Jacques

18 septembre 2012

Défi lecture "images du Japon" : c'est reparti jusqu'au printemps 2013 !


Comme je vous l'ai annoncé pour mon message de rentrée, j'ai délaissé mon blog sur les derniers mois. Tout ce qui avait attrait au Japon était devenue trop douloureux. Maintenant que j'ai publiquement exposé mon opinion il ne me reste plus qu'a reprendre ce que j'avais laissé en plan !

Le défi joue les prolongations !


Le défi lecture image du Japon reprend donc du service avec une date buttoir repoussée en mars 2013.

Je vous rappelle le concept : il s'agit de lire des livres donc le sujet central est le Japon. L’ouvrage doit être illustré, il peut s'agit de BD, manga, livre pour enfant, livres d'art... Pour plus d'informations, les règles complètes sont ici.

Sur la page dédiés au Défi vous trouverez la liste des participants et les récapitulatifs.

Récapitulatif des lectures


Chez Kyoko qui a achevé le défi achevé : une critique de Manabe Shima et Dans le studio Ghibli - travailler en s'amusant, un livre qui dévoile un peu les coulissent du célèbre studio d'animation.

Chez Ionah de "Dedicated Monkeys" un article passionnant sur le Genji Monogatari http://dedicated-monkeys.blogspot.fr/2011/07/genji-monogatari.html
Chez Viny, une lecture comparée entre deux ouvrages façon carnet de voyage : de Tokyo Sampo de Chavouet et Petite épopée nippone de Buchet
http://crazy-pooh.over-blog.com/article-defi-lecture-images-du-japon-

ches Musme : le livre de David Michaud 365 Us et Coutumes du Japon qui listent ces petites choses si typiques du pay et Tokyo Land, une BD de Benjamin Reiss. 

Chez Marie qui participe avec deux blogs, le douloureux Femmes de réconfort - esclaves sexuelles de l'armée japonaise  dans sa "Lubriothèque" et sur "Et puis", le compte pour enfant : Le trésor de Monsieur Okamoto http://mesaddictions.wordpress.com/2012/09/11/le-tresor-de-monsieur-okamoto/

J'espère n'avoir oublié personne !
Encore merci aux participants d'avoir tenu bon malgré mon absence. 

15 septembre 2012

Sous les jupe de La Sorbonne : des robes de créatrices !



Moi aussi, si je veux, je peux être une blogueuse "mode" et aspirée à la célébrité !

Après réflexion, à part un intérêt pour la cosméto bio et les couleurs vives, je ne pense pas me reconvertir. Pourtant, exceptionnellement, la mode et les créations de tissus, plumes et autres matières s’invitent dans l'étang.

J'ai eu la chance de faire une visite guidée dans les coulisses de la Sorbonne avant son ouverture publique pour les journées du Patrimoine et découvrir ainsi, dans ce haut lieu d'études académiques, une sélections d’œuvres de fin d'année crées par des étudiants dans des lycées et écoles de Paris.

Si mon désintérêt pour l'architecture classique est toujours absolu, voir au milieu des salons chics et guindés, des tenus de soirées contemporaines et merveilleuses m'a donnée la même sensation de surprise et ravissement que l'expo de Murakami à Versailles.

Le choc entre les fresques aux dessins d'un ennui mortel, les dorures à la feuille d'or et le mobilier centenaire d'une préciosité incommensurable avec les plumes chatoyantes, les strass et les associations de tissu audacieuses de ces jeunes créatrices est détonnant, et surtout, réussi.

Quand le conventionnel lisse et bourgeois côtoie l'étrange, l'énergie de ces œuvres insufflent un peu de vie au bâtiment poussiéreux. Le monument d'histoire, imposant et immobile gagne le temps d'un week-end un vent de vie et de gaieté.


Diane au Jardin d'Eden
œuvre collective du CAP de Plumassière
du Lycée Octave Feuillet (paris 16ème)


Infini de Charis Goldsmith
2ème prix "tenue de soirée" 
au défilé 2012 des Lycée de Mode de l'académie de Pari


Rosa Damascena de Sabrina Ahmed et Séphora Journo
Certificat de Qualification professionnel
 Lycée de Albert de Mun (Paris 11ème)

Des robes de princesses des temps modernes bien incongrues en ce lieu... Et pourtant, j'imaginerai sans peine des jeunes femmes rocks et anticonformistes déambulées ainsi vêtues dans ces lieux trop strictes où la congratulation et l'hypocrisie s'élèvent au rang de religion.
Autant de créativité et d'originalité rendraient peut-être un peu d'humanité à cette institution.

Flou d'enfilade
Déhancher sans flancher

Le bleu en cage

Je remercie beaucoup Laetitia, la petite sœur de La Moustache, pour m'avoir donné un autre regard sur cette Sorbonne tellement familière et pourtant inconnue.


13 septembre 2012

Nous ne sommes pas impuissants : rejoignez la Révolution des hortensias en soutien au Japon !




Dans un mois, le 13 octobre, partout dans le monde, des manifestations s'organisent pour soutenir le peuple japonais et son « non » retentissant à l'énergie nucléaire. Voici des mois que tout les vendredi, les japonais manifestent sans relâche leur désaccord sur la relance des réacteurs.

Soutenir le japon doit se concrétiser par des actes.

J'ai déjà clairement exposée position vis à vis de la catastrophe de Fukushima. Je considère qu'il est dangereux de voyager dans l'archipel particulièrement dans la zone qui serait immédiatement touchée si la piscine numéro 4 venait à lâcher. Si je retourne là-bas, ce sera en pleine connaissance des risques sanitaire auxquels je m’expose.



En attendant, il y a des actions qu'on peut mener de France.

Ne me dites pas que manifester ne sert à rien !

Il suffit juste d'être assez nombreux pour attirer l'attention des média. Et puis, c'est l'occasion de se rencontrer et de discuter avec des activistes et prêts à exposer leurs opinions. Réserver sa journée, en parler aux copains, se déplacer signifie qu'on réfléchit, qu'on s'engage.
Être actif dans sa vie, refuser d'être un pion ballotté par des instances supérieur et céder à la facilité. Voilà une belle preuve de notre humanité.

Donner de l'argent à des associations actives comme Kibô ou participer à la co-production de documentaires est aussi un moyen de s'engager. Mais rencontrer d'autres personnes et se bouger physiquement est un acte également nécessaire.



La date du 13/10 est cerclé de rouge sur mon calendrier depuis cette été. Moi, j'y serai, et vous ?

Voici un lien vers la page facebook qui listent une bonne partie des manifestations :

Pour la manifestation parisienne :

Édition du 15/09 (merci à Xavier Nast) :
La liste des manifestions organisées par le mouvement "Sortir du nucléaire" sont disponibles ici : http://groupes.sortirdunucleaire.org/13octobre2012

12 septembre 2012

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 03 / 24


Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue


C'est mercredi, et dans l'étang, voici la suite de la fanfic sur Sherlock.
Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.
N'hésitez pas à laisser vos impressions, c'est motivant !

chapitre 3


Par la fenêtre, il pleut.
Cette année, le mois de septembre est particulièrement morose. L'automne s'installe déjà dans les températures frisquettes et l'humidité persistante.
Je décide de rester encore un peu à l'hosto. J'ai de la paperasse à boucler. La lumière du plafonnier jette des ombres menaçantes sur mes dossiers. Dehors, il fait nuit. L'eau éclabousse le bas des vitres, dessine des rivières qui sillonnent en fonction du vent. Plus passionnant que les lettres qui dansent devant mes yeux. L'heure de natation ce midi m'a fatigué. J'ai l'épaule gauche un peu ankylosée.

Je ne me préoccupais pas vraiment de mon apparence physique avant. À l'armée, j'avais d'autres priorités. De retour dans le civil, la présence de Sherlock, adepte du yo-yo vestimentaire entre ses costumes cintrés pour affronter le monde et ses tenues ou absences de tenue à la maison, a été un rappel de mon âge, de mon manque de prestance. Je suis de ceux qui restent en retrait, en seconde ligne. Sur le terrain, j'arrivais après la première salve. Pas après la bataille, mais jamais en premier.
Avec Sherlock à mes côtés, je suis soudain devenu plus intéressant, plus visible. Je suis toujours surpris de voir que mon blog, ma plume, mes histoires, intéressent encore, même s'il est parti. Je me sens tellement normal, banal...
Tellement terne sans lui pour colorer mon quotidien.

Le boucan de la pluie accompagne agréablement mon humeur. Après trois ans, je m'en veux toujours.
Je suis le dernier à qui il s'est confié ! Si j'avais dit autre chose, prononcé la phrase juste, le mot magique pour qu'il reste sur son putain de toit. Pour qu'il m'attende. La balistique était formelle, Jim Moriarty s'est suicidé. Une fin surprenante pour un des plus grands criminels de notre temps, si on excepte ceux qui nous gouvernent et déclenchent des guerres sur des prétextes fallacieux – oui je suis militaire, mais tuer des gens n'est pas la réponse adaptée à tous les maux de l'humanité – ou les abrutis de fanatiques religieux... Moriarty était un génie. Un génie du calibre de Sherlock. Et c'est là que je me sens inutile, stupide. Il s'est passé quelque chose que je ne comprends pas.

J'ai bien tenté les premières semaines de mener mon enquête. Mettre de côté la douleur qui m'étouffe, chercher des indices. Lire le rapport d'autopsie. Je n'ai pas touché au corps. Je ne sais pas comment Molly a fait... C'est elle qui s'en est occupé. Je lui suis si reconnaissant...
J'ai fouillé dans le passé propret de l'acteur Moriarty, façonné avec brio. Irréprochable. Des milliers de pages de dossiers, des entretiens falsifiés, des témoins terrifiés, morts ou muets. Lestrade m'a aussi beaucoup aidé, malgré la tempête qui lui est tombée dessus.
Ses supérieurs l'ont accusé d'incompétence, impliquant même une possible trahison. De la corruption. Et finalement, je suppute que Mycroft a dû intervenir. Sinon, il aurait rendu son badge. Aujourd'hui, tout espoir de promotion est gelé. Lui qui rêvait de devenir commissaire...
Pour moi, c'est différent. Mon passé militaire et les avis positifs de la brigade (sauf Anderson, faut pas croire au père Noël) ont joué en ma faveur. La situation était devenue un tel imbroglio politique et juridique que j'ai lâché. La presse, toujours prompte à mettre au pilori le héros qu'elle adulait quelques jours plus tôt, a fini le travail de sape que mes propres lassitude, culpabilité, sentiment de médiocrité intellectuelle – rayer la mention inutile – avaient bien commencé.

Illustration d'Anne Jacques


J'ai abandonné.

Le sujet était trop sensible, potentiellement trop destructeur. Mon incompréhension trop grande. Mon impuissance abyssale. Aujourd'hui, je suis toujours démuni quand je me souviens de tes derniers mots, de cette demande que je ne peux satisfaire.
De ton mensonge.
Je ne sais pas pourquoi tu as sauté. Ça me tue.
À petit feu.

Dans la rue, je hèle un taxi. J'hésite et décide de dîner dehors. Je vais souvent chez Angelo. J'ai l'assurance d'y être servi rapidement et surtout, laissé tranquille. Parfois, j'y emmène même mes rencards – s'ils sont pourvus d'une paire de testicules. Avec les femmes, j'essaye de trouver plus raffiné. Carmine est la seule que j'aie invitée là. Après des années comme reporter dans la Corne de l'Afrique et les pays du Golfe, elle n'attendait pas de moi que je l'amène au Ritz. Je suis aussi venu occasionnellement avec Molly. Mais c'est différent.

Mon smartphone vibre. Tiens, un message de Carmine, justement. Je le parcours rapidement. Les mentions d’« enquête » et de « Moriarty » me font tiquer. Je le lis avec attention et me trouve soudain plongé dans une grande perplexité. Elle dit clairement que le motif est professionnel. Je lui fais confiance. Je paye distraitement le taxi et pousse la porte vitrée du restaurant. Après les effusions d'usage, je me retrouve à ma place favorite, dans un coin retiré.
Si Carmine veut me voir pour discuter boulot, je n'ai rien contre. Après tout, au début, elle m'avait contacté pour des recherches sur Sherlock, avec comme objectif de décider de la viabilité d'un livre à son sujet. Quelques « sessions » plus tard et elle abandonnait l'idée. À mon soulagement.

Mais, là, il s'agit d'une autre affaire.
Le meurtre d'un homme en Nouvelle-Zélande, il y a dix-huit mois. Il aurait été très difficile de l'identifier en raison, non pas de l'état du cadavre abattu proprement de trois balles en pleine tête mais de la multiplicité des possibilités. Une dizaine de noms sont sortis des fichiers avec les mêmes empreintes. Étrange. La piste la plus probable serait l'appartenance à un réseau criminel puissant. Le nom de Moriarty a jailli dans l'enquête puis a été étouffé. Carmine mentionne une enveloppe qu'elle aurait reçue anonymement, et dont le contenu devrait m'intéresser. Pourquoi pas...

Je réalise que je n'ai vraiment pas envie d'autre chose qu’une relation amicale, de collègue, avec la journaliste. Il est temps que j'arrête de me mentir sur mes besoins et mes rêves de bonheur domestique. L'odeur des lasagnes éveille mon appétit. Je commande une demi-bouteille de vin de Sicile.
Je reste raisonnable. Je téléphone avant de boire :
— J'ai eu ton message.
— Il faut qu'on se voie. J'ai des photos à te montrer. Ah, le nom de Sigerson, ça t'évoque quelque chose ?
Je réfléchis quelques secondes.
— Absolument rien.
— Et Sebastian Moran ? C'est l'identité la plus probable du cadavre.
— Hum... Il me semble avoir déjà entendu ce nom. Mais c'est assez commun. Si tu veux, tu peux passer demain à Barts ?
— Ok. C'est cool, j'ai un truc à faire à la City le matin. Je passe pour le déjeuner ! À plus.
— Bye.
Je raccroche avec une impression bizarre de normalité. Il faudra juste que je prévienne Molly...
Le nom de Moran me trotte dans le crâne durant tout le repas. Je suis quasi certain de l'avoir entendu mentionner il y a longtemps. Impossible de me souvenir. Ma mémoire n'a rien d'eidétique. Il est tard, j'ai sommeil. Je rentre me coucher.



10 septembre 2012

R comme rougeoyant


Cette semaine voici une double proposition pour le projet abécédaire. D'abord, l'officielle, avec le mot rougeoyant : adj. Qui rougeoie, qui prend une teinte rougeâtre.

J'ai pris ces photos durant mon escapade estivale, dans la ville de Menton. Encore des clichés volés au cimetière, alors que la lumière du soir dessinait ses miracles.






C'est en vérifiant la définition de rougeoyant que j'ai réalisé que je confondais le mot avec un autre. Le rougeoiement : n.m. Litt. Lueur, reflet rouge. Une autre variation, plus brute, plus violente et plus intimiste aussi, à écouter au son de King Crimson avec le morceau In The Court Of The Crimson King.








Abécédaire est une projet réalisé en collaboration avec Anne (trouveuse de mots magiques) et Virginie

7 septembre 2012

Japonisme : 片田舎 - katainaka - coin perdu


Alors que je croise des nuées d'enfants dans les rues à l'heure de la sortie des classes, des nuées d'employés aux heures de pointes et, des nuées de consommateurs frénétiques venus accomplir leur méfaits au nom du dieu « Croissance » dans les rues de la capitale, je voudrais que mon sang devienne chlorophylle.
Cette semaine, le thème photo du projet Japonisme est 片田舎 - katainaka : coin perdu.

Je rêve à des endroits moins peuplés, où les routes seraient des chemins.
Où les maisons seraient de bois.
Un coin perdu, reculé.


Bien sûr, à Paris aussi, pour peu qu'on soit curieux et aventurier du bitume, il y a des coins paumés. Des arrières cours et des ruelles avec des plantes qui percent le goudron et des matous qui règnent sur ces royaume délaissés.
Mais en cette semaine de rentrée, bruyante et agitée, j'ai envie de silence. Envie de vent, de légèreté. Je sors de mes archives photos les souvenirs d'une ballade Normande, chez mon pote Bruno.


Un coin perdu.
Un lieu de liberté. S'adonner à la contemplation sans arrière pensée parasite, juste regarder, observer. Je m’arrête et photographie mes thèmes de prédilections. Fleurs, feuilles, champignons. Une lumière étrange dans les frondaisons. Un reflet, un arbre solitaires. Autant de trésors que je fixe sur ma rétine.


Je ne suis pas certaine que j'aimerais vivre à la campagne, dans un endroit peu accessible, coupé de mes amis et du bouillonnement culturel de Paris. Mais je sais que ponctuellement, une visite est nécessaire à mon équilibre et à mon bien être. Alors, je remercie tout ceux qui vivent là et ont la gentillesse de m’accueillir. 


Japonisme est une projet réalisé en collaboration avec Anne (trouveuse de mots magiques) et Virginie.

5 septembre 2012

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 02 / 24



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Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.


chapitre 2

J'arrive à l'hôpital, à la bourre. Dans l'ascenseur, je croise mon reflet.
Je me suis remplumé, et la pratique régulière du sport – natation, boxe française et tang soo do – a aidé à résorber mon embonpoint. Ma jambe ne me fait plus souffrir, sauf certains soirs, quand je bois un peu trop, quand je pense un peu trop à lui. Garder la forme était nécessaire si je voulais continuer à être employé par Mycroft. Même si j'ai rarement un rôle actif sur le terrain, il m'arrive d'assister encore à des arrestations, au mieux. Au pire, j'ai un bon taux de réussite pour attraper les pickpockets et les voleurs à la tire spécialisés ès sacs-à-mémé. Comme je marche souvent de la maison jusqu'à l'hosto, j'ai le loisir d'observer la faune des rues et les mœurs, bien différentes en fonction des quartiers. Une heure à trotter à un rythme soutenu. Une activité saine. Une des cases à remplir du programme « requinquer Watson » pour continuer à vivre est ainsi pleine.
J'ai un épi sur le haut du crâne. Je l'aplatis à la va-vite, juste avant que les portes ne s'ouvrent.
Je file directement au vestiaire sans passer par la case café.

Cela fait une bonne demi-heure que je suis dans la tripaille quand Molly pousse la porte du labo. Elle tient une tasse en plastique fumante dans la main qu'elle me tend avec un sourire :
— Alors, don Juan, ton séjour à Paris s'est bien passé ?
— Molly !
Je jette un coup d'œil furtif vers le couloir. Je ne souhaite pas que ce type de propos soit entendu par mes collègues, surtout par l'autre John qui me voue une inimitié féroce. Et réciproquement.
— Encore une allusion à ma vie privée et je ne discute plus du sujet avec toi...
— Et avec qui d'autre, hein ? L'inspecteur Lestrade ?
Je manque de m'étouffer avec le breuvage amer. Ma tentative pour tousser discrètement échoue, et Molly se détourne poliment vers le cadavre pendant que je me mouche. Je m'entends bien avec Greg, je l'apprécie vraiment. Quand on va au pub, je suis plus du côté de celui qui écoute.
— Je ne veux pas être un sujet d'attention. Mon arrivée ici a causé suffisamment de rumeurs...
— Je sais... , lâche-t-elle avec un air blasé.
Être pistonné, surtout quand cela vient de très haut, tend à crisper certains. Même si j'essaye de ne marcher sur les pieds de personne, mon parachutage dans le service ne s'est pas fait sans accroc. Mes relations médiocres avec l'autre John tiennent probablement à cela.
Et puis, mon blog est plus populaire que le sien.
— Alors Paris, c'était comment ? J'aimerais vraiment y passer un week-end...
— La prochaine fois, si le timing est meilleur, tu pourrais me rejoindre. Aux frais de la reine pour le logement. Mon patron est assez coulant...
— Sérieusement John ? ! J'adorerais. Mon ex m'avait promis qu'on irait. J'aurais dû le garder encore un peu...

J'ai toujours apprécié Molly pour son efficacité professionnelle, sa gentillesse... Et j'ai toujours été touché par son amour pour Sherlock. J'ai mis du temps à comprendre – il l'a traitée avec si peu de considération – que lui aussi l'appréciait. Rien de surprenant. À la fin, il était quand même plus... poli.
Sherlock est toujours entre nous, comme un fantôme. Au début, cela se sentait dans les silences gênés, les blancs précipités à la suite d'une allusion malheureuse.
Molly a été dévastée par sa mort. J'ai cru qu'elle ne recommencerait jamais à vivre.
La douleur nous a rapprochés. Elle a toujours été respectueuse de notre relation d'amitié assez exclusive, surtout dans la tête de Sherlock. Je crois que, de tous, c'est la seule qui avait compris la profondeur de nos liens. La seule à qui j'ai confié l'étrange évolution de ma sexualité. Se découvrir bi à plus de 40 ans passés, cela remue.

— Ce type, ton ex, c'était un abruti. Tu trouveras quelqu'un de bien. Quelqu'un pour qui tu seras la plus importante.
Molly me regarde une seconde, interdite. Puis elle fait l'inventaire du plateau à échantillons que j'ai préparé. Son sourire a ce voile discret, cet espoir trop longtemps retenu.
— Et tu vois toujours la journaliste ? Karen ? Carmen...
— Carmine. Non, pas depuis que tu as débarqué en pleurs à 2 h du mat à la maison, et que Lestrade m'a fait bosser toutes les nuits ou presque dans les quinze jours qui ont suivi...
— Je suis navrée. Ça devenait sérieux. L'affaire du sadique de Northerm est mal tombée...
The lies we said, the love we shared ... Illustration de Anne Jacques

Parfois, Molly m'énerve.
Son ton est compatissant, pourtant je sais qu'elle n'appréciait pas la jeune femme. Bizarrement, c'est comme si soudain, elle s'était transformée en médium possédé par Sherlock. Il a un talent inimaginable pour saboter ma vie amoureuse.
— Mal tombée surtout pour les victimes. Mon départ à Paris a été le coup de grâce. Elle n'a jamais cru que je partais seul.
— Enfin, là-bas, tu n'as pas dû rester seul, me répond-elle du tac au tac, d'un air entendu.
Non. En effet, mais ce sont mes oignons. J'ai quelques numéros de téléphone, quelques adresses dans mon carnet. Être loin de la maison, de mes collègues, facilite les choses.
Mes fesses et leurs activités nocturnes ne concernent que moi.
Elle ajoute, d'une voix plus douce :
— John, je sais que tu voudrais trouver quelqu'un, mais il faut que tu arrêtes avec les femmes qui ont quinze ans de moins que toi et qui sont... jolies, intelligentes, mais qui manquent de... qui sont trop lisses. Enfin, tu as besoin de...
— Je sais exactement ce dont j'ai besoin, Molly.
J'ai la gorge nouée.
Il pourrit à six pieds sous terre.
Je sais, bordel, qu'avec Carmine, ou Élisabeth et bien avant, la douce Sarah, je n'aurais jamais pu avoir une vie commune. Je sais que c'était du quotidien tranquille et pépère. Parfois, je voudrais juste ça. Ce dont j'ai besoin est irremplaçable...

Elle prend le plateau, hésite et fait le tour de la table. Sa main se pose sur mon épaule. J'évite son regard. Soit ses yeux sont trop brillants, soit j'y décèle une lueur de pitié.
— Je passe te récupérer pour le déjeuner. À tout à l'heure.
Le claquement métallique de la porte retentit. J'expire bruyamment.
Je ne lui en veux même pas.
Je sais qu'elle a volontairement tout fait pour que Carmine reste en périphérie de ma vie. En deux ans, ça doit être la troisième, non la quatrième fois. Enfin, il y a eu aussi l'intervention de Mycroft. J'ai beaucoup de défauts, mon expérience en Afghanistan m'a rendu sensible à certaines situations. Mais je suis loin d'être paranoïaque.
Par contre, là, quatre fois, ce n'est pas un hasard.

Quand Molly a débarqué, il y a un mois, elle était dans tous ses états. Hystérique presque. Je n'ai jamais su la cause. Ses propos étaient incohérents, elle avait bu. Elle a appelé Carmine par une demi-douzaine de prénoms différents et pour finir, lui a dit qu'elle n'était pas « digne ». Après, ça a viré aux insinuations franchement incorrectes, avec un ton acide ravageur. Et au milieu de la mêlée, alors que je tentais de comprendre la cause de l'émoi de Molly et en même temps, de calmer Carmine, ça a dérapé.
Le nom de Sherlock a jailli dans la conversation. La période n'était pas vraiment propice. Cela faisait tout juste trois ans. Les insultes ont fusé entre les deux femmes avec la vivacité et l'éclat des feux d'artifices du 5 novembre. Quand Carmine a traité Sherlock de psychopathe mythomane, je suis sorti de mes gonds.
Après ça, ce n'était plus pareil. Je n'ai jamais su pourquoi Molly était si perturbée ce soir-là. On a passé le reste de la nuit à discuter de lui. Des petites choses insupportables et des détails cliniques de son comportement. J'ai du mal avec le diagnostique d'autiste. J'ai du mal à enfermer le génie de Sherlock dans une case. Du mal à lui coller un label. C'était mon ami.
Le lendemain, la journée de boulot à l'hôpital a été particulièrement laborieuse, avec un bon mal de cheveux.

Je regarde le corps étendu sur la table. Je n'ai même pas pris le temps de lire son prénom. J'ai juste vérifié le nom de famille et la référence. Je termine mon café et jette la tasse dans la poubelle dédiée, à l'autre bout de la pièce.
Panier !
J'attrape les pinces. Hum, au programme, commencer par sortir les résidus dans l'estomac, tout un poème. Je réajuste le masque chirurgical. Au boulot.