Colorés, chatoyants, caquetants, pépiants. Dans la jungle moite, à l'abri des feuillages vernissées, sur les fleurs, au pied des immenses arbres, nous restons immobiles. Nous sommes partout, même au plafond. La pièce est petite, juste une lucarne haute. Ici, ceux qui viennent font leurs affaires puis s'en vont. Certains restent plus longtemps, avec de la lecture, d'autres font des grimaces, ou marmonnent leur liste de course. La durée des visites en général est brève et toujours utilitaire.
Rien de passionnant.
Juste les besoins naturels de ces cousins lointains qui oublient qu'eux aussi, ils sont des animaux.
En été, plusieurs années de suite, il y a cette petite qui change la routine. Le visage mangé par des lunettes trop grandes en plastique rose pâle aux verres épais, les cheveux avec les boucles légères qu'ont les enfants, toujours vagues et mouvantes, comme le vent.
Elle nous fait la conversation.
Tous les jours, plusieurs fois par jours, parfois durant plus d'une heure, jusqu'à l'intervention d'un tiers.
Elle arrive, s'installe sur le trône avec l'agilité propre à son âge, ne doutant pas de sa place dans le monde. Elle ferme la porte, pour plus d'intimité, mais sans jamais tourner le verrou. Et là, de sa voix fluette, elle prend de nos nouvelles, nous raconte ses vacances, la pêche aux coquillages, les rouleaux d'écume piquants, les hortensias en bas du jardin, les araignées et les langoustes chassées par son papa, les glaces à l'eau au citron offerte par sa maman, le sous-sol de la maison de Michel et Josette avec la salle de jeu où elle apprend des masses et des masses sur la vie. Les grandes qui la chouchoutent, lui font peindre des galets, lui monte le grand train électrique avec un circuit compliqué.
Une fois, elle a passé la frontière pour aller en Espagne et a mangà une tortilla directement avec les mains, il n'y avait pas de couverts, juste un grand plat commun pour tout le monde ! Parfois, ils sortent tous sur le voilier. Ce qu'elle préfère, c'est la promenade du soir, après manger (surtout si c'est des moules) sur la grande avenue d'Hendaye que sa maman appelle « Les Champs Élysées ». Il y a plusieurs glaciers...
Puis elle nous raconte aussi la jungle, la vie de monsieur Toucan, celle des Aras bavards et si jolis... Elle caresse du bout des doigts le serpent, les lianes et les troncs. Elle ne s'arrête jamais de blaguer, de rigoler et parfois, de chuchoter un secret jusqu'à ce que, dans la pièce voisine, soudain, la voix de sa mère retentisse :
— Marianne, ma chérie, tu es encore aux cabinets?
— Oui...
— Tu fais pipi ou tu joues ?
— Les deux.
— Ça fait plus d'une demi-heure maintenant. Il faut que tu sortes, nous allons à la plage.
— D'accord.
La petite descend de son perchoir et nous souhaite un bon après-midi. Quand elle reviendra tout à l'heure, elle nous abreuvera encore de ses aventures incroyables. Par la porte entre-baillée, nous entendons encore :
— Maman, maman, tu sais ce que le perroquet m'a dis ? Va-y, devine !"
Ce texte est un exercice pour un MOOC sur l'écriture de fiction. La contrainte était de raconter un souvenir d'enfance selon un point de vu autre que le sien. Le texte devait être rédigé en 30 minutes.
Photo prise au Naturospace de Honfleur
Photo prise au Naturospace de Honfleur
J'ai adoré lire ton récit Marianne. Le monde de l'enfance est fabuleux ♡ Dis, tu nous raconteras encore d'autres souvenirs, dis?
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