Voici un nouvel album écrit par Delphine Roux et illustré par Pascal Moteki, une association de deux sensibilités japonisantes avec une alchimie parfaite. Cette fois, en quelques pages, elles racontent à la fois le destin de Tomoko, une petite fille, et de sa kokeshi, poupée traditionnelle en bois.
L’amitié d’une kokeshi
Tomoko reçoit en cadeau de sa tante Nami une jolie poupée en bois d’érable, ornée d’Iris. Très vite, elle partage le quotidien de l’enfant mouvementé et joyeux jusqu’à une après-midi fatidique. Un jour de pluie, Tomoko et sa maman se réfugient dans un salon de thé où elles admirent les jolies céramiques. Mais en chemin, la kokeshi est tombée du sac. La perte affecte la petite fille même si sa tante la réconforte en lui expliquant qu’elle aura été trouvée. Tomoko, grâce à un cours d’initiation à la poterie, découvre sa vocation.
Les années passent, devenue céramiste, la vie met de nouveau sur son chemin la précieuse kokeshi.
Pascale Moteki et Delphine Roux, le duo de choc !
Les dessins de Pascale Moteki au graphisme à la fois simple, réaliste et élégant, illustrent à la perfection cette histoire. Ils dressent un décor exotique pour ceux qui ignorent tout du Japon et pour ceux qui connaissent le pays, les transportent directement là-bas. Loin des clichés, Pascale Moteki a la justesse de croquer les détails moins glamours comme une dentition imparfaite, de présenter la multitude chaotique des outils de l’artisan, les pâtisseries à l’influence française à la fois familière et étrange. Elle arrive avec des aplats et des formes faussement lisses à donner toute la complexité de la vie. Le texte de Delphine Roux, poétique et facile d’accès pour les enfants, propose un récit d’une grande profondeur. Elle manie l’ellipse temporelle avec talent et réussit le tour de force dans ce court album à parler à la fois d’enfance mais aussi d’avenir, de transmission qu’elle soit par la présence de l’objet kokeshi ou de la rencontre avec un potier.
La vie apportée par l’objet inanimé
Porteuse de l’amour de l’enfant, réalisée en bois et peinte avec soin, la poupée kokeshi devient un objet relais, un lien chaleureux entre des humains. L’objet circule, fabriqué, acheté, donné, perdu, trouvé, transmis. Il se charge d’une force et d’une symbolique de vie, complexe et contradictoire, incorporant à la fois amour, tristesse, joie et espoir. Il porte les souvenirs et prend, à la fin du livre, une dimension de signe providentiel ouvert sur l’avenir.
Cet album est arrivé dans ma boîte aux lettres à une période très particulière pour moi (cf mon précédent article du blog). En transition, ballotée entre l’arrachement d’une perte et le désir d’avancer dans ma vie, j'essaie de surnager. Les rencontres nous façonnent et cette rencontre avec L’amie en bois d’érable m’apporte confiance et espoir. Elle m’aide à clore doucement la porte, à ranger dans mon cœur les souvenirs précieux, tout en me tournant vers l’avenir, et à lâcher prise sur la perte.
Nous avons tous une ou plusieurs choses à faire tant qu’on vit. Personne d’autre que nous peut les faire à notre place, mais les rencontres – avec d’autres humains ou des objets dont les livres – nous aident les découvrir et à grandir.
Même adulte, même parents ou grand-parents peut-être pour certains d’entre vous, les albums jeunesses nourrissent et apaisent notre enfant intérieur.
Merci à Pascal et Delphine pour ce précieux cadeau.
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- Critique de Télérama
Une belle histoire, c'est le genre d'album qui donne de la profondeur à la littérature jeunesse.
RépondreSupprimerIl y a plein de supers albums jeunesse, ça dépend vraiment du positionnement des éditeurs. Mais vu la production, on peut être un peu paumé.
SupprimerTrès jeune j'ai toujours trouvé les illustrations et les textes flippants.
SupprimerEt l'anime le plus apeurant de toute mon enfance, Démétan, la petite grenouille, et d'autres.
Déjà ultrasensible peut-être.
Pour ça que là, tout ce que tu nous présentes généralement ça me semble différent, rien que de ce point de vu.