17 mars 2021

Grammaire de l’imagination de Gianni Rodari – Introduction à l’art d’inventer des histoires.


En ouvrant cet ouvrage, je m’attendais à un livre sur l’écriture et la fabrication d’histoires. Je me suis trompée sur le premier et le second sujet n’y est pas traité sous l’ange que j’espérais. La préface, rédigée par le traducteur français m’a tellement dérouté que je me suis arrêtée. Le livre a été proposé au programme d’un atelier de lecture par la personne qui m’en avait vanté les mérites (merci David). Cette fois, motivée par une possibilité d’échange, je me suis lancée dans la lecture, passionnante et souvent drôle, de ce bouquin inclassable.


Nourrir son imaginaire


Grammaire de l’imagination s’adresse en priorité aux parents et personnes qui travaillent avec des enfants. Une catégorie à laquelle je ne me sens ni légitime ni à l’aise pour revendiquer une quelconque affiliation. Pourtant, nous sommes tous d’ancien (ou moins ancien) enfant. Et l’imagination, la créativité, se nourrit d’un regard sur le monde capable de cultiver l’enthousiasme et la curiosité.

Si vous êtes un peu artiste, si vous aimez les histoires, ou si vous voulez développer votre imaginaire ou celui d’enfants, je vous encourage à ouvrir ce livre, avec moins de préjugés que moi ! Gianni Rodari propose en 45 chapitres une série d’exercices et de réflexions très pragmatiques, illustrées d’exemples pour affûter notre capacité à appréhender le monde tout en s’émancipant de ses règles souvent aliénantes.

Les courts chapitres s’enchaînent et construisent une pensée : l’auteur part souvent de son expérience vécu avec des enfants, donc d’une approche concrète, pour arriver à dégager des mécanismes généraux et des concepts, jusqu’à développer une réflexion philosophique sur l’importance de l’imagination dans notre monde. Paru en 1973 en Italie par un homme ayant connu les affres de la seconde guerre mondiale (il est né en 1920), son contenu reste très actuel.


Un ouvrage éclectique et amusant


Le début aborde des ateliers d’écriture à destination des enfants avec des exemples d’exercices souvent assez savoureux. Ces outils de développement de l’imagination (par association d’images et d’idées et jeu sur les sonorités) évoquent le surréalisme et le dadaïsme avec des textes d’apparence absurde et qui éveillent à une poétique débridée et libre, une base qui permet de s’initier notamment au réalisme magique. Rodari propose différentes constructions pour des textes très courts, de l’historiette au poème, à la devinette.

Ensuite, dans l’auteur travaille sur le conte, une matière très riche qu’il aborde de façon toujours très pratique et ludique en expliquant sa structure. Ce travail d’analyse a comme visée l’appropriation de la fabrication du conte et aussi l’ouverture sur un jeu avec des variations.

L’adulte apprend à l’enfant et si ce dernier est actif, il reste encadré par des propositions créatives. Au fil du texte, Rodari prend du recul et s’interroge sur le dialogue qui se tisse entre l’enfant et l’histoire qu’il fabrique. Il aborde le jeu, de l’imagination et de leurs impacts combinés sur la vision du monde. L’histoire devient un support pour les relations humaines et pour appréhender l’environnement. Il inclut dans son questionnement le tabou et la transgression (sexe et fonctions corporelles) décrits comme nécessités pour apprendre à remettre en cause l’autorité, à réfléchir par soi-même et à éviter l’écueil de l’auto-censure.

Enfin, il prend encore du recul et observe l’enfant dans son appréhension de l’histoire, dans sa façon de se l’approprier, d’interagir, de la poursuivre. L’enfant devient actif à partir d’une narration d’autrui. On passe d’une création imaginative débridé à un travail avec une contrainte forte mais où la créativité a toute sa place.

Le dernier chapitre dévoile enfin l’objectif du livre : enrichir d’expériences stimulantes le milieu où l’enfant évolue afin de développer sa créativité, pour changer le monde. La dimension politique assez idéaliste de l’auteur (et à mon goût très touchant et belle sur sa vision de l’humanité future) s’affirme alors.

Rodari étudie le jeu des enfants avec curiosité et tente de l’analyser pour en comprendre les processus inconscients. Cependant, ses interprétations psychanalytiques me laissent dubitative quant à leur véracité scientifique. Elles demeurent stimulantes sur le plan d’une réflexion intellectuelle. C’est l’unique bémol de ce livre, très riche pour cultiver son imaginaire, même lorsqu’on est adulte et sans enfant.


Lien :

Un autre article sur le sujet par le libraire deCharybde (Ground Control, Paris)



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Marianne