29 avril 2016

Ce que je ramène du Japon...



Un mois et demi. Six semaines de séjour au Japon. Mon plus long voyage. Un voyage à tiroir, constitué de différentes étapes, chacune étant presque un voyage à part entière. Me voici de retour, décalée dans mes horaires, ma langue, ma ville, mon cœur et ma tête, à la fois heureuse de retrouver le foyer que je partage avec La Moustache et chagrine de quitter ce pays qui me fascine tant.

Du Japon, je ramène le visible et l'invisible.

D'abord, il y a les objets : des livres, de la papèterie, de la vaisselle, bien évidement, des charmes et gris-gris, quelques fringues, des choses que je ne trouve qu'au Japon. Certains sont chargés de sens, d'autres d'émotions, certains sont simplement utiles, moins chers là-bas ou introuvables en France.


Du festival d'art de Setouchi et d'autres lieux...

Je ramène aussi un carnet où j'ai collecté tampons et calligraphies (shuin) des temples et sanctuaires et qui, outre le souvenir et les 300 yens dépensés à chaque page, m'a donné la possibilité d'un échange. Dans l'écrasante majorité des cas, je suis tombée sur des personnes amicale voire très agréables. Dans les lieux hyper touristiques, où l'on obtient un shuin déjà tracé, sur une feuille à "coller", l’intérêt est cependant limité. Par contre, dans des endroits paumés, comme ce temple au fin fond de la montagne dans la préfecture de Shimane, le carnet devient un sésame, un point de contact pour ensuite converser (et même avoir du thé et des gâteaux).

J'ai aussi rempli un cahier de voyage et accumulé cartes, billets d’entrée et de transport, divers prospectus, étiquettes, emballages Des souvenirs de papier à engranger dans mon cahier ou à mettre de côté pour mon prochain voyage, pour montrer et transmettre la magie de certains lieux, inviter d'autres voyageurs à les découvrir.

Et puis, il y a l'invisible, dont le poids et l'espace n’alourdissaient pas les valises de retour. Pourtant, si je pouvais le mesurer en trois dimensions, si je pouvais le sentir, le toucher, tout l'avion ne suffixerait pas à le ramer. Ou alors, peut-être un gigantesque engin de l'armée qui transporte des tonnes et des tonnes. 


Razzia sur les rayons des papeteries avec un Mouton motivé


Du Japon, c'est l'invisible qui importe.
L'invisible qui me fait voyageuse et non touriste. L'invisible qui transforme le séjour en quête initiatique, où objectifs et plannings ne sont qu'une excuse pour s'engager sur un autre chemin.

Je ramène des rencontres humaines.
Je suis partie chez des bons potes et je reviens avec deux amis très chers.
La rencontre avec David, du blog Ogiima sans qui notre découverte du festival de Setouchi n'aurait pas été aussi géniale.
La rencontre manquée avec Le coq qui n'a plus son cerisier mais n'a pas perdu son œil curieux, me motive à retourner à Osaka et découvrir les lieux qu'il photographie.

Les rencontres avec les papis et mamies dans les temples, les magasins, les bouibouis incroyables où je me suis restaurée. Les rencontres avec les quelques plus jeunes, motivés et courageux.
Malgré mon piètre japonais qui ferait passer une langue en version petit nègre pour une éloquence époustouflante, j'ai quand même réussi à communiquer.

Je ramène un pont vers La Moustache qui s'est confronté au choc culturel et a décidé de faire un pas vers ce qui me fascine, même quand il ne comprend pas.


Vaisselle, charmes et mascottes


Je ramène une réconciliation vers le Japon post 11/03/2011, terrible dans ses mensonges mortifères et d'une grande complexité. Je ramène de la confiance en ma capacité d'apprendre et découvrir en étouffant mes jugements et mes préjugés, tel un anthropologue. Je ramène de la confiance en ma capacité de m'adapter et d'affronter les petites contrariétés, les couacs et soucis plus conséquents, sans pour autant me flageller ni chercher un coupable. Je ramène une confiance en l'avenir et en ma capacité de l'appréhender, insaisissable et mouvant.

Je ramène de la sérénité. Une pause complète, m'être sortie du flot d'informations anxiogènes, malgré les terribles tremblements de terre de Kumamoto.

Je ramène la conscience que presque tout me dépasse, que ma capacité d'action sur le monde est limité et précieuse, alors que je dois utiliser mon énergie avec sagesse, réflexion mais aussi intuition et humour.

Car, rien de sert de tout planifier, la vie a sa façon bien a elle de vous reprendre les manettes quand on serre trop fort le manche.





Durant six semaines, pas un jour ne s'est écoulé sans qu'une situation ou qu'une émotion ne m'évoque les livres de Marshall Rosenberg sur la communication non violentes et l'ouvrage de Miguel Ruiz (les quatre accords toltèques mais dépouillé de ses atours new-ages hein!).

Je ramène de l'eau vive. Comme si un barrage intérieur avait cédé. Mais en douceur, sans tout inonder. Je ramène de l'eau vive et fertile, fraiche et désaltérante.

Je ramène aussi l'inspiration mais ça, un temps de digestion nécessaire m'empêche encore d'en voir les bénéfices et la richesse.

Et je ramène, plus pragmatiquement, un cul d'enfer et des jambes de gazelle car à marcher 10 à 20 bornes par jour, la silhouette s'affine et tout mon corps me dit merci (La Moustache aussi).

Et vous, que ramenez-vous de vos voyages ?


Toujours un brin otaku !



9 commentaires:

  1. Il est beau ton texte, je le partage !

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  2. Magnifique !
    C est beau et je reviendrai le lire au calme ! Merci pour ce joli post philosophique :)

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  3. Me laisse nostalgique tout ça...l'année prochaine peut-etre.

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  4. Très chouette article et photo, et je comprends bien ton état d'esprit. Bon retour (même si ce n'est pas simple) :).

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    1. Le retour se passe mieux que les précédents, peut-être parce que même là dessus, j'ai beaucoup lâché. Je t'avoue que jeudi, en prenant mon bus à Place des fête, et en longeant le champs de tentes des réfugiés à La Chapelle, je me suis sentie assez mal. On s'habitue à ne pas voir ni sentir la misère. Elle est bien présente au Japon, mais sous une forme moins violente, ou peut-être qui interagit moins, prend moins à témoin.
      Et puis, il y a l'insécurité et sa parano rampante. C'est le plus difficile.

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  5. Ton écriture devient aussi imperturbable qu'une roche ronde dans le lit d'un ruisseau au courant pas toujours sage.
    Zen la grenouille.
    Et tu reviens au bon moment, il pleut il pleut il pleut.
    En tout cas tu as rapporté un joli trésor de guerre !

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  6. Je ne sais pas si mon écriture est imperturbable, elle a toujours du mal à sortir. Mais je doute moins et surtout, j'ai changé beaucoup de trucs dans ma façon de vivre et de ressentir.

    Plus zen, certainement :)

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Marianne