1 janvier 2020

#01 Révolution, résolution


La Terre achève son tour de manège et les humains allègres, blasés ou juste dépassés, fêtent l'évènement à sa surface en s'agitant. Même si je ne souhaite pas faire le bilan de l'année qui s'achève, les cailloux sur lesquels j'ai buté, les flaques où je me suis noyée, me hantent comme autant d'échecs ridicules. Je leur tourne le dos, espérant que feindre le dédain dissipera leurs échos amers.


Le cahier entamé il y a un an est vide au deux tiers. Des pages et des pages lignées patientes et indifférentes à mes élucubrations. J'ai tout lâché en 2019. Lâché le cours de dessin, la photo, le rattrapage de mes lectures, les amis, les projets d'écritures perso, la marche, les expo… Seules quelques obligations et engagements ont phagocyté temps et plaisir au détriment de ma santé et pour la plus grande joie sauvage de mes angoisses avides.


Pour janvier, j'ai acheté un nouvel agenda, plus simple que le précédent. J'ai aussi rangé et vider un peu maison et bureau.

Et enfin, je rouvre le cahier avec comme intention de laisser retomber la poussière avant de m'élancer sur le chemin des mots. Si contrainte, je n'ai d'autre choix que de me lancer dans une tempête, je suis résolue à me protéger nez et bouche des scories irritants et parfois toxiques.





Résolution, révolution.

Deux retours à des états précédents et pourtant différents. Une boucle ou jamais on ne reviendrait sur nos pas car la route change constamment. Modifications subtiles ou radicales, la perte demeure, le soulagement aussi d'un oubli qui allège méthodiquement l'âme et les mémoires.


Arrêter de figer la douleur, de la graver à la plume sur la cellulose blanchie. Voilà peut-être mon unique résolution, par la négative, pour cette année nouvelle et cette nouvelle décennie.

Embrasser l'oubli. Affronter la tempête, profiter des accalmies, et oublier. Archiver sciemment dans une mémoire sélective, où telle une boîte aux trésors, je ne conserve que le brillant, le sacré, le doux et le fragile. J'accumule les coquillages rond et lisses, les graines mystérieuses séchées et pourtant toujours avec leur potentiel de vie, à l'abri, sous la coque, les bout d’écorces burinées et odorantes, les verres polis qui ont perdu leur transparence et racontent une vie d'usure contre leurs congénères de silice.

Embrasser mes lacunes, mes failles, ma faiblesse. Renoncer à être celle fantasmée. Accepter l'inadéquation profonde et cesser de s'efforcer de contenter le monde, la société, les parents, les amis et ce moi qui n'existe pas.



Révolution circulaire, solide, immuable, sans violence ni à-coup. Révolution mouvante dans l'axe invisible du temps, de incompréhensible miracle de l'existence. 365 jours d'écriture possible. Peut-être que cette fois, ce gros cahier sera rempli et achevé.

Révolution de l'inutile, de la vacuité d'une vie et pourtant, à chaque passage sur le plan de l’écliptique, une peinture évanescente colore quelques instants la réalité. Résolution de cette image, autant de points, d'individus qui composent cette immense fresque. Parfois serrés, jointifs où même superposés, parfois très éloignés. Elle couvre le monde et tend aux étoiles, et je la vois, de cet œil qui n'est pas un œil, conquérir les espaces inertes, gonfler et croitre, et dans son sillage, les points morts laissent un vide dans la trame. Autant de micro trous noirs. Persistance rétinienne. Ceux qui ne sont plus sont encore là. Sont notre avenir.


À vous qui suivez - ou non - mes délires cosmiques et approximatifs, je vous souhaite une décennie de vie. Cela me parait bien suffisant déjà pour occuper notre humanité vacillante.

1 commentaire:

  1. Ta RÉ - VO - LU - TI - ON est en marche, c'est sûr. Attendons voir, en espérant que tu restes suffisamment bonne avec toi même ma chère Kaeru. Souvent, il faut passer par là s'il reste encore assez d'énergie. Il n'y a pas d'âge pour cela, n'est-ce-pas ?

    Mes meilleurs voeux d'une douce année qui débute, t'accompagnent. Elle déborde d'espoirs divers, tu y trouveras les tiens.

    Je t'embrasse.

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Marianne