21 février 2020

Initiation à la calligraphie japonaise, shodô : retour sur expérience.

Résultats peu glorieux d'une initiation réussie !


Pour la première fois, j'ai participé à un cours de calligraphie avec l'association Quartier Japon. Il s'agissait d'un cadeau (merci Aristophanis) ; seule je ne suis par certaine que j'aurai pris l'initiative de m'inscrire. La discipline demandée par la calligraphie me rebute. Sans cette opportunité, je n'aurai pas vécu cette expérience enrichissante !

J'avoue, je m'attendais à une initiation un peu bateau, le genre de truc sympa où tu passes un moment agréable puis tu repars avec ta feuille exhibée fièrement, et au bout du compte, tu apprends assez peu.
Ah, les préjugés !
Non seulement le professeur, Hideki Kawasaki, s'est avéré pédagogue mais aussi très honnête, dissipant les illusions de grandeurs artistiques, souvent « vendues » aux amateurs de culture japonaise au rabais. Le cours accueillait des personnes de niveaux disparates dont des novices absolues (moi) sans que cela soit problématique, au contraire.
Je n'avais jamais tenu un pinceau pour de la calligraphie, cependant j'avais testé le sumi-e (peinture à l'encre de chine avec beaucoup d'eau) et j'avais assisté à des démonstrations de calligraphe japonaise lors de happenings parfois impressionnants. Il suffit de regarder des vidéos pour être touché par la fluidité et l'agilité du geste. Son apparente facilité masque des années d'étude et d'effort. Les arts et artisanats japonais présentent souvent une simplicité et rapidité d’exécution trompeuse. La virtuosité du geste s'acquière par une vie d'apprentissage qu'on oublie aisément lorsqu'on est spectateur, un peu comme lors d'une représentation de danse classique.

Participer à ce cours m'a permis appréhender la réalité de la calligraphie.
Je n'avais pas conscience avant de l'expérimenter, de sa dimension physique. Comme tout acte de peinture, elle génère une connexion particulière entre le cerveau et la main. Elle demande de réfléchir, de se servir de sa main, comme l'écriture, mais aussi de son poignet, de son bras, de son épaule et de l'autre main, pour se stabiliser. La calligraphie, à la différence de notre écriture, sollicite le corps dans sa globalité. Le pinceau se tient à la perpendiculaire de la feuille de papier, et plutôt en hauteur, sans trop serrer, avec souplesse. Le bras n'est donc pas posé mais en suspend. Ça fait bosser les biscottos (qui n'ont pas l'habitude) ! L'équilibre et vient de l'autre main, posée à plat, et de tout le reste du corps.



Le pinceau, étonnamment rigide et très fourni, doit être écrasé dans l'encre pour être parfaitement imbibé, puis il faut l’égoutter avec soin. Il s'agit d'un pinceau rond mais non biseauté, la pointe s’obtient en l’essuyant doucement sur le récipient. Pour le cours, il s'agissait de plastique et non d'une pierre à encre, onéreuse, mais dont le poids garantit qu'elle ne vadrouille pas lors des manipulations. Quant à la feuille, du papier journal absorbant parfait pour les exercices, elle doit être lestée. Nous avons travailler à partir d'encre de chine déjà liquide alors que la calligraphie traditionnelle se fait avec des bâtons secs. Les pigments adhèrent grâce à de la colle animale. L'encre s'obtient en mettant un peu d'eau dans la pierre à encre et en frottant doucement le bâton. Sa particularité est la grande profondeur de son noir, très couvrant, qui colore tout ce qu'il touche. Voilà pourquoi le professeur était drapé de nuit. Le noir c'est classe. Moins quand il s'agit d'une grosse tâche sur sa chemise.

Une fois en position, je me lance
Pour arriver à un trait qui ne tremble pas - les miens me font redouter d'être atteinte d'un Parkinson soudain - il faut à la fois contrôler son mouvement et lâcher prise sur sa crispation. Le geste doit être précis, direct, à la bonne vitesse, ni précipité, ni trop lent. Et je comprends pourquoi la répétition est nécessaire. Elle seule peut apporter la justesse et la souplesse après des centaines voire des milliers de fois, à tracer sans se lasser les kanji, les caractères japonais. Avant d'improviser, avant d’acquérir un style personnel, il faut apprivoiser et intégrer le tracé orthodoxe, qu'il devienne naturel, instinctif. 


Cet apprentissage nous ramène au long labeur de l'enfance lorsque nous couvrions les lignes de nos cahier d'un alphabet hésitant. Nos 26 minuscules et majuscules font pale figure face au 1945 kanji officiels à connaître (et à tous les autres !). Heureusement, il y a quand même quelques règles (avec leurs exceptions). 

Ichi !


Après avoir fait des exercices divers de tracé de lignes, verticales, horizontales, courbes, voilà venu le temps de calligraphie le plus simple des kanji, ichi. Caractère qui signifie le chiffre un, et qui ressemble à un tiret cadratin, on le retrouve dans la majorité des autres kanji. Il s'agit donc de la base incontournable.
Il faut d'abord poser le pinceau sur la feuille de façon à obtenir un début de trait qui soit oblique, à 45°. Cette orientation des poils sur le papier doit être conservée durant tout le tracé du « tiret ». Le mouvement s’interrompt lors qu'on s'approche de la fin et là, ça se corse. Il faut faire un « petit pas », une sorte de point qui implique de soulever puis reposer le pinceau. Ensuite, on revient légèrement en arrière afin d'orner le trait jusqu'alors censément horizontal d'un léger monticule sur le haut. La ligne du bas, elle, ne doit pas descendre mais rester bien droite. Le résultat attendu est donc une sorte de parallélépipède qui s'achève avec un patatoïde plus ou moins maitrisé.

Peindre cet unique caractère m'a demandé une concentration et une énergie incroyable pour un résultat, je dois l'avouer, assez piteux. J'ai compris qu'il me faudrait des dizaines d'heures, en étant optimiste, avant d'arriver à obtenir quelque chose qui puisse être qualifié sans honte de « calligraphie ».
Voilà qui rend cet art encore plus admirable et impressionnant !

Si vous voulez essayer, toutes les informations sont disponibles sur le site de Quartier Japon. Le cours de deux heures est à un tarif très abordable (26 euros pour les adultes). Même si, comme moi, vous n'avez pas le courage de vous lancer dans cette activité, je vous recommande vivement de tenter l'expérience. Elle permet, en appréhendant la calligraphie avec son corps, de mieux l'apprécier. Je serai curieuse d'avoir vos impressions !

3 commentaires:

  1. Bonjour
    Je m'occupe de Quartier Japon, chez qui vous avez effectué cette initiation à la calligraphie japonaise.
    Je vous remercie pour votre retour et je vous félicite : vous avez parfaitement à la fois saisi et retranscrit l'esprit et la difficulté de la calligraphie japonaise !
    L'une de nos participantes habituées m'a parlé de "yoga" à propos de la calligraphie.
    Très belle journée !
    Stéphane Paumier

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  2. « 。。。le plus simple des kanji, ichi » ou l'art de persévérer 。。。
    Le Shodō est certainement la porte la plus étroite pour accéder à l'âme japonaise, comme le sont le chanoyou et le haïku.

    Tu as vécu une très belle expérience et nous as fait un excellent compte-rendu. Tes expériences sont toujours enrichissantes Marianne. C'est une pratique qui peut durer toute une vie 。。。

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    1. "la porte la plus étroite" quelle belle expression !

      Et merci pour tes petits mots <3 je n'ai pas pris le temps de répondre à tes derniers commentaires, mais saches qu'à chaque fois, ce sont des petites pichenettes encourageantes et motivantes. Merci <3 <3 <3

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Marianne