Du sable sous mes chaussures de rando.
Comme en mars, à Quiberon, juste avant le coup de semonce, rentrez-chez vous, nous sommes en guerre, enfermez-vous, nous sommes en guerre, pas besoin de masque, et bah, le gel hydro-alcoolique, on fera sans… Mais nous sommes en guerre.
Je n’ai pas vu passer l’été, le cœur congelé.
Du sable comme à Deauville, du sable comme à Dinard et à Dinan, pour nos vingt-ans. Du sable d’escapade, des bribes de vacances et de week-end prolongés, rares. Du sable sous mes chaussures qui résistent. Elles ont pris l’eau après avoir marché dans la prairie détrempée. Un coup de bombe imperméabilisante pour finir de bousiller la couche d’ozone et prolonger un peu la survie du nubuck. Les semelles tiendront encore longtemps. Plus que nous après nos vingt-ans.
Ce sable-là, tu ne le fouleras jamais.
Cet endroit-là, tu ne le connaîtras pas.
Juste une sablière, peut-être encore exploitée, un terrain de jeu pour ados en VTT, chiens en manque de course et bestioles sauvages en manque de terrain pour se dépenser. Novembre aime les jaunes souffreteux et les rouilles résistants, il tolère aussi les cramoisis à la fougue arrogante. Éventrées par les hommes avides, les strates exposent leurs surprenants dégradés colorés et leurs entrailles coulent en ravines. Canyon miniature entre des prairies où paissent des moutons. Au loin, deux ânes braient dans le couchant.
Sur le sentier, je fixe mes pieds. Je songe à avant. Le sable d’avant toi. Celui du Portugal, de la Corse. Celui de la Baie de fourmis et de Passable porte ta marque. Mémoires souillées, salées. Pas envie d’emporter partout le poids du vide dans ma poitrine. La Corse. Quiberon. Mieux, simplement ce lieu. La Sablière. Bioul-sur-Plage. Au bout du chemin, un petit lac où nagent les arbres, silhouettes déjà presque nues. Une souche rongée se dresse, phallique et sculpturale, architecture étrange ou création contemporaine in-situ pour palier à la mort lente des musées ?
Je flanche, scindée, dissociée.
Éparpillée en grain, je coule, asséchée. Mouillée, je reprends ma cohérence, hélas toujours friable.
Marcher, dans le sable, dans l’herbe, dans la gadoue, sur les feuilles glissantes, dans le sous-bois dévasté par les engins forestiers. J’entasse les grains de souvenirs, les odeurs, les impressions de couchant, les halètements de la chienne, la tension dans les muscles après une grimpette, l’oppression dans la poitrine quand la vie d’avant m’assaille, le japonais qui noie mes oreilles et le vent, distant.
S’accrocher. Se remplir.
Il est temps de retourner le sablier.
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Marianne