Après le solstice, un équilibre étrange fige la nuit. Au premier janvier, la lumière n’aura grignoté que cinq minutes. Dix jours pour cinq minutes. Un funambule sur la ligne d’horizon, avance à pas feutré, étouffant ses désirs de cabriole, dans la crainte de retomber dans les ténèbres. L’année agonise doucement, traînant son lot de chagrins et de chocs, de naissances et de joies. Certains l’ont qualifiée, à tort, de pireannée de l’humanité.
Je n’ai perdu personne de la pandémie, j’ai perdu d’autre chose, et surtout d’autres personnes. Je ne regretterai pas 2020. Regretter n’est pas dans ma nature. Et je m’astreins à en arracher les racines de mes veines, une hygiène souvent douloureuse mais salutaire.
La nuit s’étire. Si j’aime son calme, sa tranquille torpeur, son cocon de mystère, elle noie le paysage, grise et floute les plans, brouille l’essentiel, ombre les émotions, tamise l’enthousiasme en une poudre soluble dans la peur et l’angoisse. La longue nuit use les âmes.
L’hiver, trop doux, lui aussi manque de vitalité et son pouvoir de réduire au silence les nuisibles s’amenuise avec les années. Tout le monde s’épuise. Même les saisons.
Autour de moi, tant d’amis souffrent, s’inquiètent d’un avenir branlant, de revenus qui s’évaporent, de l’impossibilité de se nourrir de ces choses non-essentielles qui séparent la survie de la vie. Ces choses et ces expériences qui nous lient, nous subliment, nous apaisent, nous violentent aussi parfois, nous secouent, nous agacent, nous transforment, nous emplissent de joie, d’amour, nous enchantent.
Autour de moi, le monde me rebute, et je m’y cogne toujours, avec de moins en moins de force, de moins en moins d’envie. Je limite les contacts, les sollicitations, je tisse une toile de taille plus modeste mais à la maille plus fine, plus solide, chaude et moelleuse.
Paris, bruyante, dense, sous les illuminations des fêtes, se précipitent dans les heures du jour avec la pression sourde du couvre-feu, des contrôles, et du risque invisible. La campagne boueuse me manque. Crépuscule de feu, bleu glacé des matins, givre et nuée, odeur d’humus et de fumée, tout me manque ici. Les rires du foyer et les pépiements dans les cimes raisonnent encore dans le silence feutré d’un appartement trop grand. Vide.
Passer l’hiver, dit le dicton populaire. Passer l’hiver, dit le recueil de nouvelles douces-amères d’Olivier Adam. Passer l’hiver, cette année, me paraît l’unique résolution possible pour l’année en gestation.
Pas à pas, heure par heure, cœur à cœur, passer l’hiver.
Chouettes photos ! Encore !
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