Un classique paré d'atours victoriens
De génération en génération, cette histoire – ou plus exactement ces histoires - car de multiples versions perdurent – se sont transmises à l'oral. Charles Perrault en a fixé l'une d'elle. C'est ce texte qu'a choisi d'illustrer François Amoretti dans un joli livre rougeoyant. Auto édité en 2008 en bilingue français-japonais, l'ouvrage connaît depuis décembre une diffusion grand public chez Soleil, avec en prime, une suite en bande dessinée scénarisée par Audrey Alwett.
Les dessins à l'encre d'Amoretti rappellent dans leur délicatesse et leur frénésie ceux de Tim Burton ou d'Edward Gorey, un précurseur dans le domaine. Merveilleux et macabre se mêlent en une danse sensuelle et surprenante. Le noir et blanc n'est rehaussée que d'un pointe d'un rouge profond. Une parfaite alliance des couleurs pour ce conte dont la portée symbolique est probablement la raison de son succès et de sa longévité.
Amoretti donne au Chaperon une touche victorienne et fait d'elle une petite gothic-lolita. D'ailleurs une autre jeune fille célèbre rôde comme un fantôme entre les pages avec son lapin et ses champignons...
Un travail d'illustration de haute volée, proche de la bande dessinée avec une vraie recherche de narration. L'image ne se contente pas de soutenir le texte, elle l'enrichit d'une dimension personnelle et onirique vaguement inquiétante.
Dans les entrailles du prédateur...
Et surtout, il y a la suite Ce qu'il advint dans le ventre du loup... Cette courte BD est un véritable chef-d'oeuvre qui redonne au conte la noirceur et les tripes que Perrault a tenté de lui retirer. La version de Charles Perrault, avec sa fin moralisatrice, n'est pas la plus galvaudé car elle n'intègre pas encore l'élément masculin sauveteur du chasseur qui relègue le petit Chaperon rouge au rang de jeune fille docile en attente d'un preux chevalier.
Cependant, elle retire quand même les qualifications lors du choix du chemin pour se rendre chez la grand-mère – celui des aiguilles et celui des épingles. On perd ainsi une partie cruciale du récit qui a attrait à la puberté, à la menstruation et à l'éveil sexuel.
Une rencontre impromptue...
Vous l'aurez compris, la version de Perrault n'est pas ma favorite. Pourtant, la suite racontée par Amoretti m'a bouleversée. Les épreuves que subit le Chaperon rouge, la manière dont elle les surmonte, les rencontres... Tout converge pour s'inscrire dans la structure traditionnelle des contes de fée.
Une transformation violente et sans retour s'effectue dans le ventre du prédateur. Et, sans dévoiler la fin de l'histoire, elle dégage une énergie salvatrice. Impossible de ne pas faire un parallèle avec le fabuleux livre de Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups.
Pour le dessin, Amoretti conserve un découpage assez classique et un trait simple. Par contre, il plie les perspectives, arrondit les cases qui ne sont pas cernées. Sa mise en page ressemble à un amalgame de cellules. Et pour le final, il réserve deux pleines pages... Cette BD a quelque chose d'organique, de viscéral. Une réussite narrative et graphique !
Amoretti arrive donc à mettre en valeur le texte de Perrault tout en l'intégrant dans son univers particulier. Il excelle aussi dans l'exercice de la BD pour raconter une histoire originale. Avec le petit Chaperon rouge, il signe donc un album alliant deux arts proches et pourtant si différents que sont l'illustration et la bande dessinée !
Vers la réconciliation avec le sauvage ?
Pour aller plus loin :
Un article sur le Blog d'Amoretti où il nous parle de ses influences :
http://francoisamoretti.blogspot.com/2009/10/en-parlant-dinfluences.html
Sur la question des aiguilles et des épingles, un article passionnant :
http://www.petitchap.com/des-aiguilles-ou-des-epingles-2
Pour les différentes versions du conte et d'autres informations :
http://expositions.bnf.fr/contes/gros/chaperon/index.htm
mon dessin préféré c'est celui du chaperon une fois loup <3 adorable!!!!
RépondreSupprimerLe dernier dessin en effet est épatant!
RépondreSupprimerBon reste plus qu'à lire maintenant!
J'aime beaucoup Francois Amoretti ! Cette version me fait envie, merci pour cette critique.
RépondreSupprimerKaeru, tu as oublié de signaler le fait, très important, qu'à la fin du livre, il y a une recette de cuisine, pour préparer une galette comme celle que le petit chaperon rouge apportait à sa mère-grand, ce qui rend l'ouvrage évidemment encore plus savoureux ! :)
RépondreSupprimerC'est marrant, le seul qui ne s'extasie pas sur les dessins de François, c'est le dessinateur. Il va à l'essentiel : la bouffe :)
RépondreSupprimerMerci Comtesse et Sironimo, j'espère que le livre vous plaira. Lucie, ça fait plaisir de te voir barboter ici :)
Bonjour,
RépondreSupprimerPeut-être que ça t'intéressera.
Mon frère est entrain de réaliser un court métrage sur une adaptation du p'tit chap' tout rouge !
Voici le lien de sa page sur Facebook.
Il y a déjà posté des essais caméra.
Attention, je répète que c'est une adaptation ! ;)
Merci pour le lien... et je partage tout à fait votre avis quant à la version de Perrault, à la mauvaise idée qu'il a eu de ne pas y intégrer le choix du chemin pour se rendre chez l'aïeule.
RépondreSupprimerVous l'aurez compris : je suis une passionnée des différentes version de ce conte !
Petit Chap : je suis actuellement en train de lire "La compagnie des loups" (d'Angela Carter) après avoir découvert et adorer le film. Le livre est fascinant, surtout avec comme lecture parallèle "Femmes qui courent avec les loups".
RépondreSupprimerPar contre, l'adaptation ciné façon "Twilight"... T_T très peu pour moi. Rien que la bande annonce m'a désespérée !
C'est très intéressant et donne vraiment envie de lire ces livres, si je les croise un jour, je n'hésiterais pas à me les prendre ;)
RépondreSupprimerMerci ^^