29 août 2011

Le temps du rêve : survivre à quel prix ?

Voici une BD étrange et courageuse, totalement atypique, éditée chez Delcourt. Le récit du Temps des rêves nous plonge dans les horreurs absurdes de la Première Guerre mondiale. L'originalité est de se placer du point de vue de deux soldats australiens, l'un aborigène, arraché enfant à sa famille par la loi des blancs, l'autre, un officier de génie. Face à l'enfer, ils trouvent chacun un moyen de tenir, survivre.

Le temps du rêve, T1 chez Delcourt

Sous les bombes, des visions oniriques...

En Australie. Un soleil de plomb qui brûle un désert de terre rouge. Un ciel trop bleu. Une petite communauté tranquille voit la visite d'hommes en armes. Le missionnaire qui s'occupe de convertir les aborigènes est sommé de remettre tous les enfants. Dans une explosion de violence, les bambins sont enlevés à leurs parents pour être placé chez des familles de blancs respectables. Thomas est l'un d'entre eux.

Des années plus tard, on le retrouve soldat. Il est débarqué avec d'autres jeunes sur la péninsule de Gallipoli. La bataille des Dardanelles se prépare... Thomas ne s'en pas engagé pour soutenir la nation australienne, à peine née. Il est comme tant d'autres, perdus, incertains.
Seul noir du bataillon, il subit un racisme quotidien. A ses cotés, un jeune officier brillant, le lieutenant-colonel Stucker, voit dès le premier affrontement, ses idéaux s'effondrer.


Chacun va trouver la force de survivre, la motivation pour rester vivant dans cet enfer créé par l'homme. Si Thomas puise en lui, dans ses racines aborigènes, une énergie de vie, Stucker lui, croit au salut dans le combat, dans l'art de la guerre. Alors que les yeux de Thomas s'ouvrent sur un autre monde et accueille la magie des ancêtres, Stucker s'ancre dans un pragmatisme violent. Ces réactions radicalement opposées à une situation terrible génèrent de plus en plus de tensions...

Un dessin classique pour un scénario hors-norme

Le scénario, écrit par Stéphane Antoni, est vraiment surprenant. Il choisit un événement particulièrement violent et triste de l'histoire humaine pour insuffler une réflexion sur la cohabitation entre l'humain et la violence, une violence inhérente à notre condition même. La survie au péril des autres, les réactions face à la mort, à l'absurdité de la guerre... autant de sujets délicats évoqués avec intelligence et finesse dans ce premier tome.
Antoni n'enseigne aucune leçon. Il confronte deux visions, deux philosophies. D'ailleurs, si vos cours d'histoire sur la période sont, comme moi, un peu poussiéreux, je vous engage à vous rafraîchir la mémoire avant de lire la BD !

Le trait réaliste d'Olivier Ormière épouse parfaitement le récit. L'encrage soigné, les décors sombres mais suffisamment détaillés font revivre ce passé peu glorieux. Les visages sont expressifs, aisément reconnaissables. Je trouve le travail d'encrage particulièrement réussi, équilibré dans sa différenciation des plans.

Un seul bémol, le découpage est un peu trop académique à mon goût. La maîtrise technique incontestable du dessin et du story-board se lit dans la fluidité et le dynamisme des scènes d'action. Cependant, cet album mériterait peut être d'être un trait plus relâché, plus jeté. Une petite touche de fantaisie. Il y a peu de hors case et l'absence d'onomatopée rend la narration rigide. Mais peut-être que je lis trop de mangas et de comics ?!

Heureusement, la rigueur du dessin est contre-balancée par la couleur. Avec des aplats simples sur les visages et un sublime travail d'ombre et de lumière, Virginie Blancher met en exergue les émotions. Une simplicité apparente qui masque souvent la difficulté et la complexité du travail de coloriste. Les décors, plus texturés, noyés de soleil, sont d'une beauté à couper le souffle. Par contraste, la sublime esthétique des cieux rend la condition des soldats encore plus poignante.

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Le temps du rêve est définitivement une BD qui sort des sentiers battus. Si le genre historique et surtout le thème de la guerre ne sont vraiment pas mes lectures de prédilection, j'ai été séduite par l'originalité de l'approche. Je suis très curieuse de découvrir la suite.

Mon aversion pour la guerre est telle que je ne lis jamais d'ouvrage ou ne regarde jamais de film ou d'anime sur le sujet.

La baston oui, mais la guerre, dans toute son aberrante horreur, me dégoûte à m'en filer la nausée. Quelques soit les motifs, elle cristallise ce que l'humain a de plus sombre.

La plongée dans la culture aborigènes, avec sa cosmogonie poétique et sauvage éclaire ce thème d'une lumière purificatrice. Il nous rappelle aussi le passé controversé de la nation australienne, érigée sur l'éradication quasi-systématique d'une culture vieille de de 50 000 ans...

Liens :
Plus de visuels de planche sont disponibles sur le forum de Superpouvoir
Le blog de la coloriste Virginie Blancher

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Marianne