Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue
Cette semaine, vous avez droit à deux chapitres d'un coup et un dessin qui en vaut quatre réalisée par Anne !
Chouette non ?!
Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.
chapitre 7
J'éteins la lumière du salon et m'installe dans le canapé, bien décidé à surtout ne pas penser. Je suis assez doué pour tenir ce genre de résolution, et nul doute que Sherlock y verrait le signe de la normalité affligeante de mon activité cérébrale. Quand je ne peux pas régler un problème ou un souci quelconque, j'évite juste de me torturer avec. Je l'ai trop fait avec lui, lui qui saute d'un toit. Pendant des semaines, j'ai revécu la scène chaque nuit. Me réveiller, trempé de sueur, avec l'illusion d'entendre mon téléphone mobile sonner. L'illusion qu'il m'enverrait un message...
Je me retourne sur le côté, la lumière qui coule dans la pièce depuis l'étage supérieur me gêne. J'entends des pas feutrés dans l'escalier. Visiblement Sherlock n'a pas sommeil... Je grogne quand il allume le plafonnier :
— Oui ?
— Tu as parlé d'une question... Je préférerais qu'on règle ça maintenant, sinon, je ne pourrai pas dormir. Je n’aurai de cesse de conjecturer tes pensées. Probablement pour élaborer des scénarios complexes et inadéquats. Pour la cohabitation, c'est pareil. Je pensais que tu étais d'accord. Tu veux ajouter des conditions ? Des garanties ?
Je secoue la tête. Il est infernal. Je remonte un peu de jambe et il s'assoit au bout du canapé, avec une grimace de souffrance. S'il essaye de m'apitoyer, c'est raté.
— Tu as pris les médocs ?
— Lesquels ?
— Ben ceux que j'ai laissés sur l'étagère ; deux ce soir, pas plus. Si la douleur te réveille dans la nuit, tu pourras en reprendre un.
— Ah. Merci.
— Écoute, il est presque 3 h du mat, je bosse demain, je suis épuisé.
C'est son regard. Le manque d'assurance dans son regard qui se détourne un peu trop vite... je soupire.
— Voilà, je suis vraiment heureux que tu sois là, Sherlock. Je comprends ton choix, il y a trois ans. Mais je suis persuadé qu'il y avait d'autres solutions. Que tu aurais pu me mettre dans le secret. Me faire confiance.
— Je t'ai toujours fait confiance ! Je ne pouvais pas prendre le risque que...
— Que quoi ? Que je fasse une bourde, que je sois abattu ? Ne prends pas de décision à ma place. Enfin, c'est fait, c'est fait. Je voudrais que tu...
Je réfléchis un instant à la formulation. Elle est capitale :
— Il y a trois points qui me paraissent essentiels pour que tu vives ici, pour qu'on vive ensemble ici. D'abord, j'aimerais que tu ne chasses plus les personnes que je ramène.
— Tes petites amies ? Ou petits amis ?
Je digère l'info quelques secondes. Pas surprenant de sa part. Ce n'est pas comme si je voulais lui dissimuler mon... évolution. Au moins, je n'aurai pas à en parler le premier quand la situation se présentera. Je le remercie silencieusement.
— Oui. Je souhaite que tu restes civil avec mes relations.
Il opine du chef, vivement.
— Deuxième chose, je tiens à ce que tu respectes mon intimité. Pas d'utilisation de mes affaires sans me demander mon autorisation, particulièrement mon ordinateur portable ou mon smartphone.
De nouveau il opine, toujours avec ce même enthousiasme.
— Et enfin, ce que je te disais tout à l'heure. S'il te plaît, Sherlock, ne fais pas de choix à ma place, surtout pour des choses aussi capitales comme toi, toi qui décides de simuler ton suicide.
Il ouvre la bouche, et le sérieux de son expression me fait craindre de nouvelles excuses. Je l'interromps d'un geste :
— Je t'ai dit que je n'étais pas d'accord, mais j'ai compris. Tu n'as pas besoin de te justifier encore ou de t'excuser. Je suis vexé que tu m'aies menti – inutile de détailler l'état béant de la blessure, la force et le talent de Sherlock n'ont jamais résidé dans son empathie – mais c'est pas la peine de revenir dessus. Ne prends plus de décision à ma place, c'est tout.
— D'accord. Pour les deux premiers points, je vais essayer. Je ne te garantis pas d'être toujours à la hauteur de tes espérances, mais je vais essayer.
L'absence d'ironie dans ses paroles me touche et m'inquiète un peu.
— Et la question que tu voulais me poser ?
Je décide de me lancer, au bluff. Je suis quasi-certain que mon intuition est la bonne :
— Pourquoi tu as mis tout ce temps à rentrer à la maison, alors que tu t'es occupé du dernier sous-fifre de Moriarty depuis des mois. Pourquoi ce délai ?
— Hum, tu as raison, il est tard.
Il se lève promptement.
— Tu travailles demain, il faut que tu dormes un peu. Bonne nuit, John.
Je le regarde s'enfuir du salon. J'avais vu juste.
A storm is coming... Illustration par Anne Jacques |
chapitre 8
Ce matin j'ai bu trois cafés.
Je suis d'une humeur massacrante. Et l'idée de déjeuner avec Carmine acidifie encore plus l'atmosphère. Je déteste me retrouver dans des situations où la vérité est impossible à dire, où je dois, par mes silences et approximations, cautionner mensonges et erreurs. Dire « je ne suis pas autorisé à révéler ces informations », « c'est confidentiel », ok. Là, je ne peux même pas m'autoriser ce luxe. Pour l'instant, le retour de Sherlock ne m'appartient pas. Je veux le laisser se débrouiller avec l'annonce. Sauf que j'ai l'impression que quelqu'un a déjà largement mis Carmine sur la piste.
J'ai réussi à éviter Molly et la plupart de mes collègues.
J'ai passé du temps au service des archives et sur le poste qui se situe à la morgue. L'avantage est de pouvoir consulter tranquillement certains dossiers. La température et le voisinage ne motivent pas trop pour venir glander dans le secteur. J'ai trouvé quelques réponses sur Tomas Sigerson, biologiste norvégien, également très bon botaniste et géographe. En parcourant plusieurs articles, je réalise que j'avais déjà croisé ce nom dans Nature. Parfait.
Tomas Sigerson est un savant, au sens désuet du mot. Un homme misanthrope, qui n'aime pas être pris en photo, à l'empreinte numérique inexistante. Il a pourtant publié dans de nombreuses revues et il serait le découvreur d'une plante en Amérique du Sud présentant des propriétés similaires au tabac mais sans les effets nocifs de la nicotine. Plutôt que de breveter le traitement de ce nouvel alcaloïde, il aurait « donné » sa trouvaille à une association caritative.
Je fouille encore, surpris de ce geste étonnamment altruiste, à moins qu'il soit motivé par la seule nécessité de rester discret. Probablement une difficulté incommensurable pour un être aussi hors norme.
Je finis par trouver une biographie détaillée, assez impersonnelle. Édifiant. Entre les lignes, je retrouve Sherlock. Le vrai Sigerson est certainement en train de pourrir dans les Andes, là où il a été porté disparu cinq ans plus tôt.
J'imprime une partie des documents. Si Carmine n'avait que le patronyme et, je subodore, une photo, elle n'aura peut-être pas identifié l'allias qu'a utilisé Sherlock ces derniers années. Sigerson est un nom assez répandu.
L'écran de la machine s'éteint dans un éclair blanc. Je m'étire et me masse un peu la nuque. Les chaises du sous-sol sont raides. Il est l'heure que je rejoigne la journaliste pour mon show. Un pieux mensonge qui devrait passer inaperçu sous le flot d'informations et surtout, paraître assez plausible. Je badge distraitement et m'engouffre dans l'ascenseur. Pas besoin de repasser à mon bureau. Les portes s'ouvrent sur le couloir. Mon téléphone vibre : un texto de Sherlock qui me demande l'autorisation d'allumer mon portable... Incorrigible.
— J'ai discuté avec Priceton, le technicien du labo d'analyse sanguin. Il dit qu'il t'a vu sur Old Compton.
Je lève le nez. Je sais déjà qui je vais trouver face à moi. La voix hautaine et nasillarde de l'autre John m'horripile. C'est de sa faute, il lui suffirait juste de se taire, et il ne dérangerait
personne.
— Bonjour, John.
Je ne ralentis pas.
— Hey ! Je te parle. Si t'es un pédé, qu'est-ce que tu fous à toujours tourner autour de Molly Hooper ?
Je serre les dents. Je ne traîne pas dans Soho. Pas mon style. Je n'ai pas envie que ma vie privée soit l'objet de rumeurs. Vu la situation actuelle, la tempête sera là bien assez tôt.
Et puis, Sherlock a compris.
Le reste, je m'en fous.
Je décide de braver la stupidité de l'autre John en l'ignorant. Je lui réponds un « bonne pause déjeuner » bien urbain avant de le laisser derrière moi. Quelques secondes. Ses pas précipités dans mon dos :
— Je te parle ! Ta mère t'a donc éduqué comme un chien ?! Je te dis d'arrêter de coller Molly !
— Je déjeune avec Carmine ce midi.
C'est mesquin.
Carmine est une très belle femme. Avec ses cheveux roux coupés à la garçonne, sa taille fine, sa poitrine généreuse, elle a beaucoup de succès, à son grand dam. Elle essaye souvent de dissimuler ses formes par des tenues professionnelles efficaces et élégantes qui renvoient l'image d'une personne sûre d'elle, confiante dans l'avenir. Assez difficile d'accès pour les hommes. Quand on sortait ensemble, j'attirais encore plus l'attention que quand j'entrais dans un restaurant avec Sherlock. En plus, Carmine ne se met pas à dos tout le personnel de l'établissement et la moitié des clients en cinq minutes chrono.
— Ah la pute rousse ?! C'est une bonasse.
Tiens, si j'allais à la boxe ce soir... J'accélère le pas. Le couloir fait un coude et après, arrive au grand hall d'entrée.
— Hey ! Bordel, Watson. Baiser une bonasse devrait te suffire, non ?! Alors, lâche Molly. Il est temps qu'elle fréquente un vrai mec. Pas une pédale dans ton genre !
Je lâche un soupir.
Je lui expliquerais bien les concepts de bisexualité, respect et droit de la femme, mais je crains que ses synapses ne tiennent pas le choc. J'arrive dans le hall. Face à moi, il y a Molly et deux de ses collègues.
Molly me regarde, le visage très pâle.
Les insultes de l'autre John retentissent dans le silence soudain pesant. La jeune femme à l'accueil, Sabrina, ne retient pas sa moue de dégoût. Il me fatigue. Je me retourne quand il déboule et s'arrête net.
— Profite de l'audience, tu vas être au centre de l'attention !
Je lui balance un uppercut en pleine figure ; suivi d'un coup de genou. Pas trop fort. Je n'ai pas envie de blesser autre chose que son amour-propre.
— Et rends un service à tout le monde. Deviens moine, ermite. Bref, arrête d'imposer ta présence aux autres.
Je vérifie qu'il se relève. Du coin de l’œil, je le vois essuyer sa lèvre fendue.
— Bonjour !
Les trois femmes me lancent un bonjour tonitruant et Molly y ajoute une parodie de service militaire. Elle ajoute, du rire dans la voie :
— N'oublie pas de faire le compte-rendu exact de la scène à Carmine. Ça devrait lui plaire !
Suite : chapitre 9
Ah ah le découvreur d'un nouveau tabac XD J'ai bien ri ^^
RépondreSupprimerMerci pour ces 2 nouveaux chapitres ! Cette fic me plait toujours autant, toujours aussi bien écrite et l'illustration rajoute au plaisir de lire.
A mercredi prochain ^^
Sevy_dyan