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Cette semaine, à l'approche de Noël, je vous gâte, voici un second chapitre.
Si vous ne connaissez pas excellentissime série de la BBC "Sherlock", voici un article pour commencer.
Chapitre 21
Il faut quelques minutes pour que Mrs Hudson redevienne totalement cohérente.
Elle enlace Sherlock, s'éloigne en le tenant à bout de bras, éclate en sanglots, l'enlace de nouveau. Elle le réprimande vertement avec un vocabulaire que je n'avais jamais entendu dans la bouche de cette femme toujours élégante et toujours polie ! Puis, elle fond en larmes, fait tout une histoire sur son apparence maigrichonne, le bleu sur sa mâchoire, son air fatigué et ses traits tirés. Moi je trouve qu'il a quand même meilleur mine... Et, elle remet le couvert et lui passe un savon, lui répète en non-stop qu'il aurait dû au moins me prévenir. Je crois que c'est le moment où je commence à être vraiment mal à l'aise.
Être surpris en plein préliminaire par ma logeuse et amie est déjà franchement désagréable. Mais, la voir ainsi rudoyer Sherlock par affection, et surtout le voir lui, totalement incapable de s’extirper de la situation, ça me dérange. Il se raidit et me jette un regard proprement désespéré...
— Mrs Hudson ?! Je l'interpelle. Sherlock n'avait pas d'autre choix que de mourir aux yeux de tous. Surtout des miens. Avec Moriarty, c'était devenu inextricable. S'il ne l'avait pas fait, nul doute que je serais six-pieds sous terre, expédié au cimetière d'une balle bien réelle logée ici. Je pose mon index sur le milieu de mon front. Ça a le mérite de ramener son attention ailleurs.
Cette fois, ses mains agrippées aux avant-bras de Sherlock se relâchent avec lenteur. Elle recule et le regarde. Elle le regarde vraiment. Puis, elle me regarde aussi longuement. Ma respiration reste coincée dans ma gorge.
— Ha ! Excusez-moi, je n'avais pas eu autant d'émotions depuis des lustres.
— Asseyez-vous donc un peu...
Je la guide vers le fauteuil. Le sofa... c'est juste pas possible. Sherlock reste planté au milieu, toujours sous le choc, il a l'air secoué. Je m'adresse à lui, espérant l'aider à retrouve sa contenance.
— S'il te plaît, tu veux bien aller chercher un verre à liqueur dans la cuisine et la bouteille de Sherry ?
Je m'agenouille auprès Mrs Hudson, sa carnation est habituelle, elle a même les joues un peu rosie par l’esclandre. Un mouvement. Sherlock reprend vie, et chose miraculeuse, accède à ma demande.
— Il va bien ? Il est revenu pour de bon ?
— Oui. Ne vous inquiétez pas. Le problème a été réglé.
— C'est cet inspecteur que vous fréquentez parfois, Lestrade, qui m'a laissé un message ambigu.
Je l'ai regardé médusée.
— Ce n'est pas la première fois. Il y a quelques temps, nous étions un peu en contact quand votre santé était...
J'acquiesce. Oui, c'est bien du style de Greg.
— Et comme je n'arrivais pas à vous joindre – oui, je sais c'est idiot – je me suis dis qu'il valait mieux que je revienne.
Je sens que ce cher inspecteur a trouvé un moyen de faire payer à Sherlock son retour, avec une bonne dose d'humour. Je ne lui en veux pas. Le timing était mauvais, mais ça aurait pu être pire. Je n'ose y songer. Très vite, en regardant par dessus son épaule, elle ajoute en chuchotant :
— Oh, je suis vraiment navré d'avoir interrompu... vos retrouvailles. Je vais vite vous laisser tous les deux hein !
Je fais un signe vague de dénégation. Je n'ai pas confiance dans ma voix.
source : ? si vous l'avez, je suis preneur ! |
Je me suis tellement battu pour expliquer aux gens que non, je n'étais pas gay. Que non, non, non, Sherlock et moi ne formions pas un couple. Que non, c'était juste de la collocation. Juste mon ami. J'ai l'impression honteuse d'être pris en flagrant délit de mensonge. Pourtant...
Sherlock, souple et silencieux, se glisse dans le canapé et pose trois verres et une bouteille sur la table basse. Il s'installe confortablement et me scrute de ses yeux gris-vert impénétrables. Son expression est neutre. Je secoue la tête. Quel poseur parfois.
Je sers une bonne rasade d'alcool à Mrs Hudson et lui donne son verre avant de nous servir aussi.
— Jeune homme, dit-elle d'un ton qui ne laisse rien présager de bon, je ne sais pas quelles sont les raisons qui t'ont poussées à agir, mais sache que tu as fait bien du mal aux personnes qui te sont chères.
Sherlock se redresse un peu et elle tend sa main fine à la peau un peu ridée, aux ongles parfaitement vernis. Le geste coupe court aux protestations. Je sais que Sherlock a toujours respecté cette femme et leur relation dépasse largement celle cordiale d'une logeuse et son locataire. On dirait plus une tante sans enfant et un neveu aimant.
— Tu es ainsi, impétueux, égoïste et pourtant, très généreux quand tu le veux bien. Tu m'as apporté une aide que personne d'autre que toi n'aurais pu m'offrir. Et tu as encore plein de gens à aider. Je suis vraiment très très heureuse que tu sois de retour parmi les vivants. Mais ne t'avise plus jamais à remonter une pareille mascarade ! Jamais. Par respect pour les personnes qui t'aiment et s'inquiètent pour toi.
Contre toute attente, sous le regard perçant de Mrs Hudson et son sermon plein d'affection, Sherlock baisse les yeux et hoche vigoureusement la tête. Elle boit une gorgée de Sherry et reprend :
— Et puis, prends un peu plus soin de toi. Tu es maigre à faire peur. Comment vas-tu faire pour courir après les meurtriers si tu ne tiens pas sur tes jambes. Et le cerveau a besoin de carburant pour fonctionner. Bon, maintenant que tu es là, et que le docteur va te requinquer, ça ira.
Cette fois, c'est mon tour d'être soumis aux yeux évaluateurs de Mrs Hudson. Elle termine son verre et se lève.
— Je suis navrée de vous avoir dérangé. Mais la prochaine fois, fermez donc la porte !
Je la raccompagne jusqu'à l'escalier avec la ferme intention d'accéder à sa demande.
— Docteur Watson, s'il vous fait tourner en bourrique et que vous avez besoin de prendre l'air, vous pouvez toujours passer me voir !
Elle m'offre un sourire espiègle avant de disparaître avec une vivacité impressionnante pour une femme de son âge souffrant de rhumatisme.
Dans le sofa, Sherlock s'est recroquevillé. Il a pris sa tête entre ses mains. Un léger courant d'air. La porte est fermée. Je m'occupe aussi de celle entre la cuisine et le couloir aussi. Je retourne m’asseoir à ses côtés. Ou plus exactement, je me laisse tomber sur les coussins avec la légèreté d'un sac de sable. Je soupire :
— Bon sang que c'était gênant...
Un regard. De la compréhension complice. Évidente. Immédiate.
Et nos rires combinés emplissent le salon, chassent les derniers relents du malaise engendré par l'arrivée impromptue de Mrs Hudson. On se marre comme des collégiens qui ont chuchoté une blague salace dans le dos de leur prof. On se marre sans retenue, à en avoir mal au ventre. Enfin, après de longues minutes libératrices, les hoquets se calment. Sherlock reprend une contenance digne plus rapidement que moi. Je glousse toujours sporadiquement quand mes yeux rencontrent les siens, brillants. Vivants.
— Gênant ?! Je ne te connaissais pas si habile dans le maniement de la litote, déclare Sherlock, la voix encore teintée de son rire de gorge. Ses doigts effleurent les miens, et puis, il me prend la main avec une fermeté assumée. Je crois que je ne me suis pas senti autant embarrassé depuis mon adolescence. Merci d'être resté aussi calme...
Son sourire radieux vole les mots de ma bouche. Je reste un instant à le contempler, avec un air probablement ahuri. Je déglutis :
— Le pire c'est l’aplomb avec lequel elle a assimilé la nouvelle. C'est vraiment une femme d'une force peu commune et j'ai toujours tendance à la sous-estimer. Je suis navré qu'elle t'ait enguirlandé de la sorte. Je resserre un peu la pression sur sa main avant de l'attirer dans mes bras. J'amorce juste le geste et il vient tout contre moi.
— Je le méritais plus ou moins. Je n'avais pas encore pensé à la façon dont j'allais la confronter.
Je suis surpris.
Il a tellement tergiversé avant de revenir. J'aurai cru qu'il avait échafaudé un plan détaillé, une feuille de route précise. Je réfléchis un instant. Son comportement avec Carmine. Il a profité de cette rencontre pour médiatiser son retour. Ce manque de prévision colle avec sa confusion, les craintes qu'il m'a révélées.
— En final, c'est plutôt une bonne chose. Et puis – je l'embrasse juste au coin des lèvres – ça aurait pu être largement pire. Beaucoup, beaucoup plus ennuyeux.
Il glisse ses mains sur ma taille et acquiesce.
— Je la remercierai demain pour son timing alors.
Mes protestations sont étouffées avec efficacité. Juste au moment où je songe qu'il serait judicieux de monter dans ma chambre, mon téléphone toujours en charge sur le bureau, se met à vibrer.
— Merde !
Sherlock est plus rapide. Le temps de lâcher mon insulte, il se lève et décroche.
Quelques secondes de silence suivi d'un « non, c'est Holmes ». Il me regarde avec une attention vive. Et le monstre dans mon ventre gémit sa frustration. Marre des interruptions. J'ai envie de balancer le smartphone contre le mur, ceinturer le foutu détective et l'amener de gré ou de force à l'étage. Pas très civilisé comme pulsion. Mais j'ai eu ma dose d'émotions pour la semaine ou même le mois.
— Merci... Je transmets à John l'utilité de ses corrections et ton approbation générale. Une pause avant d'ajouter sur un ton cinglant : Mrs Hudson a écourté ses vacances à la suite d'un malentendu. Elle qui se réjouissait tant de pouvoir quitter Londres pour quelques jours, c'est bien dommage. À l'avenir, j'espère qu'elle ne sera plus importunée...
Je lui arrache le téléphone des mains avant que cela ne dégénère. Une engueulade par jour. Pas plus.
— Greg, merci pour tout !
— John, navré d’appeler aussi tard, je viens juste d'achever la lecture. Le doc est parti en fumé. Je ne te retiens pas plus, j'entends ton revenant qui râle. Bonne soirée.
Je prends congé avec politesse alors que Sherlock part, boudeur, se rasseoir dans le canapé. Il saisit son verre de Sherry, oublié jusqu'alors sur la table basse. J'éteins mon mobile et l'encourage à faire de même. Il me toise avant de déclarer, avec suffisance, que c'est déjà fait depuis bien longtemps. J'encaisse. L'accro au web et aux réseaux qui me dispense une leçon de politesse. Il m'aura tout fait.
Enfin pas tout...
Justement...
merci beaucoup voilà un beau cadeau !!!!
RépondreSupprimerje m'imaginait a peu près la réaction de Mrs Hudson et le savon qu'elle lui a passé mes semble bien vue ( mais quand meme elle est costaud cote coeur hein !!) faut toujours se méfier des petites veilles a l'air fragile ( surtout Anglaises " voir Arsenics et veilles dentelles " ) sur ce passez de bonnes fetes domy