La semaine passée, je suis retournée voir les magnifiques jardins de Claude Monet avec mon amie artiste Fanny Ruelle. Avant, elle habitait Vernon, une petite ville du Vexin, situé à proximité de Giverny. J’ai eu le plaisir de visiter le lieu plusieurs fois en sa compagnie et c’est avec stupéfaction que je réalise ne jamais en avoir parlé ici.
Histoire succincte et conseils pratiques
La maison où s’installe Claude Monet en location quand il avait une quarantaine d’année, en 1883, était bien différente de la merveille actuelle, deuxième lieux touristique de Normandie par sa fréquentation, après le Mont Saint-Michel. Rachat d’un terrain, aménagement complet du jardin avec creusement et détournement d’un bras de l’Epte pour créer un étang… Claude Monet a transformé l’existant en un coin paradisiaque. Le Japon infuse le lieu, des estampes accrochées sur les murs jusqu’au pont en demi-lune et au choix de végétation avec bambou et ginkgo. Au fil des années, avec la renommée, le peintre a acquis l’aisance financière pour achever son projet ambitieux. Le jardin devient une source inépuisable d’inspiration et de sujets. Après le décès du peintre en 1926, le bien périclite, jusqu’à être quasiment abandonné en 47. En 66, après le décès du dernier héritier, il devient la propriété de l’Académie des beaux-arts. Une rénovation très couteuse est nécessaire pour remettre dans l’état jardin et maison. Il faudra attendre 1980 avec la création de la Fondation Claude Monet pour l’ouverture du lieu au public, restauré à peu près à l’identique, même si certaines variétés de plantes ont hélas disparues.
La particularité de ce jardin, pour le visiteur qui y vient la première fois, est l’impression immédiate de familiarité. Monet l’a si souvent représenté qu’il est impossible de ne pas s’y sentir en terrain connu. Quant aux reproductions de Monet qui ornent mugs, torchons et tous objets avec un vague potentiel commercial, il est impossible d’y échapper. Cette foison d’images ne rend d’ailleurs pas justice, à mon avis, à la magie des tableaux, pire, la surexploitation avec les années les ont dévoyé avec arrière goût cheap. Rien ne remplace une visite à Marmottant ou à l’Orangerie pour s’imprégner de l’ambiance des immenses toiles et leurs vibrantes couleurs, de leur flou magique, des traces de pinceau tantôt en épaisseur tantôt si sèches qu’on discerne le passage de chaque poil. En général, après chaque visite à Giverny, j’ai très envie de retourner dans les musées.
Le printemps et l’automne demeurent à mon avis les meilleures saisons pour se rendre au jardin. Les floraisons et les couleurs de l’été me paraissent plus ternes et moins variés, cependant, c’est le moment idéal pour profiter de la vue des fameux nénuphars. Si vous le pouvez, je vous conseille vivement de venir en dehors des week-ends et des vacances scolaires. N’hésitez pas à arriver dès l’ouverture et à prévoir d’y rester la journée pour profiter du village. En ce moment, l’absence des touristes venus de loin est compensée par de nombreux visiteurs locaux et européens. En plus, la réservation est obligatoire et le circuit est à sens unique et les chemins ont été fermés. Notez qu’il est actuellement interdit de dessiner dans les jardins afin d’éviter qu’on y stationne trop longtemps. Nous avons eu droit à une remarque à ce sujet par le personnel alors que nous finissions une aquarelle.
Autre détail pratique, la boutique regorge de ces produits de piètre qualités made in China que je mentionnais plus haut. Vous pouvez aussi trouver du matériel de dessin, probablement plus cher que dans des boutiques spécialisées. Si vous avez envie d’un souvenir de qualité, je vous conseille plutôt de vous rendre au musée des Impressionnistes, à quelques minutes à pied. Là, vous trouverez des beaux livres, de la papeterie de qualité, et des bricoles à des prix raisonnables d’un goût plus délicat. Si vous avez la flemme de le visiter, ne ratez par ses jardins (accès gratuit) et le joli bassin aux poissons rouges.
« Mon » Giverny...
Le jardin d’eau et son lac miroir, entouré d’immense arbres comme le saule pleureur ou l’érable du Japon, suscite toujours surprise et admiration. Je les retrouve, de vieux amis hors du temps, que seules les saisons embellissent. La magie s’opère, comme dans Rêve de Kurosawa, j’entre dans la peinture, je me promène dans un lieu si célèbre qu’il est comme teinté par la perception du peintre, pourtant j’oublie la surexploitation des icônes, je laisse derrière les images usées, et je regarde le présent.
Je ressens le tremblement les couleurs, leurs vibrations subtiles. Les formes fusent, les teintes se mêlent, coulent, se marient et se choquent. Les fleurs deviennent des points et des tâches, perdent leurs contours pour être une représentation sensible, le regard d’un autre altère le paysage. Si je ferme les yeux, les salles courbes du musée de l’Orangerie se surimposent, les œuvres de Marmottant se fondent et bientôt, une autre réalité m’emporte, douce et silencieuse, faite d’huile et d’eau, de pigments et de végétation. Je bascule dans un rêve éveillé, l’attirance pour la distorsion apportée par la représentation s’affirme, et je sens une envie de prendre mes crayons, de gribouiller maladroitement la scène. Si je suis incapable de tracer et donner forme à ma vision du monde, mes mains malhabiles se débrouillent dans un acte amateur réjouissant. Le résultat me convient car il englobe le plaisir de l’observation, la concentration de l’œil pour tenter de comprendre la structure et l’agencement du paysage.
Giverny, enfant, était un toponyme paradoxal, à la fois source de fantasme mais aussi de disputes parentales. Souvent ma mère en parlait à mon père, lui reprochant que nous ne l’avions vu. Giverny sonnait à mes oreilles comme une promesse de luxe et de joie, un peu amère aussi, inaccessible. Très jeune, comme beaucoup d’enfants qu’on initie à la peinture, je suis tombée amoureuse des tableaux de Monet. L’approche du flou correspondait aussi à ma vision du monde sans lunette, une réalité tangible et aussi solide que celle perçue au travers de mes verres épais. Le monde net était certes plus pratique, moins difficile à naviguer, moins piéger, mais il perdait en poésie, en merveilleux et surtout, en opportunité de cachette. Pré-ado, les parents d’une amie m’ont proposé de les accompagner pour la visite. J’ai un souvenir ému du pique nique sur les bords de Seine dans un lieu sauvage et désert, de la visite d’habitations troglodytes et bien sur, du Jardin de Monet. Rétrospectivement, je crois que la collection d’estampes japonaises a influencé ma sensibilité et l’a courbé, façonné afin d’accueillir des années plus tard la culture de ce pays qui n’était jusqu’alors la terre d’origine de dessins animés que je jugeais violents ou stupides.
En compagnie de Fanny, j’ai redécouvert Giverny avec un regard d’adulte. L’étonnement et la joie ressentie plus jeune sont toujours intacts à chaque visite, même si en vieillissant, la foule me dérange de plus en plus. Cela ne m’empêche pas d’y retourner dès que l’occasion se présente, sans jamais m’en lasser. J’espère que l’article vous aura donner l’envie d’une visite !
La page wikipedia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fondation_Claude_Monet
Le site de la Fondation Claude Monet :
https://fondation-monet.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci beaucoup d'avoir laisser un commentaire ici !
Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.
Marianne