Japonisme : さすらい - sasurai - errance



Cette semaine, le thème du projet photo Japonisme, est une promesse d'abandon de notre vie matérialiste et douillette :
さすらい, sasurai est un mot littéraire qui exprime les notions d'errance, vagabondage, nomade.


Laisser dernière soi ses attaches, et partir.
Sac à dos ou balluchon, seul allié pour parcourir le monde, découvrir des horizons.
Voir du pays.
Voir des pays.

Enfant, quand la situation à la maison était tendu, quand mes parents me grondait, j'allais dans ma chambre pour préparer un mon balluchon.
Adulte, je sais que je ne ferai jamais le tour du monde à pied, chargée simplement d'un sac de voyage ; j'aime trop mon confort et ma santé ne me le permet pas.
Mais je suis du genre à voyager léger.



Surtout, on peut vagabonder sur terre, dans notre réalité, ou vagabonder ailleurs, la tête dans les étoiles. Sans cesse, découvrir, de nouveaux mots, de nouvelles images, de nouvelles couleurs, de nouvelles saveurs. Des musiques inconnues pour des paysages impossibles.
Nomade des romans et des arts.
 Une âme nomade ne se dompte jamais, elle s'apprivoise parfois.
 Un oiseau posée sur une branche, prêt à s'envoler au moins souffle du vent.
 Au moins geste brusque.



Si j'ai un foyer, des attaches solides en amitiés, en idéaux et convictions, dans ma tête, tout n'est que liberté. Une imagination sans limite, sans tabou, exploratrice de tout les territoires, étranges, dangereux. Rien n'arrête les ailes d'un nomade des autres mondes.

Il suffit juste d'un sac à dos, d'un balluchon, d'une coquille.
Un réceptacle pour le stricte minimum vital...
La liberté.


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J comme juste milieu



Milieu, d'après le Petit Larousse illustré 2006 n.m. (de mi- et lieu) : Lieu également éloigné de tous les points du pourtour ou des extrémités de quelque chose.
Juste milieu : position modérée entre deux partis extrêmes.


Voici un mot du projet photo abécédaire qui m'a donné du fil à retordre. Compromis, modération, équilibre, tempérance, autant de mots qui surgissent avec le concept de juste milieu. Et après de longues hésitations, j'ai opté pour une approche simple et, je l'avoue facile : la macro de plante !!!





Le projet Abécédaire c'est aussi chez Viny ! Et merci à Anne, notre "trouveuse" de mots.
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Japonisme : 木の陰 - ki no kage - ombre des arbres



Ma vie en ce moment s'enracine profondément, se nourrit de la terre et de l'eau pure enfouie sous les horizons stériles de pierres, de sédiments. J'apprends à tenir debout.

Comme un arbre.

Ma présence dans l'étang se fait discrète, occupée que je suis à me renforcer. Le projet Japonisme est là, un écho étrangement sibyllin, une voix donnée par une autre, qui résonne à l'intérieur
Alors, avec une semaine de retard, je vous présente des photos sur le thème de 木の陰 ki no kage, l'ombre des arbres.





Mon cœur à besoin de forêt.
De son ambiance douce, de son équilibre. La forêt nous garantit une fraîcheur estivale sous les frondaisons et une douceur hivernale ; comme la mer, les forêts régulent, ondulent. L'ombre des arbres étend ses ténèbres. L'ombre des arbres assourdit le sous-bois, elle donne à l'intime une nouvelle dimension.

En hiver, l'ombre nue des branches dessine des tableaux abstraits, des calligraphies élégantes et noueuses. L'ombre des arbres hache l'horizon, décore le ciel. Au printemps, elle fleurit, s'épanouit, et descend le long des troncs, à mesure que les bourgeons se transforment. Bientôt, elle courre au sol.

L'été, l'ombre des arbres devient une amie, elle filtre le soleil trop agressif. Au moindre souffle, elle chante, virevolte et change l'humus en une scène de spectacle pour un son et lumière sans cesse renouvelé. Puis, l'automne et ses champignons enflamment le paysage. L'ombre se durcit à mesure que les jours déclinent, que les feuilles rougissent et chutent.



L'ombre des arbres tourne, joue, au rythme des saisons. La ronde d'un artiste un peu ivre, un peu incertain. L'ombre suit la course de notre étoile, s'allonge et s'amenuise, se courbe, s'épuise et enfin, fusionne avec la nuit.



L'ombre des arbres est aussi une amie. Elle protège et dissimule fleurs de sous-bois, amoureux éconduits, poètes égarés, enfants perdus... et les kami, tapis dans la mousse, les vieilles souches..
Renard à la silhouette gracieuse, hiboux rondouillard, chouette hululant. L'ombre des arbres est l'abri, le refuge.



Le dernier sanctuaire.


Japonisme est un projet commun avec Anne, la chercheuse de mot, et Viny, magicienne des pinceaux, stylos, crayons...
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I comme impasse


 Impasse, d'après Le petit Larousse illustré 2006 n.f. (de in- privatif et passer). 1. Rue, ruelle sans issue. 2. Fig. Situation ne présentant pas d'issue favorable.







Une impasse impassible adossé à un square,
un peu miteux.
Une fin de matinée sous un ciel chagrin.
Un habitant rôde avec la majesté des dupes
croyant posséder rues et ville
Port altier, marche avec entrain.
Illusion de grandeur dissoute
dans la loupe d'une goutte.
Flagrance désagréable d'une glycine
avec comme engrais, gasoil et eau croupie.




Un espace vacant.
Seul issue : changer de point de vue.
Devenir un témoin mouvant
profiter des reflets, de l'incongru
Supporter l'absence d'ouverture,
juste quelques instants.
Enfin, porter le regard vers les nuages crénelé.
Simplifier sa vie, rebrousser chemin,
et emporter les souvenirs d'une perte de temps,
salutaire.





Et au sol, avant de partir,
trouver une étoile, décrochée, abandonnée
un peu tachée, mais toujours étincelante.




Bye bye !



Le projet photo Abécédaire est en collaboration avec Anne et Viny. Toutes mes photos sont à retrouver sur mon album Picasa
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Ma vie d'adulte : grandir sans renier l'enfant que nous sommes...


Ma vie d'adulte est une BD intimiste, presque en forme de journal, qui narre le quotidien de Lisa. On l'accompagne un bout sur la route semée d'embûches de sa vie, sa quête du bonheur, absolument pas épique, absolument pas dramatique, et pourtant tellement essentielle et vraie.


Marre de vivre comme une gamine !


Lisa arrive à l'age où la société, les conventions, attendent d'une femme qu'elle soit « adulte », indépendante, responsable. Qu'elle rentre dans le moule avec un travail, un compagnon, éventuellement un ou deux mouflets. Une image stéréotypée et lisse du bonheur qui ne convient pas à Lisa. Alors, elle cherche un itinéraire bis, une voix alternative...

Marre des boulots alimentaires ! Marre d'un quotidien qui ressemble à celui d'un étudiant ! Marre du carpe-diem ! Lisa veut quelque chose de plus fort, quelque chose qui la fasse vibrer. Alors, elle décide de sortir de ses habitudes, de réfléchir à ce qu'elle a envie d'exercer comme métier. Elle se donne le temps de se pauser pour rebondir non pas mécaniquement vers la première opportunité de boulot, mais vers un poste qui correspondra à ses attentes.

Sur cette route, Lisa n'est pas seule.
Il y a Paul à ses cotés. Une relation amoureuse encore en rodage qui pourtant s'ancre dans des sentiments forts, un désir d'échange, de compréhension. Paul est un homme stable, rassurant. Ni paternel, ni envahissant, il apporte à Lisa le soutien matériel pour calmer ses angoisses mais reste en retrait afin qu'elle fasse ses choix, prenne ses décisions en conscience. Une jolie histoire d'amour sans passion dévorante mais avec une profondeur touchante.



L'accord parfait



Ce qu'il y a de super, avec une amie coloriste, c'est qu'on se retrouve avec des BD entre les pattes qu'on n'aurait pas découvert seule. Le graphisme de « Ma vie d'aldulte » ne correspond pas à mes goûts graphiques. Et les histoires de trentenaires mal dans leur peau avec de grandes interrogations existentielles, ben, très peu pour moi. 1) j'ai assez des miennes. 2) je me retrouve plus dans la sensibilité japonaise des josei tels que Body and Soul.
Donc, rien ne me prédisposait à lire ce bouquin, sauf que Viny avait fait les couleurs. J'ai donc suivi pendant quelques mois l'avancée d'une collaboration parfaitement rodée.
Et je remercie encore Viny pour cette découverte  ! Sans elle, je serai passée à coté d'une histoire intimiste, intelligente, certes pas d'une originalité transcendantale, mais avec une âme positive et très humaniste. Une BD que l'on pause, que l'on relit, que l'on prête aux cop(a)in(e)s et surtout, qu'on fait lire à son compagnon !


Le dessin de Michel-Yves Schmitt, un trait simple et direct, assez graphique, sert à la perfection l'histoire écrite par Isabelle Bauthian. Le travail de gammes de couleur de Virginie Blancher renforce les ambiances, donne cette touche tantôt nostalgique, tantôt drôle ou angoissante.

Lisa a le verbe haut et acide, toujours à propos. Les dialogues, de grande qualité, coulent naturellement. Bauthian trouve l'équilibre entre les silences et les phylactères bien remplis. Le découpage général très classique sert une narration totalement lisible. Les flash-back sont inclus sans fioriture.

C'est avec grand plaisir qu'on suit les pérégrinations de Lisa. Le scénario fluide s'articule autour de personnages croqués avec un réalisme surprenant : des copines qu'on oublie dès qu'on ne les côtoient plus, aux parents et leurs attentes  étouffantes, les collègues pas bêtes mais résolument décidés à ne pas vous comprendre, les autres comme nous que l'on croise et qui reconnaissent aussi ce je-ne-sais-quoi différent. Des personnages qui irrésistiblement nous rappellent des êtres de chair et de sang, que l'on connait.
Le talent de Beauthian réside dans la justesse des petites choses, attendrissantes, proches de nous. Si Lisa elle est un poil marginale, ce n'est ni une rebelle, ni une écorchée vive. Elle reste une jeune femme assez commune, facile à s'identifier. Elle a juste envie d'être heureuse...


Un album d'apparence donc sombre, en final, presque passe-partout. Au milieu de bouquins et de blogs BD qui présentent les femmes de 30 ans comme des accro au shopping et au maquillage, avec une sensibilité de machine à laver, et où l’on mesure la superficialité au nombre de couches de vernis à ongle, Ma vie d’adulte prouve qu’on peut parler de quotidien sans raser, aborder la grande question du sens de la vie sans arrogance.

Sous ses atours banals, Ma vie d’adulte dissimule toute la complexité d'une vie, juste un peu en dehors des clous. Une vie qui déborde du moule, et touche les autres, par sa richesse, son énergie.
Une vie heureuse.
Cette BD m'a touchée par surprise, séduite par inadvertance comme un écho à ma propre existence. Et il me semble que vous serez nombreux et nombreuses – surtout si vous aimez bien tremper vos orteils dans mon étang – à apprécier ce livre.

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Japonisme : pika pika - ピカ ピカ - pika pika


Voici le retour du soleil et son cortège de jeu de lumières dans les arbres, de reflets sur les fenêtres, de joie dans les cœurs. Le projet japonisme pour cette semaine est éblouissant ! 

Pika pika ピカ ピカ  est une onomatopée souvent employée dans les manga et même devenu très célèbre grâce à une bestiole jaune électrisante. Un mot qui claque, sec et rapide, pour désigner l'impression de brillance d'un objet flambant neuf ou étincelant de propreté.
Pika pika brille, clignote, éblouit !

Dans le même registre, et également très usité, on trouve le Kira kira, plus doux, plus diffus, le chant des étoiles accrochées dans le ciel lointain. Les onomatopées japonaises ne cessent de m'émerveiller.
D'ailleurs, je trouve que mes photos sont plus kira kira que pika pika... Ne maîtrisant pas totalement la subtilité, je vous laisse partager vos impressions en commentaires :)

Tout d'abord, en me promenant dans le cimetière d'un petit village normand, j'ai trouvé sur les vieilles tombes des trésors par poignée, laissés là. Un cadeau joyeux pour le regard du solitaire qui vient se recueillir sur de vieilles pierres fendues. Une dernière demeure qui, au soleil, se pare de joyaux dignes de princes et princesses.





Au bord de la rivière qui se faufile dernière la caserne des pompiers, l'eau et le métal donnent un concert discret. Pas évident de rivaliser avec les oiseaux très en forme ou la musique jazzy qui s'échappe par vague de la maison à colombage et aux volets bleu turquoise...



C'est après une averse que l'eau se révèle, magique, enjouée. Pour qui sait observer, à quatre pattes, en forêt, les genoux crottés. Le vent entre dans la danse et, sur les feuilles encore mouillées, les ombres s'entre-mêlent aux boké.




Il est temps de rentrer. Une goutte solitaire sur un pétale de pissenlits rappelle que le soleil n'a pas le monopôle du jaune. Ici, tout brille, tout étincelle. Des pistils jusqu'au tige, les plantes sont nettoyées, revigorées. Elles mènent leurs rites saisonniers d'amour, pour qui sait s’arrêter un peu. Juste, il suffit d'observer.



Et ceci, devinerez-vous de quoi il s'agit ?


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Kemonozume : un anime saignant et cru à dévorer à pleines dents !


Le Japon actuel. Des monstres se dissimulent parmi nous. Des créatures qui nous ressemblent, vivent au cœur de notre société. Quand la faim les tenaille, leur appétit instinctif pour la chair humaine les transforme en bêtes sauvages. Une organisation secrète, le Kifûken, existe pour lutter contre ses êtres et pratique un art martial dédié. Leur crédo : seller le démon qui est en nous, et accessoirement, tuer du monstre.

Faim d'amour et de chair

Le beau et la bête
Alors qu'une vague d'apparition de shokujin (ogre mangeur d'hommes) sans précédent ravage le pays, le Kifûken vacille. Momota, son leader vieillissant doit passer le flambeau à l'un de ses deux fils.

Le plus jeune, Kazuma, soucieux de s'adapter au monde contemporain, se tourne vers la science pour combattre la menace. Il veut réformer l'organisation, la moderniser. L'aîné, Toshihiko, obsédé par la tradition et l'idéal de devenir plus fort, semble tout désigné pour la succession. Il ignore les regards amoureux de Rie, la seule femme de l'organisation qui, contre ses aspirations profondes, est préposée aux tâches ménagères.

Toshihiko semble le parangon de la force morale, d'une droiture à toute épreuve ; mais quand il croire la ravissante Yuka – qui croque de l'humain à ses heures perdues – le coup de foudre est réciproque. Leur histoire d'amour passionnée les consument alors que les shokujin continuent de se multiplier et de menacer les vies humaines. C'est alors que le leader du Kifûken est retrouvé mort, assassiné...



Le scénario, résumé ainsi, paraît très sérieux et tragique. Assez commun aussi. C'est sans compter tout les éléments délirants, baroques et souvent glauques qui se greffent joyeusement pour constituer une œuvre très particulière, où la monstruosité devient la normalité. Le titre Kemonozume signifie les griffes de la bête. En effet, si on ampute les shokujin de leur bras, les privant ainsi de leurs griffes, ils cessent d'être gouvernés par des pulsions cannibales.

Des pêches et des crocs

Si l'histoire de Kemonozume reste axée sur l'amour impossible entre un humain et une ravissante ogresse, la série présente une galerie de personnages secondaires bien travaillés. Ils oscillent souvent entre folie et fanatisme, avec des motivations multiples et imbriquées. Les relations familiales sont pourries pas les ambitions inavouées, les amours contrariés, les drames passées.
Entre les hommes du Kifûken, c'est un fraternité qui se fissure, se dénature et dévoile la noiceur des sentiments humains étouffés : jalousie, envie, tromperie...

La composition de la série est tout simplement parfaite. Elle met en place rapidement les éléments nécessaires à la compréhension. La trame devient de plus en plus complexe avec des flash-back intégrés avec intelligence et des petits digressions qui servent toujours la narration. L'univers s'étoffe ainsi et les personnages gagnent en épaisseur. On devine rapidement qu'une manipulation politique de grande ampleur assombrit l'avenir du Kifûken déjà incertain.

Autre surprise de la série, elle reprend à sa sauce épicée la fable populaire de Momotarô. Ce conte cristallise la notion de courage et bravoure. L'incorporation d'élément comme la pêche et le singe donne un aspect humoristique inattendu. Le héros souffre aussi de problème d'incontinence à des moments particulièrement cruciaux, rendant Kemonozume encore plus déjanté et bizarre.



Une expérience visuelle de junkie

La série démarre sans finesse, avec un parti pris graphique fort, de la violence qui flirte avec le gore et une très forte dimension sexuelle. Bref, un anime franchement pour adultes mais d'un abord très étrange et volontairement bordélique.
 Avec le génial Yuasa Masaaki à la réalisation, cette série de 13 épisodes ne pouvait qu'être un OVNI. Quand au dessin, avec Ito Nobutake au chara-design, il plaira plus aux amateurs de comics underground et de Bill Plympton qu'aux fans habituels de la japanim bien lisse.


Kemonozume demande de ranger au placard ses préjugés et ses attentes pour apprécier d'un œil neuf et curieux une animation absolument terrible, vive et fluide, sans concession d'ordre esthétique. La bande originale épouse aussi cette univers sous acide avec une musique swing jazz teintée d'accords punk. Elle rehausse et accompagne avec justesse les délires visuels et scénaristes.

Kemonozume sort des sentiers battus. Son graphisme étonnant rebute les timides et bouscule les conventions ; son scénario faussement linéaire remue la lie des sentiments humains, interroge sur la force qui nous anime.



Une série qui dépeint des personnages dévorés de l'intérieur, affamés de pouvoir, d'amour, de reconnaissance. En final, monstres cannibales et humains partagent plus que leur apparence...
Pour ceux que le générique de début intrigue, le titre Auvers est très probablement une référence à Van Gogh, ce qui, vu la patte graphique très impressionniste, me paraît probable.

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Pour les curieux :
Très bon article sur les travaux de Yuasa Masaki chez Jevanni





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