9 avril 2013

Le mont Saint-Michel, libre ou reclu ?


J'aime la mer. Mieux, l'océan. J'aime les plages grises infinies quand la marée se retire, imbibant les sables de couleurs sombres. L'odeur de l'iode, les cadavres de coquillages abandonnés, les traces de pas d'homme ou d'oiseau. J'aime la mortalité des empreintes que le vent ou l'eau gomme, érode avant qu'elles n'aient une chance d'influence la terre. 





 
La baie du mont Saint-Michel est un de ces lieux à la géographie cocasse, étrange. Les éléments jouent ici à modeler des paysages selon des règles complexes et changeantes, pour le seul amusement des mouettes.
J'aime le sel qui rouille et pique le métal. Ces petits cristaux fragiles qui, avec patience et minutie, arrivent à bout des pires serrures, des portes et des fenêtres barrées, des anneaux et des chaînes.
Face à l'éternité, la force de l'océan gagne toujours.
Pourtant l'homme est têtu. Pour contrecarrer les plans naturels et l'ensablement de la baie, inéluctable sous les sédiments charriés par le Couesnon, l'homme a conçu une digue, un barrage. Un mécanisme ingénieux et complexe qui devrait peu à peu rendre au mont Saint-Michel son insularité.
Le sable n'est pas le pire ennemi du mont. 






C'était un lieu de recueillement.
Un lieu de méditation.

Aujourd'hui devenu l'une des perles du tourisme, des milliers de personnes se pressent dans les rues trop étroites jamais conçues pour un tel flot humain. Il est aisé d'oublier la fonction premier du mont Saint-Michel mais aussi la raison de l'érection de l'abbaye.

Le pire ennemi est celui qui l'a construit et qui, étrangement le fait vivre.

Je n'ai vu que le mont sous les auspices favorable de l'inter-saison, de jour de semaine. Quand la méteo est jugée peu clémente et que le calendrier interdit les vacances aux familles ; quand pèlerins, voyageurs et curieux motivés sont plus nombreux que les cars qui déversent leurs flots de moutons.
J'ai le mont avec une mer calme.
Une mer et un ciel en grande discussion de gris et d'eau.




 
Le contraste entre ces étendues, leur espace de promesses et de liberté, et les pièces sombres et solitaires de l'abbaye, ébranle nos perceptions. Deux modes de méditation, l'un extérieur, les yeux ouverts, le visage malmené par les embruns, l'autre intérieur, centré dans le froid immobile, ou juste à la lueur d'une flamme. Le soleil malade derrière des vitraux.

Qui peut choisir entre la liberté souvent illusoire d'un ciel aujourd'hui quadrillé d'autoroutes ou la réclusion dans un lieu unique et apparemment étriqué ?
Je crois que la vraie liberté est celle que l'on garde précieusement recluse, à l'intérieur de son âme.
Une liberté enfermée en soi.
Et quand on comprend que les frontières entre Soi et le monde, entre Soi et l'univers - autant viser grand - ne sont pas si imperméables et impénétrables qu'on voudrait nous le faire croire, l'intérieur et l'extérieur se confondent, s'épousent.

Cette liberté là, une fois découverte, nous appartient.







Merci aux bâtisseurs du mont Saint-Michel pour cette inspiration.

Je ne peux, lecteur, que t'encourager à découvrir ses merveilles en vrai, avec de bons souliers, un cache-nez et surtout, surtout, hors saison !

3 commentaires:

  1. Passionnant tant en texte qu'en image ! Et un temps qui finalement se prête volontiers au regard intérieur et intimiste à la racine d'un lieu qui a tant suscité l'intérêt au fil des âges.
    Qui s'élève au ciel, menacé par la mer, c'est presque une métaphore de l'esprit humain, fragile mais debout.

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  2. Superbe !! (et pas que les photos :) )

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  3. Les photos sont superbes !
    Je suis allée visiter le Mont Saint Michel en traversant la baie, les pieds dans l'eau. http://claires-blog.com/tag/mont-saint-michel/
    Du coup ça me donne envie d'y retourner !

    A bientôt sur la toile!
    www.facebook.com/clairesblog

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Marianne