23 juin 2017

Aller où ça fait mal [Journal #7]




En thérapie, la psy m'a dit un jour : vous êtes plutôt indolente.
Sur le coup, je me suis sentie insultée. Et après, j'ai réfléchi. C'est le propre d'une bonne psy de balancer ce genre d'affirmation, surtout en fin de séance, pour que ça bouge, que ça remue à l'intérieur. Rétrospectivement, je suis assez d'accord avec son qualificatif.

Je suis du genre à faire dans le facile. À plier plutôt que d'aller au conflit... jusqu'à un certain point. Gamine, j'ai grandi dans un cadre privilégié. Maison dans un lotissement de classe moyenne supérieure. Une maison spacieuse. J'ai suivi les désidératas de mes parents, jusqu'à un certain point.
Fait des concessions, renoncé à des études d'art pour m'orienter vers les sciences sociales, refusé la prépa et négocié une université à Paris, avec une dose de prestige.
Dans ma vie pro, quand j'ai commencé à m'affirmer, rapidement, c'est parti en vrille. Méchamment. Peut-être parce que je n'avais pas fait mes armes avant, ou que ma nonchalance me conduisait à accepter, à plier... jusqu'à un certain point.


Au delà, c'était l'explosion nucléaire.




Avec l'âge, j'ai appris à faire moins de concessions et aussi, moins d'explosions.

Jusqu'à mes trente ans, j'ai la ferme conviction d'avoir toujours choisi le chemin le plus facile. Pas forcément exempt de difficultés, vu de l'extérieur, il en restait néanmoins le chemin qui évitait soigneusement que je me conforte à certains aspects nauséabonds de mon caractère, de mes désirs, certains acquis de mon éducation ingurgités et digérés puis stockés, comme on met de côté le trop, et surtout, comme on met de côté les trucs impossibles à assimiler.

Toxiques. 




Après mes trente ans, le corps a lâché. 
Les premiers messages remontaient à mon adolescence. Il en a eu marre de ma sourde oreille. Lui aussi a fonctionné par explosion nucléaire, ou plus exactement, un arrêt complet de la centrale après fusion du réacteur. Une leçon d'humilité qu'on n'oublie pas de sitôt.
Puis, j'ai appris que parfois, aller où ça fait mal, paradoxalement, permet d'aller mieux.
Rien de conscient, sauf en thérapie.
Là, c'est dans le contrat. L’introspection n'est pas un acte indolore. Jamais. Sinon, c'est de la complaisance, de la plainte mais pas une remise en cause.

Aller là où ça fait mal, pour ensuite aller mieux. 
Pas par masochisme, pas par plaisir, mais par certitude qu'après, je me sens libérée, légère, et surtout, que les mots et l'écriture coulent.

Aller là où ça fait mal, parce que, paradoxalement, depuis que je choisis ce chemin sans tergiverser, je découvre qu'après le mur de ronces et d'orties, la voie s'ouvre sous une canopée heureuse. 


Les photos ont été prises au cimetière de Montmartre


3 commentaires:

  1. Heureuse que ton chemin s'éclaircisse !!!
    Et oui, aller remuer la vase pour la retirer permet à l'eau d'être plus claire après, même si pendant le travail c'est dur, c'est déstabilisant, troublant...
    On découvre au gré des couches explorées des choses oubliées ou totalement ignorées.
    C'est un travail qui s'il est fait vraiment honnêtement est tellement enrichissant de par le ou les regards extérieurs, le ou les points de vue autres.
    Heureuse donc que tu t'allèges ! :-)
    Et bravo pour tes écrits toujours touchants, poignants...

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  2. La grenouille sur le divan explore ses entrailles et son étang
    Elle traverse de froids hivers vers de nouveaux printemps
    D'abordages en plongeons, l'étang parfois trop grand est océan
    Mais nageante, noyante, ramante, surfante, parlante, écrivante,
    ricochante, rageante de ronds dans l'eau, elle sait qu'elle est vivante !

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  3. C'est une colle !
    D'un côté on a envie de faire porter ton regard sur tes nombreux atouts, de l'autre on ne veut pas influencer ce travail d'introspection.
    S'il faut un mal pour en sortir du bien c'est que le bien que l'on a connu n'a pas fonctionné, s'il n'a pas fonctionné c'est qu'il n'était pas réellement le bien.
    Chercher la complication dans l'absolu c'est un peu chercher une impossible perfection, faire simple est parfois beaucoup plus intelligent et courageux.
    On a tous notre part d'ombre et notre travail introspectif qui veille, d'ailleurs il n'y a pas vraiment de part d'ombre ou de part lumineuse, ce sont des antagonismes qui dans une vision binaire peuvent créer une codépendance, et comme il est difficile voir impossible de s'affranchir de ces lois là, il y aura toujours un avantage et un inconvénient à toute chose, c'est à partir de là que les différences s'affichent et que l'intolérance comme la tolérance peuvent exister.
    Toujours est-il qu'il n'est pas facile d'harmoniser son propre climax avec un climax global déjà bien agité.
    Est-ce seulement sain ? Jusqu'où se salir les mains ?
    Si c'est seulement de la boue je veux bien un nénuphar.

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Marianne