Le texte Éloge de l'ombre vient de connaître une nouvelle traduction par Ryoko Sekiguchi et Patrick Honnoré aux éditions Philippe Picquier. Elle redonne un éclairage à la fois plus direct et plus subtil à ce célèbre traité sur l'esthétique japonaise rebaptisé Louange de l'ombre. Une bonne raison de (re)découvrir ce chef d’œuvre !
Ce classique incontournable de la littérature nippone
Difficile de parler de ce texte tant vous trouverez sur la toile des articles passionnants à son sujet (cf liens en bas de page). Par petite touche, sur des fragments du quotidien, l'auteur s'interroge sur les différences entre Asie et Occident, et constate avec réticences et regrets les bouleversements que la modernité amène. De l'architecture en passant par la cuisine, les vêtements, les femmes, Tanizaki parle avec poésie des petites choses de la vie, soudain menacées de disparition par l'entrée en fanfare de la lumière électrique, du « progrès » venu tout droit de l'étranger.
J'ai découvert ce livre avec la version de René René Sieffert quand mes connaissances du Japon n'étaient que balbutiantes. Je l'avais considéré alors comme un sésame magique. J'ai senti mes sens s'ouvrir, lâcher un peu de leur préjugés d'occidentale, pour appréhender avec plus de tolérance cette culture. Rétrospectivement, je réalise ma naïveté et aussi l'étroitesse de mon champs de lecture.
Je n'ai pas tenu compte de son contexte : écrit en 1933 alors que Tanizaki était un romancier vieillissant très célèbre, il est paru sous forme d'article dans une revue. Il s'agit d'une commande faite à un homme connu pour son goût et ses connaissance sur l'occident.
L'éloge de l'ombre est certes un essai, un traité sur l'esthétique, mais c'est aussi une double ouverture, sur une époque de grande transition pour le Japon et le monde (1933) et sur une réflexion quasi-prophétique à propos des résistances au changement, le repli vers l'ombre, refuge confortable quand une lumière trop crue change nos perceptions sur ce le monde qui nous entoure et que l'on constate les évolutions, parfois fulgurantes.
Un horizon plus vaste
Cette nouvelle lecture avec la retraduction, m'a éblouie. Le livre est plus vaste, plus drôle aussi où le second degrés, et même une certaine mauvaise foi de l'auteur nourrit ma réflexion sur les différences mais aussi les similitudes entre l'Occident et l’Extrême Orient. Ce texte écrit dans une langue plus légère, plus directe que celle de 1977, conserve toute sa saveur et gagne à mon avis en subtilité.
Si vous êtes peu enclin à lire des essais, je vous conseille vivement de tenter de le découvrir malgré vos réticences. En effet, très accessible, humoristique parfois, il permet de mieux appréhender la culture insulaire Japonaise et son évolution rapide due à l'ouverture forcée de la fin du 19e. Aujourd'hui, Louage de l'ombre demeure très contemporain et même, étrangement prophétique par certains aspects. La thèse de l'ombre comme refuge dépasse les limites de l'archipel nippon.
Je n'ai lu aucun des romans ou nouvelles de Tanizaki. Il faudrait d'ailleurs que j'y remédie. Cela me donnerai probablement encore un autre regard sur ce texte.
Article d'une libraire engagée :
Entretien avec Ryoko Sekiguchi et Patrick Honnoré par Alice Monard
Audio d'un échange avec Ryoko Sekuchi autour de la traduction du livre
J'ai en effet lu ton article et cela m'a fait de l'oeil !
RépondreSupprimerDonc je note dans un coin de ma tête, mais j'ai tellement une pile de livres à lire! !!
J'avoue que cela m'intrigue biensûr...