2 juin 2017

Tout au milieu du monde : roman graphique à la racine des maux





Un village sur la falaise, dans un temps éloigné. Un chaman s'inquiète de la relique, une dent de géant, qui pourrit inlassablement. La prospérité et la sécurité de la communauté se trouve menacée. Une seule solution : remplacer la dent par une nouvelle, saine, en provenance du lointain cimetière. Le chaman, son apprenti et une guerrière partent en quête de salut.

 

Trois couleurs pour trois auteurs



Voici un court roman graphique, ovni tant pour sa forme que le fond, édité aux Moutons Électriques qui ne lésinent jamais sur la qualité de leurs ouvrages. Écrit à quatre mains par Mathieu Rivero et Julien Bétan, il s'ouvre comme un texte fantastique proto-historique, illustré avec audace. Peu à peu, nous basculons dans un ouvrage très expérimental avec un travail graphique époustouflant et culotté. Les dessins ne se limitent plus à accompagner le texte mais le complètent et finissent par le supplanter.
Blanc, rouge et noir, trois couleurs maniées avec talent par Melchior Ascaride, très inspiré par les arts pariétal et primitifs. Le texte est sec, direct, et pourtant littéraire avec un vocabulaire précis et économe. Comme l'image, il s’apparente plus à une ossature aux ruptures cassantes, avec un minium de chair et beaucoup de tripes palpitantes, cachées en son sein.



Préhistoire, fantastique et mystique


L'histoire procède sur le même étrange chemin que la forme de l'ouvrage. La quête initiatique pour une nouvelle dent se transforme en une lutte plus vaste, où rêve et réalité s'entre-mêlent et brouillent les frontières jusqu'à conduire le lecteur surpris aux confins d'un monde, à moins que cela ne soit son centre.
Si les personnages, à peine esquissés, évoluent dans un cadre à la simplicité trompeuse, les auteurs se servent de ces archétypes pour nous faire glisser dans un imaginaire débridé, une transe chamanique changeante, où la subjectivité de la perception éclate les faits. Pour comprendre, il faut lire et regarder, l'esprit ouvert, se laisser conduire sur une voie chaotique, puis faire l'effort de synthétiser les visions, reconstruire le puzzle à partir des fragments. Ce sont les images qui détiennent la résolution finale, quand les mots se sont effacés. Comme l'oralité nos ancêtres, perdue à jamais. Les seules traces qui demeurent sont celles, fragiles, tracées sur les parois des grottes.

Tout au milieu du monde nous emmène en voyage à travers le temps et l'espace, un retour vers un âge de croyance, de rites et de magie. Nous partons de la mer vers l'intérieur des terres et de soi-même, à la rencontre avec le mystique. Pourtant d'autres thèmes plus s'enracinent aussi dans le livre : la relation du maitre au disciple, la transformation du monde, le nomadisme opposé à la sédentarisation, et toujours, la juxtaposition de jeunesse et de la vieillesse , la fertilité de la vie et la décrépitude vers la mort, la lumière et les ténèbres...

Un ovni, de sang, de cendre et de poésie.




Un autre article sur le point :
Le site de l'éditeur (avec un diaporama du livre) :
Le site de Melchior Ascaride :


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci beaucoup d'avoir laisser un commentaire ici !

Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne