4 octobre 2018

Appelez-moi Nathan, une BD d'utilité publique




Lila a douze ans. Garçon manqué depuis toujours, ça se corse quand la puberté se pointe. Parce qu'à l'intérieur de Lila, à l'intérieur de ce corps de jeune fille, vit Nathan. Les seins qui poussent, les règles « ça va pas être possible »...

Une fille dehors, un garçon dedans


Ce récit intimiste nous invite à partager un moment de vie fort d'un ado souffrant de dysphorie du genre. Le trait faussement hésitant, doux et pudique de Quentin Zuitton accompagne le scénario de Catherine Castro, journaliste reporter, d'une incroyable justesse. Ado en souffrance, incapable d'exprimer un mal être qui dépasse celui habituel de cette période de transformation, Lila / Nathan est en proie aux railleries, aux incompréhensions, aux craintes de ses parent qui s’inquiètent d'avoir une fille lesbienne. Lila aime les filles, mais comme un garçon. Le chemin de Lila vers Nathan s'effectue par saut, par franchissement de seuil, comme un iceberg qui craque et lentement, de fissure en faille, se détache de la banquise, avant de voguer peinard.

Nathan et les autres : un récit intimiste et pourtant universel


On suit son quotidien de Nathan, avec des flash back sur l'enfance, mais surtout on voit les impacts de ses souffrances sur autrui. La grande force et l'intelligence de ce livre est de ne pas se limiter au point de vu de Nathan. On comprend ainsi la confusion des parents, désemparés face à l'attitude et aux comportements de leur fille. Ils l'aiment, voudraient alléger sa peine, mais il / elle ne dit rien, murée dans sa douleur. La crainte des réactions, la pression sociale, le monde vaste et effrayant. En prenant ce parti de s'extraire du point de vue de Nathan, les auteurs abordent la question de la trans-identité d'un cas singulier dans toute sa complexité et touchent à l'universalité de l'humain.

Les parents de Nathan vont devoir faire le deuil d'une fille pour gagner un fils.
Montrer la douleur, la violence de la situation mais aussi la détermination, le courage et l'amour, voilà un défi réussi avec succès : la trans-identité est une souffrance mais aussi une joie, une libération. Il n'y a pas de solution simple et miraculeuse, mais il y a des possibilités. Le simple fait de parler, d'aborder le sujet sans tergiverser et de se confronter à la différence est un premier pas vers d'autres possibles, vers une autre vie.
Nathan s'apprivoise, pour lui et ses proches. Cette BD raconte une tranche de vie sans dispenser de leçon, pourtant, elle dissipe une illusion qui a la vie dure : La binarité.

 

Un souhait un peu fou

 

J'aimerai qu'Appelez-moi Nathan soit dans les bibliothèques, qu'on en parlent dans les collèges et les lycées ; qu'elle soit accessible à tous les ado. Cette BD est d'utilité publique : elle permet aux cisgenres, aux hétéros, à ceux qui se sentent « normaux » parce qu'ils appartiennent à une majorité, de mieux appréhender les différences, de comprendre la diversité du monde, de cultiver son empathie, de s'enrichir de cette variété. Pour les ado et enfants trans, ce livre est une main tendue, un silence brisé, une promesse de devenir soi-même, quelque ce soit « ce soit-même » dont on est besoin. J'espère sincèrement que cette BD va remporter des prix, qu'elle va être largement diffusée et connue, elle est un outil de communication et de pédagogie formidable.

Si certains chouinent en arguant que les auteurs ne sont pas transgenres, et donc qu'ils ne peuvent pas « comprendre », je répondrai qu'un auteur (illustrateur, scénariste, écrivain...) travaille avec, premièrement, de la documentation et deuxièmement, son humanité qu'il cultive grâce à l'empathie. Écrire sur ce qu'on n'est pas est le propre de la fiction. A mon avis, c'est aussi la plus belle façon de proposer une ouverture sur le monde. Appelez-moi Nathan est inspiré d'une histoire vraie, celle de Lucas. Catherine Castro estime la part de fiction dans cette BD à 60 % (cf lien vidéo ci-dessous).
Une BD à mettre entre toutes les mains.

Interview de Catherine Castro et de Lucas :
https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/invites-lucas-catherine-castro-repondent-appelez-moi-nathan.html

Le blog du dessinateur Quentin Zuttion :
http://petitsmensonges.canalblog.com

Je vous parle de sa première BD Sous le lit:
http://etang-de-kaeru.blogspot.com/2016/02/sous-le-lit-une-bd-sensible-et.html

2 commentaires:

  1. Merci pour cet article qui m’a donné envie de me jeter sur cette BD :)
    Ca fait plaisir de voir qu’on parle de plus en plus de ce sujet de façon sérieuse. Et je suis d’accord avec toi peu importe que l’auteur soit lui même transgenre. L’important, c’est d’en parler !

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    1. <3 surtout que c'est inspiré d'une histoire vrai. Au début, l'ado voulait rester anonyme, puis il a décidé de parler car communiquer sur sujet peut adoucir les souffrances.

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Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne