Qu'on soit déjà amateur de Lovecraft, écrivain de l'indicible épouvante, ou juste avide de frayeurs et de bizarreries, cette anthologie regroupe plusieurs nouvelles d'auteurs français, tous passionnés par le mythe fictif crée par le génial maître de Providence.
Par delà la mort, toujours présent
Howard Phillips Lovecraft, méconnu de son vivant, est aujourd'hui un des l'auteurs phares de la culture populaire « geek » en raison de la grande influence de son œuvre tant sur de nombreux écrivains contemporains qu'au cinéma, dans les série TV... Sans compter les adaptations en jeux de rôle et jeux vidéo. Si les traductions en français, notamment des poèmes, sont parfois assez médiocres, la qualité de ses histoires mérite largement de mettre son nez dedans. Sa particularité est la mise en place d'un large panthéon de dieux primordiaux tous plus horribles les uns que les autres, et l'entretien volontaire du doute sur la dimension fictive de ses écrits.
Toujours très actuels, les textes de Lovecraft restent des sources d'inspiration pour beaucoup de jeunes écrivains. L'éditeur Livre Book a choisit une dizaine de nouvelles qui s'inscrivent dans le mythe Lovecraftien. Si le niveau du recueil est assez inégal, trois histoires m'ont absolument enchantées et méritent à elles-seules la lecture de cet ouvrage.
Tibériade de Nicolas Pages
Chamir, un jeune professeur en devenir, d'origine israélite, rencontre une femme dans l'université où il est stagiaire. C'est un moment charnière de la vie où l'étudiant devient un adulte avec des responsabilités. Le choix de la carrière est fait au détriment des sentiments. Plusieurs années après, Chamir participe à une expédition de plongée dans le lac de Tibériade. Au fond de l'eau, un mystérieux édifice serait apparu après un séisme. Dans les profondeurs, il va découvrir plus qu'une architecture démente.
Nicolas Pages choisit judicieusement un héro juif, parti-pris savoureux quand on sait que l’œuvre de Lovecraft est teintée par un racisme et un antisémitisme rampant. Le style est un hommage réussi au maître, sans tomber dans la caricature. La langue est châtiée avec une narration parfaitement construite. J'ai plus eu l'impression de lire un mini-roman qu'une nouvelle en raison de sa densité. Un texte d'épouvante qui aurait très bien pu se glisser au milieu de ceux des auteurs amis de Lovecraft.
Cthul'hu, le déchu par Sébastien Tissandier
Le texte s'ouvre par une cosmogonie alternative qui raconte la création du monde selon quatre dieux d'une même fratrie. Cthul'hu, le cinquième frère, un poil arrogeant, refuse de jouer avec eux. Cependant, lorsqu'il constate à quel point il est intéressant d'avoir des adorateurs, il souhaite aussi participer, mais en tordant les règles. Voilà comment il finit pétrifié dans une pyramide, au fond d'un océan en attendant que sa malédiction soit brisée. John, un explorateur courageux et couillu, à bord de son sous-marin, va découvrir la prison du Dieu et conclure avec l'entité un marché étonnant.
Sébastien Tissandier signe une version drôle et déroutante du mythe, loin du ton sombre et désespéré de Lovecraft. Au départ désarçonnée par l'originalité du texte, j'avoue avoir été séduite par son humour de la situation, et aussi, touché par le message. Indécrottable optimiste, je ne m'attendais pas à la tournure de l'histoire qui m'a sincèrement émue.
La bonne étoile de Mathieu Dugas
Bobby Bouvier est une petite frappe, un raté attachant, fan du club de foot RC Lens, nommé par sa mère qui aimait trop la série Dallas. Sa morale est élastique cependant, il n'est pas un type méchant. Il s'est accoquiné avec deux autres malfrats et vivote de cambriolage. Quand il est envoyé avec ses comparses pour voler une statut bien spécifique dans un manoir étrange meublé d'antiquités amérindiennes, il ne se doute pas devenir un pion dans la fin du monde à venir. Bientôt, le job vire au cauchemar mais Bobby est né sous une bonne étoile !
Une version roman de gare à la gouaille débridée du mythe de Lovecraft, fun et rythmé, où ça défouraille à tout va et où les manipulateurs tendent à se prendre les pieds dans le tapis. Le style est rodé, la narration huilée, et le résultat fort distrayant ne manque pas de sel. Ici aussi, nous sommes loin de l'épouvante et j'ai particulièrement apprécié l'angle choisi.
Un appel à texte est actuellement en cours pour le volume 2 (jusqu'au 31 janvier) :
Site de l'éditeur :
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Marianne