13 décembre 2016

J'ai été modèle pour « Souvenirs de Paris » : la série photo de Chloé Vollmer-Lo !



Non, malgré mon physique de rêve et ma fraicheur, je ne vais pas entamer une carrière mondiale de batracien top-modèle. Par contre, pour la première fois, j'ai été prise en photo par une pro, Chloé Vollmer-Lo. Elle travaille sur une série intitulée Souvenirs de Paris où elle associe un lieu de la capitale à une personne qui a vécu ou ressenti quelque choses de fort, à un moment précis. Je partage avec vous cette expérience originale et intime.

Le premier janvier 2010


Je ne me rappelle plus du temps. L'almanach atteste qu'il faisait froid, gris. Pourtant, avec La Moustache, nous sommes parti en balade, main dans la main. C'est notre anniversaire, nous sommes en couple depuis onze ans. Nous déambulons dans Paris et nos pas nous amènent dans le quatrième, là où je vivais quand j'étais étudiante, quand nous nous sommes rencontrés. Nous passons derrières l’église Saint-Gervais, dans une petite allée pavée que j'affectionne. La rue des Barres.
Entre les immeubles se serre un petit square avec un cerisier du Japon que je viens admirer au printemps. Ce premier jour de l'année, la surprise est là, rose, incroyable ; dans ma main glacée, celle de Franck, chaude et vivante. Sous nos yeux ébahis, l'arbre, en fleur. En fleur un premier janvier !
Je n'en reviens pas.
Comme un miracle, un pied de nez de la végétation à la saison, à la ville. À la norme. À ce qu'on attend d'elle.
Je pense au Japon où je me suis rendue l'an passé pour la première fois et où je dois retourner encore, dans quelques mois pour un séjour plus long...
Il est vieux, ce cerisier au tronc noueux et aux branches tordus. Vieux et encore vert. Gracieux. Je regrette de ne pas avoir pris mon appareil photo pour capturer ce moment. Je le stocke dans mon cœur, précieusement.


Le 2 mars 2011


Je suis en vadrouille, seule, dans le centre de paris. Et me voilà, de nouveaux pas loin de la rue des Barres. Je fais le détour et il est toujours là. Moins en avance que l'an passé, mais toujours là. En fleur, encore une fois. Tout me revient. Le moment avec Franck, et le mois à Tokyo en été. L'impression d'immensité du monde, l'envie de découvrir, doucement, avec lenteur et précaution. L'envie de contempler jusqu'à user mes yeux, jusqu'à ce que les mots débordent, que les émotions se transforment en histoires, en poèmes. J'ai cette envie presque féroce de retourner au Japon, encore. Cette envie aussi de partager le voyage avec Franck, réticent sur le sujet.
Et puis, quelques jours plus tard, tout bascule, tout se fissure.

Les mois et les années s'écoulent. Les pavés toujours là. L'église et le monastère toujours là.
Comme un écho funeste, le vieux cerisier est abattu.

Le 8 juin 2016


Je rencontre Chloé pour la première fois en vrai. J'aime beaucoup son travail photographique. Sa sensibilité me parle, son regard m'intrigue, à la fois par sa proximité et sa différence. Je suis heureuse de prendre part à son nouveau projet artistique Souvenirs de Paris.
Je vis à Paris depuis plus de vingt ans. Nombreux sont les endroits rangés dans ma mémoires. Mais, quand je lui propose ma participation, je sais celui que je vais choisir. Une évidence. Cette année, un souhait s'est réalisé.
Un souhait que j'avais noué à un bambou, le 7 juillet 2010, au crépuscule, dans un temple à Tokyo, au Zenkoku-ji.
Retourner au Japon, et cette fois, être accompagnée de Franck.
Après le 11 mars, rien n'est plus pareil. Pourtant, avec le recul, ce souhait lui a perduré, intact dans la douleur et le désenchantement.

Le fantôme du cerisier me salue, une présence bienveillante dans mes souvenirs. Dans le square, aucune trace. Les émotions passent, furtives, pourtant, l'après est subtilement différent de l'avant. Petit à petit, invisibles, elles nous modèlent, s’imprègnent dans les lieux et j'aime à croire qu'elles les teintent doucement de nos espoirs et de nos rêves.


Je vous invite à regarder Paris sous l'angle de la mémoire d'inconnu, d'un moment capturé par l’œil vif de Chloé : http://chloevollmerlo.net/photo/perso/souvenirs-de-paris/
Je vous conseille aussi vivement de regarder le reste de travail perso :

9 décembre 2016

Nouvelle exposition pour la Grenouille : venez nombreux !

 


Du 19 décembre au 7 janvier je participe à une exposition collective Un seul grain de riz  à la Galerie Metanoïa, à Paris, sur le thème "Ange". Si vous passez par là, vous pourrez voir une série composée d'une photo et trois collages photo réalisée pour l'occasion.


Démarche artistique


Le mot "ange" vient du grec àggelos (ἄγγελος) qui signifie messager, un intermédiaire entre les hommes et le divin ou le spirituel. J'ai choisi de traiter cette contrainte thématique en partant de cet angle étymologique.

Mon approche consiste à s'interroger sur la nature possible à la fois du message et du messager : transcendance spirituelle, incarnation inscrite dans nos gènes comme une sorte de mémoire collective propre à l'Humain, une provenance encore plus mystérieuse et lointaine... Après tout, nos connaissances de la complexité de l'univers restent parcellaires et laissent la place aux spéculations les plus folles.

Mon caractère indépendant et ma soif de liberté s’accommodent mal d'un système de représentation du monde avec la foi ou la croyance comme seul fondement. Si je suis ouverte à l'inconnu, à l'ombre, à ce qui échappe au tangible illusoire et restreint de nos perceptions, je reste allergique à toute tentative de suivre une doctrine. Surtout quand d'autres humains s'arrogent le droit de juger de la bonne obéissance de la-dite doctrine.

J'ai donc délaissé le divin et la signification religieuse de l'ange pour une approche plus pragmatique, sans exclure une part d'inconnu. Je considère l'ange comme un trait d'union, un pointillé chargé d'un propos qui parfois nous échappe car codé ou brouillé, entre notre conscient et notre inconscient. Savoir l'écouter nous donne accès à une part souterraine et bouillonnante de notre être, une part de notre être capable elle-même, de saisir d'autre messages, encore moins accessibles, encore plus cryptiques, dont on ignore l'origine.




Mon travail ne porte pas tant sur la source du message - une part de nous même qui existe même si on la nie - que sur notre capacité à l'écouter, l'apprivoiser, le comprendre parfois, l’interpréter si nécessaire et surtout, à l'exprimer. Le messager se nomme alors intuition, inspiration. 
J'ai souhaité représenter des instantanés de l'évolution d'un sujet qui passe de la surdité à l'apprentissage de l'écoute, du décryptage et enfin à la compréhension du message. Le temps, dans la série, est volontairement suspendu, comme la fulgurance d'une révélation qui se niche entre les secondes. De l'extérieur, rien n'a changé. Le sujet est le même. De l'intérieur, sa perception de soi et du monde est ébranlée.

Pour représenter le paradoxe du message, à la fois simple et complexe, j'ai travaillé à la fois avec des couleurs froides et chaudes, des éléments figuratifs linéaires très nets et des éléments plus abstraits, flous. Les fragments de photo avec des branches m'évoquent une calligraphie d'un alphabet étrange.
Pour le dernier collage, la juxtaposition de bandes d'ambiance très différentes - urbaines et sauvages - traduit une harmonie momentanée, lorsque le message est reçu.



 

La tambouille de la grenouille


Je travaille à partir de tirages de mes photos que je sélectionne surtout en fonction des ambiances de couleurs et lumières plus que du sujet. En fonction de ce que je veux exprimer, j'affine encore ma sélection et me limite volontairement à un nombre restreint de clichés. 

L'acte - découpage, agencement, collage - par sa tangibilité me renvoie au moment exact de la prise de vue, son instantanéité et surtout son impossibilité à être reproduite. Si une photo numérique peut être tirée à l'infini, le moment où elle est prise, tout comme le collage, est unique, terminé. L'acte du collage contient une mort, une finalité. Ce qui j'exprime avec les collages est différent, peut-être pour moi, plus concret, que ce que je peux exprimer avec la photo. Pour cette série, j'ai mêlé photo et collage photo car justement, j'avais besoin de ces deux médiums pour réussir à transmettre le changement et une certaine nécessité.




Liste des œuvres présentées :
               
Silence - photographie, tirage sur papier lustré
Ouverture - collage de tirages photographiques
Dissonance - collage de tirages photographiques
Accord - collage de tirages photographiques

Travail réalisé en septembre 2016
Format avec cadre inclus : 15 x 20 cm
Tarif : 150 euro, encadré
Contact à la galerie : marc.higonnet@galerie-metanoia.fr

Le vernissage aura lieu le mercredi 21 décembre à 18h à la galerie Métanoïa : 56 rue Quincampoix, Paris


 

15 novembre 2016

La fourmi [Poème]

Petit poème pour suivre le défi d'Agnes Domergue, lancé sur son blog
Les règles :
- Écrire un souvenir avec un insecte de votre choix
- Que vous évoque le mot murmurer ?
- Utiliser La brise fraîche 



Elles préparent la conquête...
Cimes des parasols ajourés,
Je flâne, ivre d'été
Jaunie, tassée, douceur de l'aiguille émoussée
Tapis moelleux sous mes pied nus

Elles préparent la conquête...
Parfum d'eucalyptus
Son bouquet de plumes bleuté
Tombé du ciel, vire à l'ambre
Feuilles cassantes sous mes pieds nus

Elles préparent la conquête...
Myrte entêtante dans le maquis
De part et d'autre du sentier
Fleur d'or et d'artifice
Sables brûlants sous la plante

Devant, lointain, embruns et brise fraiche
Le chant de la mer et ses promesses
Hâter le pas vers la dune

Elles lancent l'offensive...
De leur tertre, elles jaillissent
Sur les aiguilles, se pressent
Entre les feuilles, se glissent
Aïe !
Au bout de mon gros orteil
La fourmi noire
À capturer une proie
Bien trop grosse pour son estomac !


Pour la petite histoire, il y a des années, gamine, en vacance en Corse, je me suis fait "mordre" à sang par une grosse fourmis noire. La demoiselle, pas du tout dérangée par mes gesticulations a refusé de lâcher mon gros orteil, à priori très gouteux. J'ai dû l'enlever à la main (sans la tuer, parce que j'aimais bien les fourmis jusqu'à ce jour). 
Je me suis toujours dit qu'elle avait probablement crâner au près de ses copine.


9 novembre 2016

Enjoy the silence


Je manie les mots.
Je communique, dialogue, me dispute parfois, surtout je m'exprime avec les mots. Dans ma tête, ils se tamponnent en un joyeux chaos.
J'aime les mots.
J'aime vérifier encore et toujours les définitions, apprendre l’étymologie, découvrir de nouveaux termes comme autant de possibilités de jeux. Autant d'enrichissements de mon vocabulaire et de mon expression.
Autant d'outils pour aller vers soi et vers l'autre.

Souvent, nous parlons la même langue mais pas le même langage.
Souvent, les mots sont teintés du sens subjectif que nous leur donnons. De nos souvenirs, de notre ignorance, de nos erreurs.

J'aime les mots et pourtant, malgré toute leur diversité, leur précision, parfois, le mot se transforment en simples sons.

Des sons brouillés. Des sons flous, mélangés. Des sons dissonants. Des sons fatigants. Des sons traîtres, des sons mensongers.
Des sons porteurs d'émotions qui font mal. D'émotions qui ne nous appartiennent pas.




J'aime les mots.
Parfois, pourtant leurs sons m'échappent. 
Leur sons me blessent.
Je les laisse.
Je me laisser aller.
Aller au silence bleu, au vide tranquille.
Au regard.




Debout, au bord du bassin d'Honfleur,
 au crépuscule.
Tout se joue sur la surface mouvante 
d'un miroir contenu.
Les marques de l'automne. 
La servitude des bateaux amarrés.
Le dernier voyage 
d'une pâquerette esseulée.
La vie qui réside et résiste, 
surtout où personne ne l'attend.








Toutes les photos ont été prises fin octobre à Honfleur. Le titre de cet article est une référence à la chanson éponyme de Depeche Mode.


5 novembre 2016

Agitation automnale





Aujourd'hui, j'ai envie de vous causer un peu de mon entrée fracassante dans l'automne.

Les plans sur la comète


Novembre est La période synonyme d'écriture dans mon agenda. Je participe pour la cinquième année consécutive au défi un peu fou du Nanowrimo qui consiste à écrire un texte de 50 000 mots en un mois. J'avais prévu, l'an dernier, d'utiliser mon mois d'octobre pour préparer la trame d'un nouveau projet. 2016 allait être un Nanowrimo neuf, un vrai, avec un début et peut-être une fin. J'allais suivre les conseils lumineux de Chris Baty, le fondateur du Nano : planifier à l'avance mais pas trop. Enfin, je retournerai au genre SF, à un texte moins introspectif, moins lourd, histoire de m'aérer un peu du pavé sur lequel je planche depuis des années, Écharpe d'Iris
Le tome 2 avance péniblement, quand au premier, achevé depuis plus d'un an, je ne l'ai toujours pas soumis à une éditeur... (mais j'ai une vraie raison). Heureusement, ce Nano serait une bouffée d'oxygène !

La fin des illusions


Sauf que...
 En octobre, je me suis embarquée dans un autre machin : inktober (produire un dessin à l'encre par jour durant un mois). Forcément, quand on n'a pas dessiné depuis 20 ans et qu'on a jamais réussi à atteindre la cheville de son ambition personnelle, l'affaire prend du temps et de l'énergie. D'autant que j'ai adapté le concept pour y joindre du texte et le transformer en un travail introspectif.
Donc toutes mes intentions louables pour bien attaquer mon Nanowrimo 2016 se sont envolées, oubliées face au couleurs chatoyantes de mes feutres et de mes stylos à paillettes, accessoires indispensables ! Ajouté à cela une escapade en Normandie pour fêter dignement mon anniversaire et je me retrouve, début novembre, déjà en retard pour attaquer le Nano.

Cependant, j'ai la grande satisfaction d'avoir tenu le cap du inktober, avec quelques dérapages mineurs. Dans mon cahier, 31 gribouillages font face à 31 pages de textes. 




 

L'important, c'est la constance !



J'ai commencé à écrire dans un joli carnet en septembre. Je tente en vain l’exercice du pseudo journal intime depuis deux ans dans un agenda, et je n'arrive pas à m'imposer cette discipline, même hebdomadaire. Forte de l'échec, j'ai donc opté pour un truc plus adapté à mon caractère fantaisiste : un "anti-bujo" ! Le bujo (bullet journal) cristallise toute l’organisation que je rêverais d'avoir et que je totalement incapable de suivre. Chapeau aux copines qui s'y tiennent !
Dans mon cahier "anti-bujo" pas de date, pas de règle. Juste l'inspiration lâchée en liberté, un joyeux bordel créatif avec comme dénominateur commun mes états d'âmes, mes impressions, sans trop de repères factuels.

Inktober, dans sa forme assez souple et sa durée limité, fut un exercice très plaisant. Je suis fière du résultat, et j'avoue assez surprise. Mon cahier s'est bien rempli et j'ai envie de poursuivre l'aventure, au fil de mes envies.


Mais, maintenant, assez procrastiné !
Il ne me reste qu'à attaquer le marathon du Nanowrimo avec motivation. Vos encouragements et surtout coup de pied au fesses sont les bienvenus.




3 novembre 2016

Olivier Adam, le cœur régulier : le séisme de vivre



Ce roman intérieur nous transporte dans le quotidien d'une femme, Sarah, dévastée par le décès de son frère et qui va peut à peut se repositionner dans son existence, comme on revit après qu'un séisme ou un tsunami aient balayé nos certitudes et nos habitudes. Un livre poignant.

Le deuil comme seconde chance pour vivre


Pour Sarah, l'accident de voiture de son frère est un suicide. Il s'est mis son dans un platane. Volontairement. Parce que Nathan, son frère, si proche, si aimé, si cassé, n'a pas pu mourir ainsi, bêtement. Parce qu'il voulait mourir depuis longtemps. Elle est en certaine, même si, depuis plusieurs années, leur relation c'était distendue. Dans la vie lisse de Sarah, avec ses deux enfants, son mari parfait, son travail productif, il n'y avait plus la place pour un être aussi écorché vif et volatil. Alors, elle s'était détourné ; mais, face au deuil, tout se fissure. 

Alors Sarah part au Japon, là où Nathan a vécu quelque temps. Elle part dans un endroit à la célébrité funeste : les falaises des suicidés. Sarah ne sait pas ce qu'elle cherche, retrouver la proximité, le lien avec son frère défunt ? Comprendre sa mort ? Elle part à la rencontre des habitants et surtout, de Natsume, un ancien flic qui arpente le bord de mer, à l'affut de ceux qui voudraient se lancer dans la vide, pour les sauver d'eux-même.
Là bas, au Japon, dans ce bout de paysage brouillé par les embruns, teinté par le désespoir de ceux qui ne veulent plus vivre, Sarah renoue avec elle-même, et petit à petit, ouvre les yeux sur la réalité de son existence.

Maestria littéraire


Le cœur régulier est d'une grande qualité littéraire : un style d'écriture affirmé, particulier, très poétique, à la fois riche en vocabulaire, précise et très fluide. Sa construction narrative faussement linéaire avec une alternance de flash-back précis emporte le lecteur dans la vie de Sarah, lui impose sa réalité des choses, la violence de son deuil mais surtout, le contre-coup, encore plus étourdissant. Peu à peu, Olivier Adam arrive à tordre notre perception, nous donner le regard de Sarah comme "vrai" avant de nouveau de le rendre flou, lointain, pour mieux réajuster la vision d'un réel avec un tumulte d'émotions contradictoires. Ce livre raconte des vies, des relations familiales, la difficulté de s'aimer soi-même et les autres sans masques. Le cœur régulier raconte aussi une retraite, loin des siens, loin des cadres et codes sociaux, loin de toutes les obligations qui tiennent nos vies. L'absence des repères et la bienveillance des rencontres vont permettre à Sarah de se mettre aussi à nue, d'abaisser les protections qu'elle a érigé depuis son enfance, des protections devenues prisons.

Il n'y aucune facilité, aucune mièvrerie et surtout aucune complaisance dans ce roman. Quand les masques tombent, quand les illusions et les projections éclatent, que le réel qu'on pensait solide se fissure pour révéler une autre réalité, nue, objective, beaucoup plus complexe et nuancée, on peine, on souffre dans sa lecture. Ce roman m'a bouleversée. À la fois par son fond, une histoire terrible, magnifique et étonnement, libératrice et porteuse d'espoir, mais aussi par la forme : son écriture, son construction judicieuse, la maestria avec lequel le Japon est traité, l'évolution de la narratrice, son humanité.

Une amie m'a prête ce livre. Elle l'a conseillé, sincère en précisant que ce qu'elle sentait de moi et de ma façon d'écrire lui paraissait correspondre à ce livre-ci. Je voulais livre Olivier Adams depuis des mois. Il fait parti de ces auteurs français contemporains qu'un apprenti-écrivain inspiré de Japon se doit de connaître. Et puis, il a séjourné à la villa Kujoyama, comme Eric Faye (Malgré Fukushima) ou Bertrand B Reverdy (Les évaporé, un roman japonais). J'ai refermé le livre, bouleversée, secouée par un séisme intérieur. J'ai songé qu'il me reste à lire tout ses autres romans, que j'ai des amies drôlement finaudes. Maintenant, il va falloir bosser dur pour que mon écriture soit aussi percutante que la sienne !

Le personnage de Natsume, qui cherche à sauver les candidats au suicide, est inspiré de Yukio Shige :

Un autre article (qui parle aussi de l'adaptation cinématographique) : 

25 octobre 2016

Monsieur Milk, facteur : distribution d'amour !



Les albums jeunesses regorgent souvent d'une poésie étrange et tendre qui correspond parfaitement à la vision du monde des petits. Elle charme les adultes et réenchante un peu leur quotidien. Monsieur Milk, facteur de Kijima Seigo (Picquier jeunesse) est ours polaire japonais (oui, c'est possible) qui distribue plus que le courrier.



Le facteur détective



Milk est facteur. 
Il travaille au bureau de poste "Shiro-kuma" (littéralement l'ours blanc). Un jour, il reçoit une carte postale qui lui est spécifiquement adressé avec une demande d'aide désespérée : la progéniture d'un couple de grue a disparu. Serviable et inquiet, Milk se charge donc de rechercher le petit. Alors que les jours passent sans aucun indice, il n'abandonne jamais.
L'histoire a évidement une fin joyeuse !

Les dessins de Kijima Seigo simples et très lisibles, osent marier un graphisme contemporain et dépouillé avec un trait à l'encre dynamique et quasi calligraphié. Le résultat est une illustration à fois esthétique et facile à comprendre pour les enfants. 
 

 

Un album aux traits contemporains et à l'ambiance surannée


J'ai particulièrement apprécié le ton de l'album, à la fois tendre, aimant, sans tomber dans le mièvre surtout grâce à une bonne dose d'humour : Milk commence d'ailleurs son enquête en allant voir les prédateurs pour vérifier que l'oisillon n'a pas été croqué ! 

L'auteur, Kijima Seigo est directeur artistique. Il s'agit de son premier ouvrage solo. Cette histoire est inspirée par un ours polaire qui vit captif dans le zoo de Kushiro (Hokkaido) et qui marche souvent debout sur ses deux pattes arrières, donnant ainsi l'impression étrange d'être face à un homme portant un costume d'ours.
Nulle doute que Milk est plus heureux que le "vrai" ours...


Le début de l'enquête : est-ce que l'oisillon a été mangé ?!

Le quotidien d'un ours facteur !



À la fin du livre, vous trouverez une jolie carte postale et une incitation à l'écriture avec un concours (pour les 100 premiers participants). Voilà de quoi motiver les enfants (et les plus grands) à envoyer plus souvent de leurs nouvelles sur papier. À l’ère du numérique, nous oublions la joie que peut provoquer la réception d'une lettre, le charme du timbre et de son tampon. Monsieur Milk, facteur dans son contraste - un dessin résolument moderne avec une histoire tournée vers la tradition épistolaire et l’absence de technologie pour les communications - résume bien la culture japonaise. Si l'album s'adresse à tous, ceux qui apprécient le Japon auront un petit plaisir supplémentaire !

Monsieur Milk, facteur de Kijima Seigo (traduit par Anaïs Koechlin)
Album de 40 pages, chez Picquier Jeunesse : 13,50 euro


Un autre avis sur un super blog spécialisé lecture japonaise :


20 octobre 2016

Un coup de peinture fraiche : Raviver les souvenirs et leur rendre leur brillance !


Menton, coincée entre la mer et la montagne, est la dernière ville avant l'Italie. Dans ses rues, sur ses murs, au dos des vielles rabougris, même dans les boutiques attrapes-touristes estampillées couleur locale - jaune citron ou vert olive - tout respire une appartenance méridionale qui brouille les frontières. Parce qu'entre ces villes de la côte d'Azur, serrées sur une étroite bande de terre vaguement constructible, on retrouve une culture commune avec l'Italie si proche. 






Les murs ocres, oranges et bouton d'or. Les ruelles serpentant jusqu'en haut de la colline rocailleuse d’où surplombe le cimetière. Les églises richement décorées dont l'intérieur ressemble à un écrin, une boite à musique baroque où en guise de danseuse, trône une représentation de St Michel ou de la Vierge, peinte de ce bleu profond, sublime avec ses traits d'une finesse surnaturelle.

Menton, petite, discrète, par rapport à Nice, est une ville que j'ai toujours aimé sans retenue. Sans ambiguïté. 




Déjà, parce qu'on y célèbre les agrumes. Depuis ma plus tendre enfance j'ai toujours voué un amour invétérés aux citrons. Je me souviens des chars piqués de fruits, de ma fascination naïve teintée de désespoir face à ce gâchis. Mes parents m'ont toujours assuré qu'il n'y avait pas de perte, que pas une seule orange serait perdue, et qu'elle finissaient toutes en confiture. Rétrospectivement, j'ai des doutes sur la véracité de leur affirmation. Menton, c'est la ville d'Yvette ; une des amies de ma maman. J'aimais rende visite à cette petite dame, rousse ridée comme une pomme, au corps fluet, débordant d'énergie et de gentillesse. Menton, c'est la dernière ville du territoire avant l'Italie. Enfant, la frontière était encore une réalité tangible avec douanier, garde barrière, carte d’identité. Une zone un peu mystérieux et magique, dans mon imaginaire, où quelque chose d'important pouvait subvenir. Je me souviens des voitures arrêtes sur le bas coté, au coffret ouvert.




Menton était comme la dernière ville connue. Après, on ne parlait plus ma langue. Tout pouvait basculer.


Maintenant apaisée, j'avais envie de revoir la ville, et de la partager avec mon amie Anne qui apprécie - beaucoup plus que moi - la côte d'Azur et ses charmes. Nous voilà donc partie, malgré le temps gris d'automne, en train, depuis Nice. Le voyage est court. L'arrivée rocambolesque : hors saison l'office du tourisme ferme entre midi-deux mais le personnel, en train d'éteindre les lumières et verrouiller les portes, a eu la gentillesse de nous donner une carte. Après un pan bagna dévoré au bord de la mer à la barbe - ou plutôt plume - des goélands, nous attaquons le cœur de notre programme : la visite du musée Jean Cocteau






Ouvert en 2011, c'est un bijou d'architecture et de poésie. Outre les œuvres de Cocteau, il présente la collection d'un grand amateur d'art Séverin Wunderman. Au sous-sol, un documentaire réalisé par Cocteau lui même, raconte comment la villa Santo Sospir s'est retrouvée ornée de ses fresques oniriques. Avec magie, sensibilité et une bonne dose d'auto-dérision, l'artiste parle de son travail. Un seul regret, par une seule fois n'est mentionné explicitement son histoire d'amour avec Jean Marais, pourtant un aspect important de sa vie.






Dehors, les nuages s’amoncellent. Nous crapahutons dans les rues escarpées de la veille villes. Cactus, plantes grasses et diverses icônes ornent les façades colorées. La basilique St Michel nous accueille et ses pendouilleriez kitchs, ses dorures, sa piétés, ses croyances ostentatoires qui en deviennent folkloriques.
Puis, sous une pluie hésitante, nous montons jusqu'au cimetière avec vu sur la baie. Les tombes délimitées par du fer forgé rongé de rouille, les gravures en cyrillique, les croix couchées sous la vieillesse, les cyprès vert sombre, un hommage au gris profond des cieux. Le soir tire vite la révérence et à 18h, nous nous réfugions dans une crêperie bretonne pour déguster la spécialité maison : la crème de citron ! Des vacances ne peuvent être qualifié de réussies si je n'ai pas manger au moins une fois des crêpes. 





Par la fenêtre bleu nuit du train qui nous ramène à Nice, la courbe orange de la Prom illuminée. Le périple s’achève, des souvenirs joyeux recouvrent ceux nimbés d'un voile amer. Menton retrouve le goût acide et vitaminé de mes impressions d'enfant. Déjà, nous projetons un prochaine excursion. Un prochain séjour avec une visite à St-Jean Cap Ferrat et la visite de la villa peinte par Cocteau.


7 octobre 2016

Album jeunesse "Baku, le mangeurs de rêves" pour dormir sur ses deux oreilles




À l'orphelinat, Toyo, un petit garçon, est poursuivit par un grand squelette grimaçant. Quel horrible cauchemar ! Réveillé par un bruit, il aperçoit par la fenêtre une immense forme chutant depuis le toit. C'est Baku, un yôkai qui ne fait qu'une bouchée des mauvais rêves. Il n'est pas très à l'aise en ville, surtout entouré d'une foule agressive. Il prend peur et s'enfuit...


Baku raconte l'histoire de la rencontre entre Toyo et Baku, à la frontière entre rêve et réalité. L'absence de Baku cause bien des déboires dans le monde des humains, ignorant de l'existence des yôkai qu'ils prennent pour des fables et des superstitions. La persévérance de Toyo pour retrouver Baku, mais aussi sa curiosité, sa bravoure et sa gentillesse, vont aider tout les habitants de la ville.

Voici un bien joli conte qui utilise le folklore japonais sans tomber dans le stéréotype ou le travers de l'énumération façon bestiaire. En suivant ce garçonnet, l'auteur, Fabien Doulut, nous plonge dans le quotidien d'un Japon contemporain très attachant. Ceux qui connaissent le pays retrouverons sa couleur, son parfum et son ambiance si particulière. Les autres en auront un aperçu sensible et très juste. 






Les monstres de Fabien Doulut, même les plus repoussants, ne font jamais vraiment peur. Il arrive à adoucir par son travail graphique toute leur agressivité et transforme ainsi les yôkai antipathiques voire effrayants en être étranges, certes, mais jamais terrifiants pour un jeune lecteur. Son dessin est riche sans être fouillis. Il a cette manie que j'adore chez certains : parsemer ses dessins de petits détails drôles ou qui se font échos. Cela encourage à être très attentif et à longuement regarder chaque page. La narration très dynamique utilise à bon escient le détourages et le hors-case, comme dans la BD, pour happer littéralement le lecteur.

Un album dépaysant et pourtant très accessible en raison de l'universalité de son récit. On peut y discerne un propos très engagé et actuel sur la peur de la différence. J'ai apprécié le ton poétique du texte et les illustrations, couleurs d'automne, vraiment magnifiques. Le choix d'un matin mat pour l'intérieur et velouté pour la couverture correspond parfaitement à l'esprit de l'ouvrage. Il sera en librairie le 20 octobre, aux éditions Picquier Jeunesse, à 16 euros.

Le site de l'auteur : 

Le site de l'éditeur :

28 septembre 2016

La mort des idéaux [Journal#5]




J'étais idéaliste.
Je suis rêveuse.
J'étais perfectionniste.
Je suis lucide.

Ce n'est ni le temps ni les rencontres qui nous abiment, nous usent, nous maturent. C'est que l'on en fait. Bien sûr, si on se laisse porter, passif, dans un flot hoquetant, se noyer durant la crue est un risque majeur. Par contre, si on décide d'être un saumon, de remonter le cours, on fatiguera plus vite. Dans tous les cas, à la fin du voyage, la mort est la même. Ni douce ni meilleure. Juste inéluctable. Nous pouvons aussi apprendre à nager, à éviter les cailloux, les roches coupantes, naviguer dans les rapides, anticiper les tourbillons.
Mieux, on peut apprendre à surfer.
Toujours sur l'eau, toujours en contact, on profite de l'inattendu, on s'adapte, et dans les moments de calme aussi, on profite.

J'essaie d'apprendre à surfer.

Pour ça, j'apprends déjà à regarder mon environnement tel que je le perçois et non tel que j'aimerais qu'il soit. Je sais que ma perception est biaisée, puisque c'est la mienne, avec certains de mes sens défaillants et d'autres exacerbés. Ma perception n'est ni une réalité absolue, ni une Vérité. Elle m'appartient, évolue aussi, avec le flot. Parfois plus lentement que l'extérieur, parfois trop vite, souvent par à-coup, par phénomène de seuil.

J'étais idéaliste. Perfectionniste. Tyrannique dans le travail avec des objectifs souvent inatteignables, incapable de me contenter du résultat. J'étais tyrannique avec moi-même et ceux que j'aime, repoussant les limites, explosant les corps et les cœurs, trop violente dans mes mots, trop brusque, impulsive. L'altruisme et l'empathie ont limité la casse, mais pas toujours.





Je me suis usée vite. Abimée.
Je croyais mes cassures définitives, inéluctable.
Et puis, j'ai appris autrement. J'ai compris autrement.
La logique du corps, sa force, sa capacité de récupération, l'équilibre intérieur entre le cerveau qui bouillonne, le cœur qui palpite à bout de souffle, l'ossature malmenée qui hurle en silence sa peine et sa terreur. J'ai appris à faire taire, faire silence, faire aussi. Équilibrer "dire", "penser", faire" et peu à peu, mes sensations, mes perceptions s’apaisent, trouvent un agencement différent, plus harmonieux.

Je regarde le monde, et il ne me plait pas. Il ne correspondra jamais à mes idéaux. Non, les Hommes ne sont pas muent par l'amour. Leur soif de justice se mêle à la vengeance, à des querelles d'égo, à des guerres petites et étriquées.
Non, les Hommes n'aiment ni le changement ni n'acceptent leur mortalité. 

Je ne vais pas changer l'humanité.
Je ne vais pas changer le monde.
Il ne correspondra jamais à ma réalité intérieure, à mes aspirations, à mes rêves.
Tant pis.
J'ai les mots et les images. L'imagination. Le pouvoir de création, de fabrication. Je n'aime pas les nouvelles du monde et je n'aime pas beaucoup les Hommes non plus, en tant qu'espèce.




Je préfère le rayon de soleil par la fenêtre, la musique silencieuse des particules dansantes, le chat furtif au coin de la rue, la plante revêche qui perce le bitume, un roman aux pages cornées par des doigts avides, le son incongru d'un artiste qui m’émeut, l'odeur des feuilles de thé et de la forêt avant la pluie. Je préfère la terre sous mes pieds, les troupeaux de nuages et le vent sur la plaine. Je préfère me retirer un peu de la foule et de la cohue. Je préfère le chaos involontaire aux intentions de plaire, de gagner plus d'argent, de pouvoir. Je préfère contempler sans juger plutôt que de décrypter les causes des actions des autres, leur motivations-frustrations.

Je préfère ressentir. Prendre le temps de ressentir. Cultiver l'agréable, observer le désagréable, le comprendre, l'apprivoiser et s'il est trop pénible, attendre qu'il passe son chemin. J'ai lâché mes idéaux d'un monde plus juste, égalitaire, équilibré, harmonieux.
Je n'y crois plus.
Bien sûr, j'ouvre régulièrement ma gueule, je manifeste mon mécontentent ou j'agis. Parfois, j'oublie que les idéaux sont morts. Morts et enterrés. Je n'ai plus la foi en une humanité bienheureuse, qui accepterait les différences et l’altérité.

J'ai sorti ma pelle et sonné le glas des idéaux et du perfectionnisme au creux de la vallée, ou peut-être sous un arbre, à moins que ce ne soit enfoui dans une grotte, au bord de mer. Dessus, j'ai mis des pierres rondes, planté quelques fleurs, ou peut-être des coquillages.

Je laisse à d'autres les idéaux, les croyances de paradis et de rétributions futures. Je crois pas qu'on paye, qu'il y ait une justice après la mort. Certains humains commettent les pires méfaits et les pires crimes, et coulent une existence tranquille, peut-être heureuse, peinards. Loin des affres de leurs victimes.
Ça ne me plait pas. C'est ainsi. J'ai beaucoup d'admiration pour ceux qui les traquent, les exposent, se battent sans relâche. J'ai beaucoup d'admiration pour ceux qui sauvent, des vies, des psychés. Ceux qui pansent les plaies des Hommes et de la Terre. Ceux qui ont la foi. Ceux qui ne lâchent rien et jusqu'à leur dernier souffle continuent le combat.
J'ai de l'admiration mais aucune envie.
Je ne suis pas ça et je ne le deviendrai pas.

Ce monde me déplait.
Les hommes me déplaisent.
Tant pis.

Mon seul réel pouvoir de grenouille est celui de changer en moi ce ce qui ne me plait pas. Enterrer mes idéaux et regarder simplement le monde et les autres tels que je les perçois et non tels que je souhaiterais : voici un objectif d'apprentissage quotidien qui devrait m'occuper jusqu'à ce que je passe l'arme à gauche. 



 Photo prise à Nice, au cimetière et ailleurs

22 septembre 2016

Les étoiles de Miu : quand Agnès Domergue glisse du rêve dans le quotidien




Agnes Domergue, musicienne, auteur jeunesse et illustratrice, attrape dans ses filets la poésie de l'existence et la partager dans ses livres, d'une simplicité touchante. Avec l'album Les étoiles de Miu, elle offre au lecteur un regard tendre et magique sur le monde.



Miu est une petite fille au joues roses qui vit avec son chat. Autour d'elle, des étoiles. Parfois à porté de main, parfois inaccessible. Nous suivons l'enfant dans des historiettes entre album et BD où le merveilleux et la surprise nous attendent toujours au détour d'une case ou d'une page. Je me suis laissé emporter par ces étoiles comme fil conducteur lumineux et j'ai eu encore envie de partir loin de la ville admirer le ciels nocturnes loin de la pollution humaine.

Voici un livre simple qui s'adresse bien sûr aux enfants mais aussi à l'enfant que nous avons été et que certains d'entre nous cultive avec attention. Un livre pour réapprendre à rêver et repeupler le quotidien de merveilleux. Un livre pour accepter que parfois on est triste, pour laisser passer les émotions, savourer la joie, et la richesse de chaque instant.



J'ai adoré la spontanéité du récit, son enthousiasme, sa simplicité de forme avec un dessin épuré et la profondeur de la vie qui se tisse, en arrière plan. Le choix d'un papier à aquarelle épais met en valeur les illustrations ; surtout, cela donne dans la main une sensation de plein, de lourdeur concrète qui contraste avec la dimension quasi-philosophique du récit. Les étoiles de Miu, suspendu entre rêve et réalité, terre et ciel, apporte une bouffée de fraicheur, invite à la contemplation et aussi, à vivre, tout simplement.

Ce livre n'est plus disponible chez l'éditeur, vous pouvez cependant vous le procurer directement au près de l'auteur (ce que j'ai fait) via son blog : https://agdoalto.blogspot.fr (il y a un formulaire de contact dans le colonne de droite).
Agnès Domergue a également collaboré avec Cécile Hudrisier pour une série surprenante de trois album en haiku : conte, mythe grec et fable de la fontaine. 
Critiques à lire ici : 



15 septembre 2016

Le chat d'Enoshima par Nemiri et Slocome : une belle fable japonaise




Le dessinateur Nicolas Nemiri au trait aussi lâché, vif et coupant qu'une bourrasque, s'associe à Romain Slocombe, romancier et artiste fasciné par le Japon. Le résultat est un magnifique album jeunesse aux éditions du Petit Lézard, aussi soigné qu'un ouvrage d'art, avec plusieurs niveaux de lecture.

Chat, yakusa et petite fille


Tomomi, une petit Japonaise, vit sur la petite île d'Enoshima avec ses parents, sa grand-mère et Haru, son chat. Un jour, son père disparaît en mer. Et puis, tout dérape. Des hommes patibulaires débarquent dans leur maison et menacent les trois femmes. La famille déménage alors pour Tokyo avec précipitation. Un jour, dans la capitale, Haru lui aussi disparaît laissant Tomomi désemparée dans cette ville où elle se sent perdue, regrettant chaque jour la maison d'Enoshima. Un jour, une amie lui souffle la solution...

Le chat d'Enoshima est une fable moderne complexe. Elle aborde les liens d'affection, que ce soit entre les membres d'une même famille ou avec nos animaux de compagnie. Elle parle aussi des choix des adultes et leur conséquences. J'ai adoré la fin heureuse et tendre. Impossible de ne pas être touché par la sincérité de Tomomi et sa force de caractère.




Deux talents pour un album jeunesse profond


Les deux auteurs, très inspirés par le Japon, signent une collaboration intime. Les dessins de Nicolas arrivent à allier ces petits détails particuliers qui transportent immédiatement au Japon, tout en gardant une vigueur, un flou et des espaces de vide où l'émotion l'emporte. On sent bien dans l'alternance des plans la grande virtuosité de l'auteur pour la narration et le découpage. On entend le brouhaha de la cantine, on sent la pression des corps dans les transports en commun, le chant de la mer et du vent, le désarrois du cœur d'une enfant perdue.

J'avoue, au départ, j'étais dubitative en lisant le nom sulfureux de Romain Slocombe, associé pour moi à des ouvrage sur le fétichisme médical. Un grand écart avec un album jeunesse ! Le résultat est un texte d'une grande sensibilité, direct, touchant et littéraire. Les lieux et mots japonais sont dosés avec justesse, assez pour dépayser par trop pour déstabiliser un lecteur novice.



Voici un album superbe : les illustrations sont merveilleuses. Elles peuvent être admirées séparément, comme un recueil d'art. Quant au texte, il s'agit d'une courte nouvelle illustrée qui tient d'ailleurs sans l'image, tant il est rythmé et travaillé. J'ai aussi beaucoup apprécié la maquette, simple et élégante, et la reliure toilée pour un ouvrage au format italien. Même si vous n'êtes pas amateur d'album jeunesse, mais simple lecteur de roman ou de BD, attiré par le Japon, je vous conseille vivement cette perle.
Pour acheter l'ouvrage sur le site de l'éditeur : 
http://shop.lezardnoir.com/fr/petit-lezard/386-le-chat-d-enoshima-9782353480746.html

Le blog de Nicolas Nemiri : http://nemirishop.blogspot.fr