26 août 2010

Du nouveau dans l'étang : une galerie photo !

Pour Noël de l'année passée, j'ai reçu un appareil photo numérique.
Le mien donnait des signes de vieillesse avec sa batterie agonisante, son encombrement et son poids de dinosaure. Mon voyage au Japon était l'occasion de prendre enfin le temps d'apprivoiser l'animal. Une petite bête compacte, toute rose de chez Panasonic (Lumix DMC FS7 pour les intimes). Un squatteur idéal pour la poche d'un sac, toujours prêt à bondir en cas de besoin, réactif, simple et résistant.
A Tôkyô, j'ai pris plusieurs milliers de photos. Après un mois passé à trier, jeter, ranger, et jeter, retoucher, et encore jeter, j'ai enfin sélectionné plusieurs centaines de clichés. Je pourrais bientôt montrer sans rougir et sans (trop) ennuyer les yeux des curieux...

J'ai toujours aimé prendre des photos. Le numérique facilite la vie, moins onéreux que l'argentique et plus souple dans son utilisation. Le traitement de l'image est aussi relativement aisé. Des vieux souvenir de cours, les conseils des copines avisées, des réminiscences des ateliers vidéo à la MJC et me voilà auto-proclamée photographe amateur, ou plutôt, dilettante. Une compétence dans laquelle j'excelle...


Promenade à St-André de l'Eure

J'apprécie l'image sous toutes ses formes. La photographie n'est qu'un prolongement logique de cette attirance. En un déclic, je fixe l'éphémère magie d'un paysage, l'indicible émotion d'une impression fugace.
Il suffit d'un instant.
Un contraste intrigant, un détail cocasse, une ambiance fragile, une harmonie rare, et les voilà captifs sur une carte mémoire.
Mes prisonniers !

Maintenant, il me reste qu'a partager avec vous ces images, littéralement, mes points de vue. Mon approche est une tentative esthétique, ludique pour attraper ce qui me touche. Le forcer à entrer dans le cadre réduit de l'image. Le cultiver pour le plaisir.
En attendant que j'achève de classer ma foisonnante moisson japonaise, deux albums sont déjà en ligne. Tous vos commentaires et suggestions sont les bienvenus ! Je suis en apprentissage intensif *_*.


Les serres du Jardin des Plantes

17 août 2010

Waterloo 1911 : uchronie impériale et tentaculaire


Et si les français avaient gagné Waterloo... Voici le postulat de la BD éponyme qui nous conte les étranges pérégrinations d'un détective et de son client.

Ça commence comme un polar...

Waterloo 1911 T2
Le privé, c'est Théophile Duroc, un grand gaillard bien plus costaud que le commun du mortel, érudit et rugueux. Le bonhomme est doté d'un caractère complexe avec un train de vie d'aristocrate et une dégaine d'aventurier.

Son client, et bientôt ami, Monsieur Alcée Poivron, plus conventionnel, vient d'être nommé conservateur du musée des colonies impériales. C'est un individu aux abois à qui on vient de dérober un objet mystérieux, une sphère olmèque, prêté par un mécène peu recommandable et désireux de le récupérer dans les plus brefs délais. Les deux compères enquêtent donc avec célérité.



Deuxième volet à la hauteur !

Le second tome de cette série - prévue en trois volumes chez Delcourt - nous révèlent des éléments sur le passé de Duroc mais aussi sur le commanditaire du vol, pas un simple collectionneur mais un mégalomane dangereux, Janus. Le scénario de Thierry Gloris simple et efficace nous permet de profiter pleinement du voyage dans XXème siècle alternatif aux tendances cyberpunk.

Les dialogues croustillants, ciselés dans dans une langue colorées, jamais artificielle, s'associent aux soucis du détail d'un dessin peinture totalement adapté pour donner de la crédibilité, de l'épaisseur à cette uchronie.
D'ailleurs la multitudes des références historiques, culturelles et même mythologiques impressionne. Elles parsèment les cases et se glissent dans la trame du récit. On sent tout l'intérêt et l'affection que Gloris porte au sujet. Les décors particulièrement soignés aident à s'immerger dans cet Empire inventé.

Le dessin de Zarcone et son talent fluide


L'histoire, elle, suit son chemin avec son lot de meurtres, de personnages secondaires interlopes et d'indices semés au vent. Le second tome bénéficie d'un rythme plus soutenu.
Nous voilà au coeur de l'enquête qui s'avère plus déroutante, avec une touche lovecrafienne pas piquée des hannetons. Le dessin lui aussi évolue, moins sombre, plus nuancé.
Le trait d'Emiliano Zarcone s'assouplit et s'affine sans perdre de son caractère. Les visages gagnent en expressivité. Quand à la couleur, mon objectivité flanche. Des ambiances chaudes, glauques et sensuelles intriguent et captivent. C'est probablement une des oeuvres les plus aboutie de Virginie Blancher. Et si elle vous dit : "il y a trop de cyan", je vous laisse juge de son perfectionnisme !

Le blog de Virginie Blancher :
Le blog d'Emiliano Zarcone, en italien :
Thierry Gloris sur Wikipedia :

Genshiken, le coming-out de la culture otaku !

Au siècle dernier, être otaku au Japon, était une tare.

On dissimulait soigneusement cette maladie honteuse. Lors d'événements exceptionnels comme le Comicket au Tokyo Big Sight, ou dans des lieux particuliers surtout à Akihabara, l'identité d'otaku pouvait être fièrement revendiquée.

Un paradis clos


Là, en présence de leur pairs, les malheureux atteints de cette affliction inguérissable pouvaient se livrer en toute impunité à leurs vices !

D'abord des achats effrénés en tout genre : des mangas bien sûr, mais aussi des dôjinshi (fanzines de qualité souvent quasi-pro) avec des filles pré-pubères ou des éphèbes gays dans les deux cas dénudés, des jeux vidéo amateurs pornographiques, des DVD d'animés et de leur cortège florissant de goodies éclectiques, des figurines, des tenues de "cosplays" sorte de déguisements à l'effigie de leur personnage favori avec accessoires adéquats.

Ensuite, et surtout, une occasion de se rencontrer et de discuter d'activités manuelles et artistiques souvent confinées à l'intimité d'une chambre (confection de costumes, montage de maquette, peinture de garage-kit, réalisation de fanzine, dessin, écriture ...). Les moins timides avaient pendant les rares conventions l'occasion de se confronter à leur public, montrer leur œuvres.

Akihabara, la ville électrique

Briser la coquille !


Le début des années 2000 a changé la vie des otaku japonais. Pas de révolution franche mais les conséquences de l'explosion de la bulle économique, l'avènement de l'Internet et des micro phénomènes transforment petit à petit l'image de l'otaku. D'un être gluant, ostracisé, un handicapé des relations humaines ancré dans le rêve – tout en étant un acteur économique efficace – il devient une créature digne d'intérêt, voire... vaguement cool ou à la mode pour les jeunes !
Les activités des otaku demeurent les mêmes, mais avec le changement d'attitude du grand public, les otaku eux-même commencent à évoluer.

Le Tôkyô Big Sight à Odaïda

Genshiken : quand l'otaku revendique sa tribu


Le manga Genshiken commence à être publié en 2002, à l'aube de se monde nouveau. Pendant quelques années, les neuf tomes de cette chronique quotidienne et estudiantine de la vie d'un groupe d'otaku racontent la période mouvementée de l'université et l'entrée dans la vie active. Ce manga retrace aussi, en filigrane, les étapes majeures de la mutation d'un pan de la culture contemporaine japonaise.
Aujourd'hui, avec un peu de recul, je réalise la justesse de cette fresque graphique, tendre et piquante, sans concession sur les aspects les plus dérangeants des otaku.


Genshiken est le nom du club universitaire fictif "d'étude de la culture visuelle moderne". Au japon les amateurs de manga, anime, jeu vidéo, cosplay ne se mélangent pas ou peu. D'ailleurs les boutiques sont spécialisées dans un de ces secteurs. Si la situation évolue, des frontières perdurent. Ce manga met en scène une association de jeunes qui, à la différence des autres, ne restent pas confinés dans leur passion mais communiquent avec d'autres.

Le héros, Sasahara rentre en première année à la faculté et se fait littéralement enrôler de force dans le Genshiken. Garçon timide qui n'assume pas ses envies, il rencontre d'autres jeunes qui vivent joyeusement leurs occupations et leur statut d'otaku : Madarame, l'excité de service avec des lunettes disproportionnés, le rondouillard et calme Kugayama et Kosaka, le petit nouveau avec une trombine de gravure de mode et hardcore gamer de talent.
Saki, ami d'enfance de Kosaka et ouvertement amoureuse de lui débarque dans ce univers masculin et plus intéressé par les filles de papier que celles de chair. Volontaire, râleuse et dégoûtée par les otaku elle va néanmoins venir régulièrement avec l'objectif de mettre Kosaka dans son lit, et dans sa vie. Sa présence ouvre une brèche et d'autres personnages féminins vont s'immiscer dans le club et bousculer la donne.

Pas de grand drame ou de quête initiatique, pas de suspense insoutenable, Genshiken décrit avec finesse et humour des tranches de la vie de ces jeunes par le prisme de leur passion. D'ailleurs, les études ne sont quasiment jamais abordées. Les scènes se déroulent souvent dans le local du club. Les comickets d'été et d'hivers marquent les saisons. Les thèmes les plus scabreux sont abordés sans jugement, toutes les aspects de cette culture souvent qualifiée d'annexe, de "sous-culture" sont exposés ici avec le regard de l'amateur avisé, conscient de ses travers et de ses perversions, mais assumant ses choix avec affection.

Dans les derniers tomes, les personnages arrivent à la fin de leur cursus, la vie en dehors des mangas grignote de leur temps. Les inquiétudes sur l'avenir professionnel donnent un ton plus sérieux, plus émouvant aussi. Sans jamais perdre son humour, l'auteur, Kio Shimoku, montre que l'on peut devenir un adulte responsable sans trahir ses aspirations.

Cette période charnière des études supérieures est rendue plus intense justement grâce aux passions des personnages. Pas toujours partagées, elles se croisent néanmoins, s'influencent, se nourrissent de leurs différences. Un manga qui a aidé à bonifier l'image des otaku et surtout qui offre les clefs de compréhension d'un phénomène humain et social fascinant.


Un manga témoin des mutations sociales


Une vision touchante sur un moment de la vie à la fois insouciant et difficile. Un moment aussi où l'amour prend une autre dimension, où l'amitié se fortifie. Quand on a encore devant soi une infinité de possibilités. Quand on comprend qu'il faudra bien trouver sa place dans la société, qu'elle soit déjà là toute prête, ou qu'il faille se la faire à coup de dynamique.
La version française de Genshiken chez Kurokawa bénéficie de l'excellente adaptation de Fabien Vautrin (webmaster du site Sugoi de 2000 à 2004), qui a réalisé des dossiers explicatifs en fin de tome d'une grande qualité. Une mine d'information de qualité.

Le local du Genshiken avec Kôsaka, Saki, Sasahara et Madarame


En relisant ce manga la vitesse de mutation de la société japonaise et de l'Internet depuis le début des années 2000 m'a frappé de plein fouet. Aujourd'hui, en quelques jours, quelques heures, on passe de l'anonymat à la gloire.
Le plaisir d'aller fouiner pour découvrir de nouveaux auteurs, de nouveau jeux, de nouvelles séries, le plaisir de discuter avec des petits groupes d'initiés sur des rumeurs de projets, le plaisir du temps passé dans la recherche et du goût de primauté, d'originalité tendent à devenir suranné.
Tout est directement disponible, sans effort...
Nostalgique ? Non.

Quand à la quantité d'informations qui menace de nous noyer, elle nous oblige aussi à sélectionner nos critères de tri avec plus de vigilance.
Alors, si vous voulez mieux comprendre le phénomènes otaku, où si vous barboter déjà allégrement dedans, la (re) lecture de Genshiken est incontournable et bien agréable. J'ajouterai aussi que l'animé est sympathique et totalement dans l'esprit de l'oeuvre originale.


Au loin, les tours d'Akihabara

3 août 2010

Shéol : là où les âmes grenouillent


Aujourd'hui j'ai fait ma visite hebdomadaire à la librairie, histoire de discuter avec les copains et de compléter mes séries de mangas, baver un peu sur les nouveautés en BD, fouiner dans les bacs d'occasions...

Je suis repartie avec la BD Shéol sous le bras, dessinée et scénarisée par Dogado, un auteur coréen, éditée chez Delcourt dans la collection Mirage.
Ne connaissant rien de l'auteur ni de l'histoire – je n'ai même pas lu la 4ème de couv – j'ai attaqué ma lecture sur un banc, à l'ombre, avide de découverte.

Les dessins, particulièrement léchés, avec une esthétique un poil morbide et dérangeante m'ont ravis. Le titre Shéol, laissait présumé une histoire de fantôme et cette BD tient toutes ses promesses.

Dans un décor en contre jour, sous un ciel d'orage jaune sale, des enfants jouent aux ballons non loin d'une bâtisse abandonnée. Un coup de pied trop vigoureux, la balle envoyée de l'autre coté du mur, et tout bascule.
On suit, par soubresaut, l'histoire d'une jeune femme à la mémoire criblée d'oublis parfois touchante parfois inquiétante. Deux autres personnages, un docteur des boyaux de la tête bien peu diplomate et sa secrétaire à la prévenance hypocrite, incitent cette héroïne à prendre ses pilules, pour qu'elle affronte enfin la réalité...



Ambiance étrange et amère
La narration, efficace, rend toute l'étrangeté de ce scénario simple et assez linaire. Tout repose dans les ambiances, les dessins maîtrisés et une mise en couleur superbe, beaucoup de teintes ocres et chaudes, comme les entrailles de la Terre.
Ces éléments détournent l'harmonie objective du dessin, ils la plient, la dévoient jusqu'à faire jaillir des détails dérangeants, gores même. Le poisson de la couverture dont l'oeil jaillit de son orbite résume le ton particulier de cet album.

On pardonnera l'intrigue facile, secondaire en final, pour une bande dessinée contemplative qui réussit à induire un malaise viscéral. La chute, attendue dans sa triste évidence, m'a quand même surprise par son caractère malsain et pervers.
Une chouette lecture !