27 janvier 2015

Derniers jours de l'exposition coup de poing sur Niki de Saint Phalle, jusqu'au 2 février 2015


Il ne reste que quelques jours pour aller visiter cette exposition impressionnante au Grand Palais qui propose une rétrospective de l’œuvre de cette artiste majeure du XX ème siècle. Même si l'esthétique particulière ne vous attire pas, je vous conseille vivement d'aller découvrir son travail.

Une femme engagée dans sa vie et le monde


Durant des années, j'ai boudé Niki de Saint Phalle dont je ne connaissait que ces « nanas » obèses aux couleurs criardes et la fontaine Stravinski devant Beaubourg. Lors d'une visite au MAMAC de Nice, j'ai pris le temps de lire sa biographie et enfin compris pourquoi ses sculptures me dérangeaient.
Niki de Saint Phalle a grandit avec une cuillère en argent dans la bouche à une époque où, dans les milieux bourgeois, une femme devait se taire. Sa grande beauté et l'ambition maternelle dévorante l'ont conduite à être mannequin et à se marier à 18 ans Mais, derrière la façade lisse, Nikki est une boule de souffrance et de rage, brisée par les abus de son père. Une jeune femme sensible bouillonnante d'idées. Elle atterrit en hôpital psychiatrique à 23 ans et découvre alors la puissance de la peinture. Dans l'art, elle exprime toute sa douleur, son chaos intérieur mais aussi ses rêves, son désir inextinguible d'une création débridée, libre, heureuse et féminine.



Niki de Saint Phalle est non seulement une grande plasticienne qui a expérimenté toute sa vie, sans aucune crainte, mais c'est également une femme engagée avec une conscience politique, écologique et surtout, une voix pour défendre les droits de son genre, encore perçu comme décoratif et soumis à l'homme.

Son œuvre évolue tout au long de sa vie, d'abord avec un style violent, piquant, coupant, de couleurs sombres puis de plus en plus rond et coloré. L'horreur de son enfance est toujours là, mais au lieu de le jeter à la figure du spectateur, l'artiste effectue sa catharsis, et réussir à passer outre ses traumatismes. Non seulement elle effectue sa thérapie mais surtout, elle propose une réponse universelle aux maux de son époque (qui sont toujours les nôtres) et s'affirme comme une féministe intelligente. La grande force de Niki de Saint Phalle est d'avoir su utiliser son image, sa beauté et sa culture pour appâter les média et le grand publique afin de proposer une alternative joyeuse à la situation de la femme sans tomber dans la mièvrerie et sans jamais édulcorer son travail.





Voyage vers la lumière


L'exposition au Grand Palais est construite à la fois de façon chronologique mais aussi thématique avec une scénographie très réussit. De salle en salle, on navigue entre des couleurs et des ambiances à chaque fois adaptées aux œuvres présentées. L'alternance entre les périodes difficiles de la vie de l'artiste et celles plus légère permet au visiteur de ne pas être happé par la souffrance intérieure. Au contraire, nous suivront pas à pas le travail de l'artiste qui arrive à sublimer les cassures de l'enfant qu'elle a été, pour devenir une femme au cœur et à la vision aussi large que ses immenses installations monumentales.
Dedans, il y a beaucoup de vide et une structure métallique faite de brique et de broque, laide, coupante, chaotique et pourtant solide. Dehors, il y a une peau de mosaïque ou de béton, des couleurs chatoyantes, des miroirs brillants.



Si certains passages de l'exposition sont terriblement poignants voire très dérangeants comme quand elle évoque les relations familiales dysfonctionnelles (la série « daddy e) qu'elle a subit, ou le « mur de la rag » qui m'a ému aux larmes, ce qui perdure reste une impression de chemin intérieur vers la lumière. Niki de Saint Phalle a travaillé pour créer des constructions avec comme objectif que les enfants s'amusent, que le public soit émerveillé. Elle dénonce la violence sous toute ses formes et trouve un équilibre entre l'esthétique ronde, colorée et attirante et des éléments plus sombres, inquiétants et morbide.




Je suis ressortie de l'exposition avec la sensation d'avoir effectuer un long voyage, épuisée mais heureuse. Impressionnée par cette femme avant-gardiste qui a lutté toute sa vie contre les barrière sociales imposées souvent par des hommes, contre l'absurdité des guerres et des violences qu'elles soient physique ou psychologiques. Cette femme, une artiste qui a lutté contre elle même, pour ne jamais s’arrêter de créer et ne jamais se noyer dans la souffrance. La création était au départ son seule mode de survie, son salut, puis peu à peu, le moyen d'être heureux et surtout de rendre les autres heureux et conscient.

Les photos que j'ai prise sont certaines œuvres qui m'ont terriblement marqué mais ne sont pas représentatives de l'exposition. Pour avoir des info plus objectives, je vous recommande vivement le lien qui suit : 
http://www.grandpalais.fr/fr/article/niki-de-saint-phalle-toute-lexpo
Le dossier pédagogique :  http://www.grandpalais.fr/pdf/dossier_pedagogique/Dossier_pedagogique_Niki.pd

20 janvier 2015

"Il était une fois... " la quintessence des contes en haïku


Voici un livre jeunesse tout en poésie et délicatesse, un bijou de simplicité, ornée d'illustrations et de quelques mots choisis avec soin. Un livre qui, courageux et téméraire, résume en trois phrases et une image, le cœur des contes de fées les plus célèbres. Il était une fois... Contes en haïku rassemblent vingt histoires, condensées chaque sur une double page !

Cela pourrait ressembler à un exercice scolaire, ou à un défi totalement fou, pourtant, le résultat est là : vibrant de justesse et de magie. Agnès Domergue trouve les qualificatifs exacts et arrive avec quelques syllabes à évoquer les sensations les plus persistantes des contes. Quant aux dessins de Cécile Hudrisier, tout en rondeurs diluées et motifs japonisants, ils se plient aux même règles. Ici, le haïku est non seulement dans le texte mais aussi dans l'image.
La maquette est, comme souvent dans les ouvrages jeunesse, de grande qualité et très inventive. Le haïku est en page de gauche, sur un papier de couleur adapté à l'ambiance de chaque conte, alors que le dessin, en page de droite est toujours sur fond blanc. La qualité de l'édition (Thierry Magnier) est irréprochable.

Le titre de chaque conte n'est mentionné qu'à la fin de l'ouvrage, laissant au lecteur tout le plaisir de deviner quelle est l'histoire ainsi revisitée par les deux comparses. Il était une fois... Contes en haïku surprend par son minimalisme touchant, la force des émotions qu'il arrive à susciter, de la joie à l'inquiétude, en passant par une nostalgie douce. Le travail derrière ces quelques pages est probablement colossal : il faut parfaitement connaître et surtout ressentir les contes pour réussir à les concentrer ainsi. La quatrième de couverture indique "Vouloir raconter un conte en trois lignes, c'est essayer de mettre un kilo d'oranges dans une toute petite fiole !". Le pari est réussi et ce livre est une bouteille d'huiles essentielle.





Le blog des auteurs :
- Cécile Hudrisier
http://leschosettes.canalblog.com
- Agnès Domergue
http://agdoalto.blogspot.fr/p/mon-book.html


13 janvier 2015

Sur les pavés, des millions à marcher pour la Liberté...

De l'amour et du rire par millions

La semaine dernière avait bien commencé. La première de l'année. Une visite par l'expo Ghibli pour me nourrir de magnifiques dessins, des rencontres avec des amies, prendre le temps d'écrire mes résolutions pour 2015, d'organiser mes projets. Une nouvelle année de promesses, avec cette certitude qu'elle serait encore mieux que les précédentes.

Ces humains que je ne comprends pas...



D'abord la fusillade dans les locaux de Charlie Hebdo. Et puis la traque, les prises d'otages. 12 morts ne suffisaient pas aux fous de dieux obscurantistes et liberticides. Les médias étaient sur les dents, parfois avec des interviews et des articles plus sensationnels qu'informatifs. J'ai regardé, la gorge nouée, les évènements d'une violence insoutenable. Je n'ai pas la TV, ça limite les dégâts.


Lutter avec des crayons

Hélas, j'ai quand même vu passer - sans jamais la visionner - la vidéo de l’exécution de sang froid du courageux policier, abattu comme un chien. J'ai été choquée. L'acte est hors de ma portée, je ne peux même pas l'appréhender. Ce qui m'a terriblement choquée c'est la diffusion même du film. Insupportable pour les proches, insupportable pour la mémoire de cet homme, mais aussi insupportable de balancer ça dans la figure d'innocents - naïfs ? - qui comme moi se prennent cette horreur en pleine face alors qu'ils surfent sur les réseaux sociaux sans chercher à contempler la mort en directe.

Puis, il y a eu ces articles proclamant, souvent avec des arguments intelligents, « je ne suis pas Charlie ». Mon malaise grandit, sans compter la récupération marketing de certains qui ont immédiatement tenté de vendre des produits dérivés avec le design de Joaquim Roncin. Et les p'tits malins et idiots de tous poils qui pour se différencier tiennent des propos encourageant l'action terroriste ou alors totalement islamophobes.


Dans la vague solidaire...

La liberté et son respect


Nous vivons en France, un pays de libertés mais aussi de lois. Nous avons le droit, en tant qu'individu, d'être raciste, homophobe, anti-tout. Cependant, ces propos doivent rester dans la sphère privée. Nous avons le droit de penser ce qu'on veut, y compris les trucs les plus choquants, les plus barbares. Là où ça coince, c’est lorsqu'on pense que liberté signifie « droit à tout exprimer en public ». Nous vivons dans un état de droits. Il y a des lois qui sont là pour faire en sorte que la société puisse exister sans que nous nous étripions gaiement. Si cela ne vous plait pas, partez ! Certains semblent avoir oublié que la diffamation ou l’apologie de la violence sont illégales. Nous risquons tous de payer leur idiotie avec une dérive sécuritaire !

Que le mouvement de solidarité s'accompagne de personnes prêtes à le récupérer, à s'en dissocier pour se faire remarquer, n'est pas surprenant. Cependant, je n'aime pas qu'on salisse les idées et les mouvements lumineux. A mesure des réactions allant du « je ne suis pas Charlie » au « c'est bien fait pour leur gueule » en passant par « des centaines de gens crèvent ailleurs », ma colère est montée d'un cran (sans compter les profiteurs qui se font de la thune).

Autant de preuve que l'humain est capable du pire comme du meilleur et surtout que la bêtise est une valeur en poupe. Deux denrées sont en quantité illimitée sur notre planète : la connerie humaine, et l'amour. Marcher dimanche était, pour moi, un choix nécessaire : je revendique ma capacité à l'empathie, mon droit à l'indignation, au refus de l’intolérance et de la peur.
Marcher était une évidence.
Pour autant, je ne suis pas un mouton décérébré. Je n'étais pas à la Place de la République pour soutenir la batterie de politiciens de tous poils dont certains ont des comportement absolument liberticides dans leur pays. Je n'y étais pas pour changer le monde - même moi je ne suis pas naïve à ce point ! J'y étais parce que je vis en France, un état laïc dont la devise est « Liberté, Égalité, Fraternité ».


La relève est assurée !


La douceur des anciens

Les dieux à la poubelle !


Je suis athée.
Je pense que les religions sont une plaie même si elles ont permis l’édifice de magnifiques bâtiments. Je n'ai pas beaucoup de respect pour les religions. Par contre, j'ai du respect pour les personnes, quelque soit leur croyance et leur foi, tant qu'elles ne l'imposent pas aux autres. Étant de culture judéo-chrétienne, j'avoue avoir une plus grande tolérance sur les aberrations du christianisme et du judaïsme puisque je les côtoie depuis ma naissance.

Notre capacité à aimer, à s'élever, à rendre les autres heureux est indépendante de toute appartenance à une quelconque religion ou système de pensée réglementée. Je suis férocement attachée à la laïcité. Attention, je fais un distinguo entre religion (comme système de culte) et spiritualité. La première étant, grosso modo une secte qui a réussi à avoir pignon sur rue, la seconde étant indépendante, libre et en perpétuel mouvement. Pas besoin de croire en dieu pour comprendre les notions de Bien et de Mal, de lumière et de noirceur.

Salam = Paix

Je suis athée. Cependant, je comprends le besoin d'appartenir à quelque chose de plus grand que soi, d'avoir des certitudes face à notre mortalité. Je comprends que certains trouvent dans une religion des réponses aux angoisses existentielles de nos vies.
Je suis athée et j'apprécie de vivre dans un pays cosmopolite où la richesse naît des différences. L'intégration de ces différences est, malheureusement, souvent délicate et tend en période de crise à jouer sur des peurs animales, à créer des replis où l'autre devient l’ennemi. En matière d'horreur et de massacre, je ne sais qui, des fanatiques religieux ou idéalistes, gagnent le grand prix du génocide.

Au crépuscule, l'éveil des espoirs...

 

Marcher pour elle


En marchant dimanche, au milieu de millions d'humains, tous différents, tous uniques, j'ai remarqué le nombre de musulmans qui se dissociaient des terroristes fanatiques et revendiquaient leur fierté d'être français. Peut-être que cet attentat aura une conséquence heureuse : celle d'une intégration enfin réussie des musulmans. Peut-être que cela permettra une séparation claire entre ceux qui ont l'Islam comme religion et ceux qui flirtent avec l'intégrisme jusqu'à croire que tuer est une solution valable pour imposer leur croyance.
Nous vivons dans un pays laïc.
La religion est un choix de vie individuel qui ne doit jamais se substituer aux lois de la République (et mon propos est aussi valable pour les crétins qui refusent de soigner leur gosse ou de les scolariser sous prétexte que leur Dieu leur interdit).

En marchant dimanche, j'ai eu le sentiment que l'intelligence gagnait. Que la tolérance gagnait. Je me fous de ceux qui tentent de « récupérer » des millions de Français qui, partout dans le pays, de la capitale aux petits villages, se sont rassemblés, émus par le sort de ceux tombés sous les balles des intégristes, conscients de la peine des familles en deuil, choqués de cette déferlante de violence froide et systématique. Ces Français ont choisi de montrer leur solidarité plutôt que d'être apeurés. Je suis fière d’être des leurs.

Nous avons de la chance de pouvoir marcher ainsi sans risquer notre vie. Marcher sans risquer d'être abattus, lapidés, massacrés. Marcher pour la liberté. Marcher pour la vie.


Marcher avec amour


Dimanche 11 janvier , j’ai marché aux côtés de La Moustache et de Anne, une amie très proche.
J’étais là où je devais être.
Et vous, avez-vous marché ?

Pour soutenir financièrement Charlie Hebdo (et les familles endeuillées) :
- S'abonner : http://www.toutabo.com/charlie-hebdo
- Donner : https://www.donspep.caissedesdepots.fr/?journal=CHAR

9 janvier 2015

Les Destructeurs : un projet BD courageux et novateur à soutenir !

Les Destructeurs, la prochaine BD de François Amoretti


Aujourd'hui, grâce au web, nous pouvons tous soutenir les artistes qui nous plaisent. Nous pouvons leur acheter directement leurs œuvres (peinture, roman, BD, musique...). Nous pouvons aussi les aider à mener à bien leur projet avec un financement participatif. Aujourd'hui, nous sommes tous des mécènes potentiels, à la mesure de nos moyens. Voici Les Destructeurs, le dernier projet BD d'un auteur talentueux et expérimenté, François Amoretti, que j'apprécie énormément.

1 Qui est François Amoretti ?


François est d'abord un homme amoureux. Amoureux de sa charmante compagne, la piquante pin-up Nella Fragola. Amoureux du dessin, des encres, des mondes mystérieux et obscurs, amoureux de la magnificence de la nature aussi belle que cruelle. Amoureux de ses idéaux, des Femmes, de l’Écosse...

Je l'ai découvert par ses œuvres avant d'avoir le plaisir de rencontrer la personne derrière l'artiste. Bon nombre de ses précédents albums ont d'ailleurs été chroniqués ici : Le Petit Chaperon Rouge et Burlesque Girrrl (tome 1, tome 2).

François est un illustrateur-conteur expérimenté.
Feuilleter ses précédents livres est un voyage dans le temps et l'espace. Au début de sa carrière, il est imprégné de Japon et de la culture alternative des Gothic Lolitas, elle-même imprégnée par l'époque victorienne. Il est féministe, fasciné par l'autre sexe : sa fragilité, sa force, sa ressource sauvage face à la menace. Avec le temps, la multiplicité et complexité de ses influences enrichissent ses dessins et récits.
Il a gardé une âme d'enfant, s’enthousiasme, laisse parler sa curiosité. Cependant, c'est un homme lucide, engagé, les yeux grands ouverts sur les maux de notre monde et prêt à les dénoncer à la pointe du crayon. Un paladin des temps modernes qui sait contempler la noirceur sans s'y perdre, sait se pencher sur bord de la margelle du puis sans choir dans les profondeurs.

Hélas, comme d'autres artistes professionnels, il choisit la voie difficile de l'auto-édition pour porter un projet très personnel.



2 Qu'est ce que Les Destructeurs ?


Les Destructeurs est un projet BD ambitieux hors des clous des collections classiques tant par sa forme, proche du livre d'art, que par le fond : un roman graphique protéiforme, qui tient à la fois du conte fantastique, du récit d'aventure épique mais aussi de l'humour noir.

L'histoire

Shauna, une jeune londonienne, se sent mal, déphasée de ses contemporains. La vie ne l'a pas épargnée. Chaque jour est une lutte. Elle travaille le soir comme serveuse dans un pub, étudie le jour, et la nuit, s’effeuille devant sa webcam tant elle peine à joindre les deux bouts. Son quotidien terne et solitaire au cauchemar. La malchance lui colle à la peau avec une constance surnaturelle. Tant est si bien que Shauna se sent persécutée. Paranoïa ou risque réel ? Après une agression violente, Shauna pète un câble. Quelque chose en elle se rompt, ou peut-être se libère. La voilà soudain téléportée comme par magie dans un petit village d’Écosse.

Page 11 (cliquez pour agrandir)


C'est le début de la fin.

Les maux de notre monde moderne (la saleté, l’idiotie de la masse inerte, l'égocentrisme, la contamination radioactive...) s'incarnent pour devenir des nouveaux dieux tout aussi formidables que mortifères. Leur objectif est simple : anéantir Shauna. Leur particularité réside dans leur origine : ils sont des créations des hommes, que ce soit des conséquences de leurs actions ou de comportements particuliers. L'affrontement entre Shauna et ces créatures sera titanesque, apocalyptique. Une seule issue semble possible : la fin du monde.



Prologue, page 1 (cliquez pour agrandir)

Prologue : page 2 et 3 (cliquez pour agrandir)

Shauna est-elle la cause du carnage en refusant de mourir gentiment, en refusant de se sacrifier pour l'humanité ? Ou est-elle la sauveuse en éradiquant ces dieux asservissants ? Dans sa lutte, elle ne sera pas seule, avec à ses côtés, les membres disparates d'une équipe de cricket ! Tandis que notre groupe de héros lutte pour la survie de tout ce qui leur est cher, d'autres préparent lâchement leur fuite. Shauna par son refus de capituler et ses actions radicales devient le bouc émissaire idéal. Arrivera-t-elle à sauver l'essentiel avant que les faux-dieux et la stupidité des hommes ne la terrassent ?

Les Destructeurs est porté par la force de la mythologie nordique mais aussi de légendes et croyance de multiples origines, comme on le retrouve souvent dans les scénarios des jeux vidéo japonais qui puisent dans les cultures du monde entier et créent des panthéons cosmopolites.

Les dessins

Cette histoire est illustrée avec un style graphique très affirmé. François s'est depuis longtemps affranchi du découpage classique avec cases et phylactères pour incorporer à son récit des dessins plus proches de ceux des contes traditionnels.

Il opte pour une narration personnelle qui reste toujours d'une grande lisibilité. Nous sommes ici aux frontières de la BD comme peuvent le faire des auteurs tel que Sandoval, Almanza ou Richerand . La précédente série de François, Burlesque Girrrl, était déjà intime dans le propos. Là, il continue son chemin en toute liberté sans être entravé ni par les nécessités de plaire à un éditeur ni de satisfaire les désidératas du public : il nous propose une histoire coup de poing, sincère dans la description sans concession de notre société et de ses travers, pourtant sans tomber dans un discours moralisateur. Il manie l'humour, parfois absurde, parfois cynique mais jamais désespéré et toujours avec intelligence.




Les Destructeurs est à la fois un album divertissant et cathartique, mais aussi une fable philosophique où l'auteur règle ses comptes avec ce qui lui déplait dans notre monde et propose, par la fiction, une réalité alternative, porteuse de ses espoirs. Comme il le résume si bien, avec concision et insolente “Shauna est une menace pour les cons”. Les Destructeurs est un plaidoyer pour l'intelligence et le respect, un appel à ne pas se laisser malmener, à ne pas subir la loi de la masse. Un appel à la lutte pour préserver ce qu'on aime, ce qui nous émeut, ce qui nous rend humain.
Simplement jouissif.

3 Pourquoi le financement participatif ?


Le projet des Destructeurs a essuyé plusieurs refus des éditeurs (parfois avec des motifs hautement argumentés comme la forme de la bouche de l'héroïne) avant que François ne décide de remanier l'histoire. Il abandonne alors toute auto-censure et opte, comme tant d'autres, pour l'auto-édition avec un financement via Ulule afin d'avoir l'argent nécessaire à la fabrication et à la diffusion.

L'intérêt pour l'auteur est qu'il n'y a plus de limite dans la créativité. Bien évidement François raconte une histoire et donc obéit à des règles afin d'être compris, mais il ne subit pas la pression du marché et des règles du marketing qui impose la façon de traiter ou de passer sous silence certains sujets. Il est le maitre absolu de son histoire et de son dessin et n'a de compte à rendre qu'à lui-même et aux lecteurs. La contre partie est de devoir assurer, outre la création, tout le travail de l'éditeur (des corrections, à la fabrication, jusqu'à la diffusion et la promotion).


Shauna et les faux-dieux (cliquez pour agrandir)

Le financement a aussi un avantage pour le lecteur : Cette totale liberté de l'artiste donne originalité et force au projet. Les Destructeurs ne sont pas une BD insipide, pré-mâchée, formatée pour séduire. On arrête enfin de nous prendre pour des imbéciles qui ne peuvent pas comprendre si le scénario est complexe, si le dessin est différent des canons habituels. Je ne vais par ici jeter des cailloux à tous les éditeurs. Il existe encore certains courageux qui osent publier des ouvrages audacieux, le problème est qu'en général, les coûts inhérents à la chaine du livre font que l'auteur ne peut pas en vivre (en général il touche entre 3 et 8 % du prix du livre comme rémunération).

Le lecteur choisit son engagement : il peut juste acheter le livre en précommande au prix attractif de 26 euros (il coûtera plus cher une fois la campagne de financement achevé et sera en vente que sur les festivals ou le net (avec des frais de port). Il peut aussi être plus actif dans le soutien en choisissant de donner plus et d'avoir ainsi des contreparties très attractives (dédicaces, dessins, planches originales, goodies sympas). Pour les âmes de mécènes, la possibilité de donner simplement sans aucun retour existe aussi !

Le projet vient d'atteindre les 100 % à l'instant où j'écris ces lignes ! Tout l'argent supplémentaire collecté servira simplement à l'auteur pour qu'il puisse accomplir quelques dépenses triviales : payer son loyer, manger... En effet, le financement n'est pas un salaire mais juste de quoi fabriquer le bouquin. Concrètement, François doit aussi assurer d'autres travaux d'illustrations en parallèle.

4 Comment sera le livre ?


Si je ne vous ai pas encore convaincu de participer, voilà plus d'informations sur l'objet fini : Amateur des belles choses, des livres anciens à la reliure de cuir qui donnent aux bibliothèques leur charme et leur odeur, François souhaitait que son livre soit de qualité. Il apporte donc un soin particulier à la fabrication. Les Destructeurs ne sera pas une BD fanzine mais un ouvrage soigné, en un seul tome.

Projet de couverture (non définitif)
Voici les spécifications techniques : un format A4 de 96 pages. Une couverture cartonnée et toilée avec une impression dorée au fer chaud (cela crée un relief). La reliure sera un dos rond, elle est cousue (pas de pages collées qui finissent par prendre la poudre d'escampette), avec un signet. La tranche sera teinte en rouge. Le papier choisi est épais pour mettre en valeur les noirs et blancs des illustrations.

Vous avez jusqu'au 16 janvier 2015 pour participer au financement et pré-commander votre exemplaire. Après, il faudra l'acheter via le web ou en festival. Attention, le tirage va être limité à quelques centaines d’exemplaires. Une version traduite en anglais sera aussi disponible.






La page du projet :

Le site web de l'auteur :

Une dizaine de pages de la BD sont déjà en lecture sur son blog :

Deux entretiens avec François :

7 janvier 2015

La tyrannie de la bêtise et de l'ignorance


Source : Joachim Roncin

Il est midi.
Je lis une interview de François Amoretti sur facebook en préparation d'un article. Il doit me téléphoner tout à l'heure. J'ai décidé de décrocher des réseaux sociaux pour ne pas être trop parasitée. Ne plus trop être envahie par les mauvaises nouvelles.

Du coin de l'oeil, je vois passer une information inquiétante. Je clique.
L'horreur est là, absurde. Les mots me manquent.

Deux abrutis armés ont été canardé la réunion de rédaction de Charlie Hebdo.
Peu à peu les dépêches tombent. Les morts s'additionnent. Des noms familiers. Des piliers ; des institutions de la BD, de la caricature mais aussi du journalisme. Des troublions défenseurs des libertés et de l'intelligence. Des agitateur prêts à tout remettre en cause, des artistes pour secouer nos cerveaux, dépoussièrer les idéaux, bousculer la société et nous rappeler que rien n'est jamais acquis.
En face, la bêtise crasse, l'ignorance dévastatrice de ceux persuadés d'avoir raison, d'avoir une connaissance absolu du sens de la vie. Le fanatisme brut qui impose à tous une pensée unique, une croyance qui ne supporte ni la différence ni même la moindre fantaisie.
Des abrutis.
Des abrutis armés.
Les plus dangereux.

Face à l'intelligence, à la tolérance, aux questionnements incessants et piquants, juste deux hommes armés. Voilà une bien triste journée pour les humains.

Comment lutter ?
Comment oser afficher ses opinions quand le risque est d'être abattu ? Bien sur, ce n'est pas à mon humble niveau de grenouille que je risque ma vie. Ma voix est minime. Cependant, le risque est là. L'auto-censure, la peur, l'angoisse de la violence. Le fanatisme religieux déplace des montagnes car le nombre d'hommes broyés dans l’exercice ne compte pas.

J'ai eu une éducation athéiste.
J'ai été longtemps anti-cléricale. Je n'ai pas oublié l'idiotie meurtrière des croisades et l'ingéniosité macabre de l'inquisition. A l'époque, heureusement, nous ne disposions pas de la technologie pour faire péter la planète. Avec les années, je me suis assagie, je suis devenue plus tolérante face au choix religieux d'autrui, tant qu'il n'entrave pas les libertés fondamentales.


Nous vivons en France, dans un paix laïque, une démocratie où le peuple fait entendre sa voix. Je m'extasie souvent sur la chance que j'ai d'être née en France, au 20 ème siècle. Je n'ai jamais connue la guerre. Je n'ai jamais connu la faim. Je n'ai jamais été persécutée pour mes opinions, mon ethnie ou mon sexe. Je songe souvent à toutes ces femmes qui n'ont pas la même chance.

Pourtant, aujourd'hui, l'action de deux hommes nous rappelle cruellement que la paix est fragile. Que la liberté est sans cesse sous la menace de ceux qui veulent asservir leur prochain. Elle est souvent diffuse avec les lobbies financiers, la quête d'argent et de pouvoir au détriment de l'équilibre écologique. Et parfois, la menace est franche, directe, grossière dans son imbécillité et pourtant, tout aussi efficace.

Dessin : Claire Wendling

Une bonne partie des humains sont des imbéciles. Ce n'est pas nouveau. J'en suis une aussi, régulièrement. Mais je me soigne, c'est facile : je lis, je m'éduque. L’obscurantisme doublé de violence est un des pires maux de ce monde.
Que faire de ces fous de dieu ? Que faire face à leur colère ?

Je suis d'une nature pacifiste. Cependant, face à une balle, toute l'intelligence, la créativité et l'amour du monde ne peuvent pas lutter. On enterre aujourd'hui des dessinateurs. Des révolutionnaires du crayons. Des hommes toujours prêt à la lutte pacifique avec des traits et des mots.

Le triomphe des armes me plonge dans une immense tristesse.
Je suis heureuse de vivre en France. Au moins, j'ai encore la capacité émotionnelle à pleurer. Parce que ici, les attentats n'arrivent pas tout les jours.

2015 : une brouette de résolutions salutaires



2014 est morte et enterrée ! Vive 2015 ! 

Je vais changer beaucoup de choses. Afin de combattre ma tendance à me fixer des objectifs inatteignables et à surcharger mon emploi du temps, j'avais décidé de limiter mes activités, de viser moins haut. Cela n'a pas éviter que j'explose en vol en début d'année dernière. Peut être que mon effort pour ralentir est venu trop tard, ce qui est certain est l'impression de flemme et de lourdeur qui m'a envahi ces derniers mois. Même si j'ai accompli des choses en 2014, une impression de frustration et d'indolence perdure.

À la lecture de l’excellent essai de John Perry La proscratination, l'art de reporter au lendemain que je chroniquai un jour prochain ici (avec un peu de chance, avant 2016), j'ai compris qu'alléger ma liste de taches ne me permettait pas de me consacrer à ma priorité absolue, à savoir l'écriture. Je trouve quand même un moyen de bricoler autre chose et de tergiverser. La différence est cependant notable : avec une longue liste, je suis active et je fais des masses et des masses de choses, sauf bien évidement, l'essentiel. Avec une liste réduite, je ne fais plus rien.
Et en plus, je déprime !

2015 commence donc avec une pluie de résolutions : tant pour l'organisation de mon quotidien courant que pour l'écriture, la photo et ma vie personnelle.

1) Organisons-nous !
Pour être parée à affronter mon tempérament bordélique naturel, j'ai investi dans des calendriers, agenda et kakebo (livre pour tenir les comptes) afin de simplifier la vie de tout les jours et d'avoir une meilleur gestion de mon temps. J'ai une sainte horreur du ménage et du rangement mais je déteste encore plus la crasse et le bordel. Vivre dans un cadre agréable est essentiel pour la créativité !

2) Chouchoutage intensif
J'ai décidé de prendre mieux soin de moi. Depuis octobre je pratique une activité sportive régulière. Rien de bien violent hein. Juste de quoi combatte ma nature de moule. En plus il me suffit juste de traverser la rue pour suivre les cours de Tai chi et Qi qong de l'association Yin Yang Club. Me remettre à la cuisiner est aussi l'une de mes résolutions. J'ai déserté les fourneaux laissant souvent à La Moustache le soin de concocter de bons petits plats délicieux et très riches. Le résultat est là : la grenouille fait du lard. Cette année je m'y recolle. Au menu : tofu, agar agar, poissons, champignons et crudités !

3) Utiliser son temps avec sagesse
Je veux perde moins mon temps, notamment sur les réseaux sociaux et le net. Il est facile d'oublier ses obligations et de se détourner de sa vie en s'occupant de celle des autres, en se faisant envahir par les maux de la planète. Je ne compte plus les colères et les larmes que j'ai versé en lisant des articles sur la contamination au Japon, l'état de l'écosystème des océans ou les déboires de malheureux humains broyés par un monde absurde. Quelque soit ma peine, ma révolte, les choses n'ont pas bougés d'un iota. Je me suis fatiguée.
Pire, je me suis diluée.
J'ai donc besoin de prendre de la distance émotionnelle et donc de fermer les yeux volontairement. C'est un travail de longue haleine que je mène depuis plusieurs années mais j'ai encore des progrès à faire de ce domaine.

4) Cultiver l'imagination : un peu d'engrais pour que ça pousse
Avec ce précieux temps récupéré, je souhaite lire plus, écouter plus de musique, voir plus d'expo. Nourrir ma tête et mon âme de belles choses et aussi de les partager ici. Enfin, bien sûr, j'ai mon second tome de roman à écrire et le premier à finir de corriger. Pupuce, mon appareil photo, attend sagement que je l’emmène en vadrouille pour voir un peu le monde.

Et, malgré des mises à jour ici très sporadique, il y a toujours des gens curieux derrière leur écran qui passent tremper un orteil dans l'étang. Alors, pour toi, lecteur anonyme ou copain de la vrai vie ou de la blogosphère, je vais aussi me botter le popotin et être plus régulière dans des chroniques passionnées sur mes découvertes culturelles et mes autres articles grenouillocentrique.

5) Partir
Enfin, en 2015 je veux voyager. En France ou à l'étranger, seule ou avec La Moustache, j'ai envie de prendre le train, capturer des images d'ailleurs, regarder le monde loin de la capitale. Me remplir les poumons d'un autre oxygène et observer le vert des forets et la bouillasse des sous-bois.
En 2015, tu es prévenu, ça va bouger !! Je vous souhaite à tous beaucoup d'énergie, de motivation et surtout de courage pour vous lancer des défis et ne pas hésiter à partir à l'aventure.

Et vous, quelles sont vos résolutions pour cette nouvelle année ?


Merci à Virginie Blancher pour le design de la carte de vœux ! C'est elle qui s'occupe de l'habillage graphique du blog depuis sa création.