Ma vie d'adulte est une BD intimiste, presque en forme de journal, qui narre le quotidien de Lisa. On l'accompagne un bout sur la route semée d'embûches de sa vie, sa quête du bonheur, absolument pas épique, absolument pas dramatique, et pourtant tellement essentielle et vraie.
Marre de vivre comme une gamine !
Lisa arrive à l'age où la société, les conventions, attendent d'une femme qu'elle soit « adulte », indépendante, responsable. Qu'elle rentre dans le moule avec un travail, un compagnon, éventuellement un ou deux mouflets. Une image stéréotypée et lisse du bonheur qui ne convient pas à Lisa. Alors, elle cherche un itinéraire bis, une voix alternative...
Marre des boulots alimentaires ! Marre d'un quotidien qui ressemble à celui d'un étudiant ! Marre du carpe-diem ! Lisa veut quelque chose de plus fort, quelque chose qui la fasse vibrer. Alors, elle décide de sortir de ses habitudes, de réfléchir à ce qu'elle a envie d'exercer comme métier. Elle se donne le temps de se pauser pour rebondir non pas mécaniquement vers la première opportunité de boulot, mais vers un poste qui correspondra à ses attentes.
Sur cette route, Lisa n'est pas seule.
Il y a Paul à ses cotés. Une relation amoureuse encore en rodage qui pourtant s'ancre dans des sentiments forts, un désir d'échange, de compréhension. Paul est un homme stable, rassurant. Ni paternel, ni envahissant, il apporte à Lisa le soutien matériel pour calmer ses angoisses mais reste en retrait afin qu'elle fasse ses choix, prenne ses décisions en conscience. Une jolie histoire d'amour sans passion dévorante mais avec une profondeur touchante.
L'accord parfait
Ce qu'il y a de super, avec une amie coloriste, c'est qu'on se retrouve avec des BD entre les pattes qu'on n'aurait pas découvert seule. Le graphisme de « Ma vie d'aldulte » ne correspond pas à mes goûts graphiques. Et les histoires de trentenaires mal dans leur peau avec de grandes interrogations existentielles, ben, très peu pour moi. 1) j'ai assez des miennes. 2) je me retrouve plus dans la sensibilité japonaise des josei tels que Body and Soul.
Donc, rien ne me prédisposait à lire ce bouquin, sauf que Viny avait fait les couleurs. J'ai donc suivi pendant quelques mois l'avancée d'une collaboration parfaitement rodée.
Et je remercie encore Viny pour cette découverte ! Sans elle, je serai passée à coté d'une histoire intimiste, intelligente, certes pas d'une originalité transcendantale, mais avec une âme positive et très humaniste. Une BD que l'on pause, que l'on relit, que l'on prête aux cop(a)in(e)s et surtout, qu'on fait lire à son compagnon !
Le dessin de Michel-Yves Schmitt, un trait simple et direct, assez graphique, sert à la perfection l'histoire écrite par Isabelle Bauthian. Le travail de gammes de couleur de Virginie Blancher renforce les ambiances, donne cette touche tantôt nostalgique, tantôt drôle ou angoissante.
Lisa a le verbe haut et acide, toujours à propos. Les dialogues, de grande qualité, coulent naturellement. Bauthian trouve l'équilibre entre les silences et les phylactères bien remplis. Le découpage général très classique sert une narration totalement lisible. Les flash-back sont inclus sans fioriture.
C'est avec grand plaisir qu'on suit les pérégrinations de Lisa. Le scénario fluide s'articule autour de personnages croqués avec un réalisme surprenant : des copines qu'on oublie dès qu'on ne les côtoient plus, aux parents et leurs attentes étouffantes, les collègues pas bêtes mais résolument décidés à ne pas vous comprendre, les autres comme nous que l'on croise et qui reconnaissent aussi ce je-ne-sais-quoi différent. Des personnages qui irrésistiblement nous rappellent des êtres de chair et de sang, que l'on connait.
Le talent de Beauthian réside dans la justesse des petites choses, attendrissantes, proches de nous. Si Lisa elle est un poil marginale, ce n'est ni une rebelle, ni une écorchée vive. Elle reste une jeune femme assez commune, facile à s'identifier. Elle a juste envie d'être heureuse...
Un album d'apparence donc sombre, en final, presque passe-partout. Au milieu de bouquins et de blogs BD qui présentent les femmes de 30 ans comme des accro au shopping et au maquillage, avec une sensibilité de machine à laver, et où l’on mesure la superficialité au nombre de couches de vernis à ongle, Ma vie d’adulte prouve qu’on peut parler de quotidien sans raser, aborder la grande question du sens de la vie sans arrogance.
Sous ses atours banals, Ma vie d’adulte dissimule toute la complexité d'une vie, juste un peu en dehors des clous. Une vie qui déborde du moule, et touche les autres, par sa richesse, son énergie.
Une vie heureuse.
Cette BD m'a touchée par surprise, séduite par inadvertance comme un écho à ma propre existence. Et il me semble que vous serez nombreux et nombreuses – surtout si vous aimez bien tremper vos orteils dans mon étang – à apprécier ce livre.
Je lavais repérée sur un autre blog. Décidément, elle me tente bien.
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