14 août 2015

Fatima, déesse de la vie : un manga de sable et d'eau


Dans un monde de désert aride, une ville prospère grâce à Fatima, la déesse enfermée à l'abri dans un somptueux palais. Un jeune garçon, Utarid, est destiné à être son « intendant ». Cette fonction héréditaire demande de veiller sur la créature dont on dit que la proximité tue à petit feu. Alors que l'apprentissage d'Utarid touche à sa fin, l'impensable se produit : la déesse est enlevée.


 

La soif de pouvoir


Ce manga de Raika Mizushima, aux saveurs orientales sucrées et douces, s'inspire des contes des Milles et Unes Nuits. On suit avec curiosité les aventures d'Utarid, adolescent attachant et naïf qui va peu à peu s'interroger sur le rôle qu'il doit remplir et sa moralité. En effet, si l'honneur de la tâche et l'envie de marcher dans les pas de son père, le motivent, il a pleinement conscience que la survie de la ville dépend de la déesse et de sa capacité à trouver de l'eau. Muette, réputée dangereuse, elle fascine et inquiète mais reste avant tout une prisonnière enchaînée.

Sa disparition risque d'engendrer une catastrophe humaine et les tensions entre les royaumes sont mises à jours. En effet, celui qui capture la déesse a le pouvoir sur l'eau, et un moyen facile de faire payer ses voisins s'ils souhaitent accéder à la précieuse ressource. Si Utarid se tient à son rôle d'intendant, il ne peut ignorer les répercussions de ses actions et la complexité de la situation. Il apprend des éléments du passé de Fatima : derrière la déesse mystérieuse se cache une femme victime de son altruisme et une histoire d'amour tragique.



Une courte série dépaysante


Voici un manga en deux tome avec un récit d'aventure mêlant quête initiatique, intrigue politique et dimension sociale et même écologique. Centré sur un personnage qui gagne en maturité à chaque épreuve, le récit est bien mené, rythmé, sans tomber dans l'action trop rapide. Il prend le temps de la poésie et de la réflexion. J'ai particulièrement apprécié le choix de la résolution finale, qui évite à la fois l’écueil de la tragédie et celui de du happy end simpliste.

Les dessins, fins, élégants, sont assez classiques dans leur traits typés manga contemporain. Les corps gracieux, filiformes, vêtus de toge et de tenus d'inspirations persanes, donnent une certaine sensualité dépaysante. Le travail sur l'architecture est soigné : arche, dômes et moucharabiehs campent une ville orientale typique. La narration est efficace, sans fioriture et mériterait peut-être parfois de laisser plus d'espace aux illustrations. 


Fatima, déesse de la vie n'est pas un titre révolutionnaire mais j'ai aimé son graphisme simple et aérien qui n'abuse pas de la trame. Je regrette que le travail sur le motif ne soit pas plus poussé et que le découpage reste aussi timorée dans ses choix.
Le récit, lui, m'a charmé. Comme je connais très mal les mythes et légendes arabes, je suis incapable d'évaluer son originalité. Cependant, j'ai apprécié sa densité et sa structure. Il s'agit d'un manga d'aventure, sans prétention, qui outre sa dimension fantastique, ne cède pas à la facilité en proposant un univers où la rudesse du climat et la cupidité des hommes se conjuguent contre l'inconnu : une femme avec un don magique. Une jolie histoire qui fait rêver et réfléchir. La qualité de l'édition (traduction soignée, belle couverture) est également à noter. 


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Marianne