11 décembre 2012

Quand les racines pourrissent, l'arbre meurt...



Ambivalence.
Voici le mot qui cristallise mon ressenti à chaque fois que je vais à Nice, ma ville de naissance. Je connais ses rues depuis que je suis petite. Mes parents y ont grandit. Mes grand-parents y ont vécu. Le poids de la filiation me broie comme une ancre trop lourde.
Je me vois, enfant, au jardin publique, sur mes patins à roulettes. Je me vois enfant, mangeant une glace, dans les ruelles crasseuses du vieux Nice.




Je me vois aujourd'hui, une femme, qui regarde cette ville que je déteste autant que j’éprouve une tendresse insidieuse.

Son racisme, son clinquant, sa mafia russe, le quartier maghrébin à coté de la gare où les hommes me toise, les rues piétonnes et leur luxe nauséeux où fourriers pullulent. Les boutiques à touristes qui vendent des produits de contrefaçon fabriqué en chine et importé depuis le marché de Vintimille. Le bruit. Les odeurs d'urine et d'iode. La magnificence des façades et le plumeau dense des palmiers qui veille sur la Prom. Les passereaux tournoient dans le bleu uniforme d'un ciel d'hivers alors que sur les collines, le soleil disparaît.
Au loin, le poudroiement des sommets des alpes déjà blanchis.




Malgré l'horizon, malgré les vagues qui se brisent sur Rauba Capeu, j'étouffe. Le poids d'une culture que je ne comprends pas. Le poids d'un seul arbre qui me terrorise et ne m'apaise jamais : l'arbre généalogique.

Je n'aime pas Nice.
Je n'aime pas la Côte d'Azur et ses paysages massacrés au béton, colonisés sans respect par les riches et les puissants dans des niches écologiques, face à la mer, colonisés aux forceps par les municipalités qui entassent les plus pauvres dans les lits dénaturés des torrents.
Le péri-urbain bouffe tout.
Les villages jadis perchés sur les falaises se transformes en musée, poussiéreux et sans vie, alors qu'en contre bas, villas aux architectures ridicules pousse comme des champignons vénéneux, alors qu'en contre bas, les barres HLM se plantent dans les plaines, remplace les maraîchers.
Des décennies de pollution, de passe-droit, de massacre en règle...




Je n'aime pas ce que les hommes ont fait de cette région.
J'ai encore des vieilles photos, des cartes postales de l'après guerre, et les mots de ma grand-mère qui aura cent ans au printemps prochain. D'autres visions, d'autres images, quand l'homme n'avait pas totalement oublié la notion de paysage et d’environnement. Quand l'homme vivait encore dans le monde sans que ses appétits et leur inertie ne menacent tout, jusqu'à sa propre survie.




Voici encore un billet bien inclassable qui me fait, encore une fois, m'interroger sur la direction que je prends avec ce blog.
J'avoue, je suis curieuse de connaître vos avis !

12 commentaires:

  1. Bonsoir,
    amoureuse du japon je suis ton blog depuis quelques temps mais ton article sur Nice me décide à poster un commentaire
    Egalement native de cette ville et y habitant encore j'ai lu ici précisément ce que je ressentais vis à vis d'elle et c'est justement les raisons pour lesquelles je compte la quitter très prochainement
    Je suis rassurée de constater que je ne suis pas la seule à penser la même chose
    En tout cas j'ai apprécié la lecture de ce billet que je trouve bien écrit :)

    RépondreSupprimer
  2. on m'a proposé d'y passer le prochain réveillon... j'ai dit non, trop loin, et puis je ne le sentais pas.

    j'ai un souvenir d'avoir passé des vacances, quand j'étais jeune, dans l'arrière pays, vers la vallée de la Vésubie... paysages magnifiques, mais les gens, les gens ! la première fois de ma vie que j'ai été confronté au racisme de manière aussi massive... ça m'a fait bizarre. et me faire traiter de "parisien", aussi... euh... what?

    RépondreSupprimer
  3. J'aime beaucoup ce billet car il démontre bien ce qu'est devenu la côte... Comme partout ailleurs en France et dans les autres endroits du monde.
    L'homme gâche tout.
    Je vis à Genève, et le luxe ici est un gros problème. La pauvreté est cachée (il est interdit de mendier)et les plus riches grignotent les collines autour du lac. Simplement, tout est plus propre. Mais je me demande si ça n'est pas de la poussière mise sous le tapis et de la poudre aux yeux. Le racisme envers les Français est grand également. Bref, je ne crois pas que l'on soit mieux à un endroit qu'un autre à part aller dans un endroit reculé... Et encore ;) Mais partir fait du bien aussi, voir autre chose c'est pas mal non plus.

    RépondreSupprimer
  4. @miy m : merci pour ton commentaire :) Si tu es à Nice, je t'encourage à visiter le Parc Phenix et voir l'expo d'art contemporain sur Byars, Kapoor et Klein au Mamac. Je l'ai vu cet été - et je n'ai toujours pas fait d'article T_T - c'est très intéressant. J'ai adoré le travail de Byars, très très japonisant !

    Mon rapport à Nice est complexe mais je sais que, sans mon passé là bas, je n'aurai aucune affection pour cette ville. J'adore Lyon par contre !

    @Mackie : il y a encore des coins sympas dans l'arrière pays. Mais il faut une voiture et surtout éviter la saison touristique. Et quand je dis racisme, c'est très global. Il y a beaucoup de vote FN, mais aussi des communautés qui n'apprécient pas ceux différents. Bref, la tolérance n'est vraiment pas une valeur partagée. Enfin, si, à condition d'être blindé de pognon !

    Je pense que tu trouveras un plan moins onéreux pour ton réveillon !

    @Flore : Il y a des zones plus protégées quand même. Pour les paysages méditerranéens, autant aller en Corse. En Bretagne, le peu que je connais, ou en Charente-Maritime, les bords de mer sont quand même beaucoup moins bétonnés.

    Mais je suis assez d'accord sur le potentiel de destruction de l'homme. Et quand je vois ce qui se passe aujourd'hui au Japon, j'ai juste la nausée !

    Ah, promis, mon prochain billet sera plus "youpi yop" !!!

    RépondreSupprimer
  5. C'est exactement ce que je ressens. A chaque fois que je m'y rends, j'y vais à reculons. Il y a quelques années, j'ai ressenti le fort besoin de quitter cette ville, et depuis il m'est impossible de l'aimer.
    Ouf, je ne suis pas la seule à partager ce sentiment!

    RépondreSupprimer
  6. Je me demande si ça ne risque pas de devenir comme cela un peu partout. :/

    RépondreSupprimer
  7. J'habite sur la côte d'azur. J'y ai grandi et j'ai fait mes études à Nice.
    C'est drôle, je ressens un peu la même chose que toi. Après mes années à Paris et au Japon, j'ai ressenti le besoin de retourner à mes racines. Ça fait maintenant quelques mois que je vis ici. C'est chez moi, mais je n'aime pas ce que la côte d'azur est, ce qu'elle est devenue. Trop de béton, des gens inaccessibles... Je crois malheureusement que je serai toujours tiraillée entre ces deux sentiments. Pas toi ?

    RépondreSupprimer
  8. Ton article est d'une cruelle vérité....

    Nizza La Bella n'est plus, elle est morte avec tous les "vieux" et les "vieilles" qui sont partis depuis longtemps et qui ont fait son âme, morte avec tous ses artifices matériels et humains, ses apparats et ses coups bas.

    Elle à perdu beaucoup de ses enfants qui l'ont chérie un temps et ont compris un jour que l'avenir est ailleurs, que la recherche de la vérité devait prendre forme via un aller simple dans un train, via sa gare sans âme.


    La Côte d'Uzure...

    RépondreSupprimer
  9. @Tomisika merci pour ton passage ici !

    @Zipanu certains lieux sont plus protégés, la Côte d'Azur et le Var sont quand même très connus pour leur mafia. Parfois, j'avoue, surtout quand je lis beaucoup d'article sur le Japon et le nucléaire, j'ai du mal à garder l'espoir...

    @Silecee : je ne pourrais jamais me détacher complètement de Nice.

    Même si je n'y ai pas grandi, j'y ai mes racines. Ma mère vit là bas, mon père et dans l'arrière pays. Ma mémé qui a du yaourt à la place du cerveau y ait aussi. C'est la dernière survivante parmi mes grands parents.
    Nice, c'est des souvenirs, des origines. Quelques choses qu'on ne peut pas éradiquer même en vivant à 1000 bornes de là. C'est aussi pour ça que son état me plonge dans un tel dégoût.


    @Soylent : Merci beaucoup pour ton commentaire poétique. Nice prend le chemin de ses villages qui se transforment en musée, où la vie est partie ailleurs.

    Je suis vraiment touchée d'avoir tant de retour sur ce billet, très intimes et assez déprimant pour moi, je l'avoue.
    :) merci à tous !

    RépondreSupprimer
  10. J'ai vécu à Cagnes Sur mer étant petite et je suis souvent retournée voir mon grand-père qui lui y est resté jusqu' à sa mort. Il était peintre et exposait souvent sur les divers ports de la côte. Je partage réellement ton ressenti, et j'ai également la même impression pour Marseille que je déplore encore plus. Le var c'est différent, il faut connaitre, il y a encore des plages désertes accessibles qu'à pied ou à bateau, des villages provençaux ou on vit encore bien. C'est le vrai sud ! Par contre les gens c'est les mêmes dans toute la région PACA, j'y ai tous mes amis mais aussi mes pires ennemis, il faut se méfier plus qu'ailleurs car le contact avec les gens est très facile !

    RépondreSupprimer
  11. C'est vrai que ce que raconte ta grand-mère sur Nice fait vraiment regretter ce qui en est advenu. La fête des citrons, les champs de fleurs, la ville qui n'était pas tentaculaire et n'avait pas encore mangé tous les villages environnants. J'y ai vécu quatre ans, enfin deux et deux à la Trinité. J'ai vécu aux abords des Moulins puis aux abords de l'Ariane ... Coins de merde mais pas pire que Cimiez avec ses cons de vieux qui votent FN. Vivre à Nice ? Plus jamais ! Mais que dire, à Nice on rencontre des gens fabuleux qui viennent des quatre coins de la Méditerranée. La mairie est à chier, la mentalité des riches, des vieux est à chier, cependant les gens qu'on y croise ça rattrape pas mal la situation (et j'inclue dans le lot une certaine grand-tante qui y vit et parle énormément).

    RépondreSupprimer
  12. @Anne So : je ne connais pas Marseille, je l'ai juste traversée quelques fois pour aller prendre le bateau pour la Corse, quand j'étais ado. J'ai eu alors l'impression violente de voir tout les pires aspects de Nice. C'est une ville où je n'ai vraiment pas envie d'aller...
    C'est intéressant ce que tu dis sur la facilité de contact; elle est souvent inversement proportionnelle à la profondeur et à la sincérité des relations qu'on peut établir.
    En final, Paris, ce n'est pas si mal :)

    @Caroline : ha... les joies de la Trinité. Je n'ai sais pas comment tu as fait pour "tenir" aussi longtemps. Tu n'avais pas trop le choix à l'époque...
    Merci de ton passage ici ^_^ et la "certaine grande-tante" est en forme et avec la langue toujours aussi bien pendue !

    RépondreSupprimer

Merci beaucoup d'avoir laisser un commentaire ici !

Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne