28 janvier 2016

Enfin disponible, « Les destructeurs » la BD coup-de-poing de François Amoretti





Voici un projet dont je vous ai déjà parlé avec enthousiasme ; Auto-édité, financé grâce à la plate-forme Ulule, le livre est maintenant imprimé. Son auteur expose actuellement à la galerie parisienne arludik et il sera en dédicace le samedi 6 février, pour le décrochage. Une occasion de se procurer son ouvrage et d'admirer « en vrai » ses magnifiques dessins et découvrir ses nouveaux projets.


L'histoire Destructeurs


Les Destructeurs est roman graphique protéiforme qui tient à la fois du conte fantastique, du récit d'aventure épique et de la satire sociale.

Londres, de nos jours, Shauna se sent mal, déphasée par rapport à ses contemporains. La vie ne l'a pas épargnée. Elle travaille le soir comme serveuse dans un pub, étudie le jour, et la nuit, s’effeuille devant sa webcam tant elle peine à joindre les deux bouts. Son quotidien terne et solitaire vire au cauchemar. La malchance lui colle à la peau avec une constance surnaturelle. Tant et si bien qu’elle se sent persécutée. Paranoïa ou risque réel ? Après une agression violente, Shauna n'en peut plus. Quelque chose en elle se rompt, ou peut-être se libère. La voilà soudain téléportée dans un petit village d’Écosse.

C'est le début de la fin. Les maux de notre monde moderne (la saleté, l’idiotie de la masse inerte, l'égocentrisme, la contamination radioactive...) s'incarnent pour devenir des nouveaux dieux tout aussi formidables que mortifères. Leur objectif est simple : anéantir Shauna. Leur particularité réside dans leur origine : ils sont la création des hommes. L'affrontement entre Shauna et ces créatures sera apocalyptique. Une seule issue semble possible : la destruction du monde.

Shauna est-elle la cause du carnage en refusant de mourir et de se sacrifier pour l'humanité ? À moins qu'elle en soit la sauveuse en éradiquant ces dieux asservissants... Dans son combat, elle ne sera pas seule, avec à ses côtés les membres disparates d'une équipe de cricket ! Tandis que notre groupe de héros lutte pour la survie de tout ce qui leur est cher, d'autres préparent lâchement leur fuite à bord d'un immense vaisseau, le Ark II. Shauna, par son refus de capituler et ses actions radicales, devient le bouc émissaire idéal. Arrivera-t-elle à sauver l'essentiel avant que les nouveaux dieux et la stupidité des hommes ne la terrassent ?

Le récit des Destructeurs est porté par la force de la mythologie nordique mais aussi de légendes et croyances de multiples origines, comme on le retrouve souvent dans les scénarios des jeux vidéo japonais, qui puisent dans les cultures du monde entier et créent des panthéons cosmopolites.
Malgré la violence visuelle et le sérieux des thèmes abordés, un humour absurde, très britannique dans l'esprit, allège le récit et en fait un roman graphique divertissant.


 

Petite biographie de l'auteur


François Amoretti est un dessinateur français aux influences éclectiques et au style graphique affirmé, qui aime tester de nouveaux modes narratifs.
Né à Aix en Provence, il a grandi sous l’influence des estampes de Hokusaï et des gravures de John Tenniel. Son dessin exprime toute sa fascination pour les femmes, particulièrement pour les figures hors-normes, fortes, qu’elles soient des pin-up vintages, romantiques ou guerrières.
Après des études d'arts appliqués à l’École supérieure d’arts graphiques Penninghen à Paris, François Amoretti part vivre au Japon. Durant une dizaine d'années, il y travaille comme illustrateur notamment pour la presse, participe à des expositions et à des concours prestigieux comme celui du musée d’art contemporain de la ville de Tokyo.

De retour en France, il revient en Provence et rejoint le studio Gottferdom. Sa rencontre avec la scénariste Audrey Alwett apporte à ses illustrations les mots qui lui manquent, ainsi qu'un récit structuré. Ils signent ensemble trois albums de contes, publiés aux éditions Soleil, avec comme dénominateur commun des personnages féminins charismatiques et complexes.
Puis, François Amoretti s’émancipe, il s'essaie au scénario et quitte l'univers de l'illustration pour celui de la BD. Ce changement de mode expression s'accompagne aussi d'une rupture plus profonde : dorénavant, il s'adresse à un public adulte. Sa série Burlesque girrrl en deux tomes séduit le lectorat. On y retrouve toujours une thématique autour de la féminité mais cette fois plus rebelle, inspirée par le mouvement des effeuilleuses burlesques, de la musique rockabilly et des vieilles voitures.

Souhaitant raconter des histoires encore plus intimes et sans concession, il fonde en 2015 le label Four Horsemen. La structure regroupe plusieurs artistes et peut accueillir le nouveau projet de François : Les Destructeurs, un projet audacieux qu’il mûrit depuis plusieurs années. Face à la frilosité des éditeurs à publier ce projet en l’état, dans toute sa radicalité et sa singularité, François a décidé de le sortir du circuit traditionnel. Ainsi, il peut s'exprimer en tout liberté.
En parallèle, il continue de sortir des ouvrages en collaboration avec d'autres scénaristes (Doggybags chez Ankama et un Sketchbook chez Comix Buro).


Quand François amène un peu d’Écosse sur les quais de Seine

 

L'auto-édition pour un livre luxueux


Un auteur déjà édité par des maisons reconnues (Soleil, Ankama...) qui sort un livre en auto-édition, ce n’est pas habituel. Pourtant, avec la situation économique du marché de la BD, ils sont de plus en plus nombreux à auto-publier un projet, souvent intime ou très original, sans pour autant quitter l’escarcelle de l’édition traditionnelle (Enrique Fernandez avec Brigada…)

François Amoretti a fait ce choix et l'assume pleinement. Dès les prémices du projet, François souhaitait sortir un livre sans concession. Pour que ce roman graphique se concrétise selon ses souhaits, il a donc opté pour l’auto-édition, rendue possible grâce à une plate-forme de financement participatif.
Il a pu ainsi contrôler toutes les étapes de la maquette à la fabrication afin que Les Destructeurs soit un livre dans l’esprit des vieux ouvrages classiques précieux qu’il affectionne tant. Le montant collecté par la campagne de financement a dépassé les objectifs, autorisant encore plus de fantaisie pour l’impression.
Les Destructeurs a une couverture en simili-cuir, avec des embossages et des dorures, les tranches colorées (pantone 666, ça ne s’invente pas !), et un tranchefile dans l’esprit des ouvrages classiques.

François Amoretti à la galerie Arludik

Féminisme et engagement politique


Les ouvrages de François Amoretti sont toujours centrés sur un personnage féminin. Ses héroïnes se caractérisent par une grande épaisseur psychologique, avec des contradictions et des failles qui les rendent très crédibles. Leur personnalité et leur motivation évoluent au fur et à mesure des albums.

Au début de sa carrière, il dessinait des Gothic Lolita post-adolescentes rebelles. Cependant, la dimension gentille et mignonne l'emportait sur leur originalité et leur anti-conformisme. Avec Violette, dans Burlesque Girrrl, l'héroïne devient une adulte, elle affirme sa féminité envers et contre les carcans sociaux. Cependant, elle reste encore prisonnière de son image de par son exposition publique et sa profession de chanteuse et effeuilleuse burlesque.
Shauna, la protagoniste des Destructeurs, est l'héroïne la plus radicale des BD de François Amoretti. Elle utilise sa propre image et le stéréotype de la femme-objet pour exploiter le système (les webcams coquines), un peu comme Violette. Mais cette situation change rapidement : Shauna abandonne ce jeu pour rentrer en conflit ouvert avec les injustices, inégalités et aberrations diverses de notre société.

L'évolution des héroïnes, qui gardent pourtant des traits communs très forts, s'explique par le lien presque charnel qui unit l'auteur avec elles. Il ne les conçoit pas comme un homme fasciné ou attiré par le sexe opposé et qui projetterait ses fantasmes et attentes : chaque nouvelle héroïne est dessinée comme la femme qu'il aimerait être.

L'idéalisme de Shauna et sa radicalité sont l'expression tangible de la violence de notre société, du flux d'informations terrifiantes qui envahit notre quotidien. François Amoretti revendique la dimension sociale des Destructeurs. Il a choisi le dessin et les mots pour exprimer sa colère face à la brutalité absurde du monde que chacun peut constater en regardant les news à la télé ou en lisant la presse.

Il a été particulièrement choqué par la catastrophe de Fukushima en 2011 et son traitement par le gouvernement japonais, qui a choisi ouvertement le déni. Ses préoccupations se retrouvent dans ce livre où la thématique de l'écologie est omniprésente. Elle s’additionne d'un rejet du consumérisme acharné, enfant du libéralisme et de ses dérives. Les attentats de janvier 2015 à la rédaction de Charlie Hebdo et le débat sur la liberté d’expression, la laïcité et le blasphème qui a suivi, ont aussi renforcé certains des propos de l'ouvrage. En effet, le grand adversaire manipulateur des Destructeurs est le Dieu Unique. Cette entité tente de détruire Shauna par tous les moyens, quitte à raser la planète. Elle est née de l’agrégation des trois grandes religions monothéistes.

Farouchement athée et surtout profondément humaniste, François Amoretti choisit la satire comme mode de dénonciation. Elle apporte la distance nécessaire afin d'éviter l’écueil du discours moraliseur ou nihiliste.


J'ai écris texte pour le dossier de presse de François, d'où le ton objectif et l'absence de fautes. Pour ceux qui ont échappé à mon matraquage sur les réseaux sociaux, ne doutez pas de mon enthousiasme. J'attends avec impatience les retours de ceux d'entre-vous qui l'auront lu !

Blog de l'auteur : http://www.francoisamoretti.com/


Autre article dans l'étang avec des images de planches entière : http://etang-de-kaeru.blogspot.fr/2015/01/les-destructeurs-un-projet-bd-courageux.html

Le début du livre à découvrir sur BDGest :
http://www.bdgest.com/preview-1871-BD-les-destructeurs-recit-complet.html

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Marianne