Un frère et un sœur âgés de 12 et 15 ans se retrouvent orphelins et élevés par une grand mère aimante. Le décès a transformé la jeune fille en un être perdu, plein de colère. Des années plus tard, le petit garçon devenu homme, Koichi, vit comme retiré du monde, en hibernation, toujours à attendre de retrouver l'affection de Seiki, sa sœur. Toujours en attente d'une réparation du lien rompu.
Voyage immobile et intime
Ce livre a été encensé par de nombreux blogs littéraires. Lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer son auteur, Delphine Roux, sur un salon dédié au livre asiatique, je me suis laissée tenter. Pourtant, je l'avoue, j'avais un fort apriori négatif. Mes expériences de lecture de romans et mangas écrits par des occidentaux se déroulant au Japon, ont été souvent des déceptions avec des stéréotypes ou des fantasmes agaçants. Kokoro prouve, une fois encore, que les préjugés ferment l'esprit. Dès les premières lignes, j'ai compris que ce texte me plairait, qu'il était précieux et méritait toute mon attention. J'ai compris que je devais la recevoir tel qu'elle était, sans penser en terme d'origine de l'auteur.
Si l'histoire est simple, sa forme est sublime. Koichi narre son quotidien, fait de succession d'instants, de petites choses insignifiantes, de souvenirs. Il raconte sans passion ni ressentiment sa vie qu'il a choisit par défaut, sa grand-mère qu'il a été forcé de mettre dans une maison médicalisée, son travail comme magasinier dans une bibliothèque, son absence de désir sexuel, sa vie atone et sans goût. Son plaisir réside dans les brèves échanges avec sa veille grand-mère, avec ses souvenirs qu'il ravive sans intention morbide et surtout, son amour pour sa sœur qui elle, demeure glaciale, inatteignable. Derrière sa façade lisse, on devine tout le chagrin contenu de cette femme qui tente d'être parfaite.
La poésie du quotidien
En de courts chapitres, parfois d'une seule page, toujours avec en titre un mot japonais qui colore le texte, l'écrivain dépeint par touche l'existence de Koichi. Elle choisit un style qui tient plus de la poésie en prose que du romanesque.
Le deuil et surtout, la façon de le vivre, de le traverser et de l'accepter pour vivre à nouveau, est au centre de Kokoro. Cependant, la lecture est étonnamment joyeuse, d'une pureté d'émotion et d'une innocence presque douloureuse.
Le travail de cette écriture ciselée, toute en métaphores et ellipses sert l'histoire et donne à ses personnages pourtant fantomatiques une force incroyable. Pas une fois je n'ai eu l'impression que le Japon décrit sonnait faux. Au contraire, le style est tellement infusé de culture japonaise, dans son ton mais aussi dans sa structure, que je me suis surprise à vouloir regarder le nom de la traductrice, oubliant soudain que l'auteur était aussi française que moi !
Un roman d'une pudeur et d'une beauté incroyable qui se déguste doucement, page par page, phrase par phrase, mot par mot. On s'arrête, relit juste pour les sonorités et les choix judicieux des adjectifs, de l'évocation d'une image ou d'une sensation. On se laisse porter par la vie de Koichi, par son regard doux, par détails incongrus et drôles qui donnent de la saveur même aux instants tristes. On apprécie chaque seconde.
Une pépite inattendue d'une grande maîtrise littéraire qui séduira tout ceux qui s’intéressent au Japon, à la magie des mots et à la surprenante beauté de l'âme humaine.
Le site de l'éditeur Philippe Picquier :
Autre critique sur ce livre sur le blog du Petit Carré Jaune :
Intéressant!
RépondreSupprimerEn même temps, l'éditeur pouvait rassurer : c'est un spécialiste de l'Asie :)
J'ai une bonne partie de leur catalogue Japon à la maison. Les traductions sont bonnes et les bouquins de qualité, surtout pour les "beaux" livres.
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