25 janvier 2012

Le chien gardien d'étoiles, fable du bord de la route

Voici l'histoire bien singulière et bien triste d'un homme qui perd tout, mais qui garde à ses cotés, jusqu'à la fin, son fidèle toutou. Le point de vu adopté par le mangaka, Takashi Murakami (homonyme de l'artiste contemporain) est celui de l'animal, qui regarde avec ses yeux plein d'amour, son maître changer peu à peu.

Chronique d'une mort annoncée

Ce manga très émouvant, étrangement tendre, témoigne d'un certain Japon, celui des hommes de la génération de nos pères. Ancré dans les habitudes sociales du 20 ème siècle, le héros contemple le monde qui évolue trop vite. Dépassé, il se retire peu à peu de sa propre vie. Devient un spectateur impuissant face aux attentes de son épouse et de sa fille, qui elles, continuent d'avancer dans cet avenir mouvant.

Seul le chien, reste là, au rythme de son maître, joyeux compagnon de promenade, heureux de chaque attention que l'homme lui prodigue. Il est présent jusqu'à la fin inéluctable. Je ne vous révèle rien : le livre s'ouvre sur la macabre découverte des restes humains dans une voiture abandonnée, au milieu d'un champ de tournesol. A ses cotés, il y a aussi le cadavre d'un chien, décédé il y a peu.


Malgré cette macabre entrée en matière, le récit du chien gardien d'étoiles n'a rien d'une descente aux enfers. Au contraire, les choix et surtout l'indolence qui conduisent au renoncement de tout, sont empreints de paix et d'un amour surprenant.
Bien sûr, il y a le chien, choyé et toujours nourri malgré la pauvreté. Le héros fait aussi preuve d'une grande humanité. S'il a visiblement "raté" sa vie au près de sa famille lorsqu'il menait une existence à l'abri des problèmes matériels, il s'ouvre aux autres quand il a lui-même tout perdu.

La seconde partie apporte une note d'optimiste et un sens nouveau à la mort de cet homme et son chien. Elles n'ont été ni vaines, ni tragiques et surtout, elles donnent à un autre un espoir de changement, un espoir de quitter la solitude et de tisser des liens.

Et pourtant, elles brillent...

Le chien gardien d'étoiles a entre ses pages toute la poésie promise par son titre. Servi par une narration fluide, un découpage intelligent, le récit poursuit sa route tranquille, à son rythme, sans jamais ennuyer.
L'émotion gagne peu à peu. L'auteur prend le temps juste, nous laisse entre-voir la tristesse pour qu'elle ne soit pas trop difficile, pour ne pas sombrer dans le mélo. Il nous donne aussi les graines d'un futur heureux.

Ce manga dépasse largement son cadre fictionnel en brossant le portrait d'un homme très représentatif d'une génération. Alors qu'on s'interroge souvent sur les mutation brutales de la société japonaise, sur les modes des jeunes et de leur désarroi, on tend à oublier ceux qui ont vu les transformations arrivées, les ont subies sans être acteur. Ceux qui, pris dans la tourmante économique d'une fin de siècle, ont été bien incapables d'entrer dans le 21 ème. Ceux qui ont perdu jusqu'à leur dignité...


Sans misérabilisme, avec amour et tendresse, Murakami signe un livre d'une qualité rare, intime et bouleversant. Le titre vient d'une expression sur les personnes qui regardent trop les étoiles, et rêvent à des choses qu'elles ne peuvent atteindre.
Murakami nous rappelle qu'on a le droit de rêver, même si on sait qu'il s'agit de l'inatteignable, de l'impossible. Dans notre société matérialiste où l'humain se quantifie, se formate et se range dans des petites boites bien séparées et imperméables, la lecture est un merveilleux moyen de s'échapper, de réfléchir sans prise de tête, et d'ouvrir son esprit aux différences. Le tout, avec un grand plaisir et une vague d'émotion !

Ce livre a été chroniquée dans le cadre du défi lecture "Image du Japon" organisé ici même, dans l'étang. 

Le récap de janvier va bientôt arrivé.

2 commentaires:

Merci beaucoup d'avoir laisser un commentaire ici !

Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne