25 octobre 2013

Réalité, je te ZUTE !



Je suis une idéaliste. Je le sais. Je me connais un peu, quand même. Pourtant, je me fais encore avoir. Et quand je me prends la réalité en pleine face, ça fait mal. Je suis une idéaliste jusqu'au trognon. Je suis aussi dotée d'un filtre sélectif : je tends à ne percevoir que le meilleur des personnes, quitte à occulter les indices d'une personnalité contrastée voire franchement sombre.


Self portrait in blue #4Present time as fleshPast as memory or wishFuture as a ghostBut now, just now, i’m still walking the earth

Ranger ses lunettes roses


Certains ont tendance à s’encombrer de préjugés. Il est difficile d'être neutre et bienveillant lors d'une première rencontre. Difficile d'être totalement à l'écoute et de l'autre tout en écoutant aussi son instinct. Car parfois, la petite voix timide qui essaye de se faire entendre et qu'on résume sous le terme de «première impression » est juste. Clairvoyante. Avec les années, j'ai appris à tendre l'oreille. Je me fais moins avoir. L'intuition a le mérite de rendre plus transparentes mes lunettes spéciales pour ne voir que les belles choses. J'accepte alors de voir aussi le gris, et même la noirceur et la perversion.

J'ai aussi appris à moins me projeter sur autrui.
En plus de mon indécrottable idéalisme, je suis sensible. Hypersensible, peut-être. Non seulement ma vision sélective tend à se limiter au positif mais en plus, je suis aussi capable de voir ce qui n'existe pas. Balèze hein ?! Intelligence, sensibilité, bonté d'âme, complexité... Le résultat est une distorsion plus ou moins forte d'autrui. Bref, un crétin imbécile égoïste devient un demi-dieu. OK. J'exagère. Je ne suis pas aveugle à ce point... Surtout que je travaille dur pour ouvrir les yeux sur le monde et les humains en abandonnant l'usage de mes super lunettes déformantes.
J'apprends : 1) à être plus réceptive de la réalité 2) à mettre mon « moi » tourmenté de côté et à ne pas (trop) projeter mes attentes, mes espoirs et mes rêves dans l'individu que je viens de rencontrer.

Le bilan est que je me fais moins avoir, que j'arrive mieux à m'exprimer, surtout je place mieux les limites de l'acceptable et j'apprends à dire non.


Sur le chemin de la lucidité


Le hic, c'est qu'avec ceux que je connais depuis longtemps, et surtout avec mes géniteurs, il est difficile et douloureux de se débarrasser de ses lunettes magiques. C'est comme si elles étaient devenues des prothèses bioniques, qu'elles font partie de moi.

L'été 2012 j'ai eu une expérience assez triste avec mon père.
Depuis je contemple cet étranger avec un regard nouveau, blessé et plein de regrets sur l'être qu'il n'a été que dans mon regard d'enfant. Du regret encore pollué par des résidus de colère.
Je contemple la relation bizarre qui unit une enfant unique à ses géniteurs, tentant de comprendre ce que je suis. Ce que je deviens. Je tente de démêler ce qui, du vécu et de l'inné, me façonne, me construit.
J'ai souvent envie de tout jeter par la fenêtre (un risque limité quand on vit au rez-de-chaussée), tout bazarder pour recommencer à zéro, une personnalité neuve, sans les névroses parentales transmises, sans les incertitudes, les angoisses, la culpabilité. Sans les failles de la vie, sans les cassures dues à mes erreurs de jugement, mes ratés et mes échecs.

Je vois se profiler dans un futur proche l'arrivée de la quarantaine. Je n'ai pas besoin d'anticiper la crise, je crois que c'est un état cyclique chez moi depuis mon adolescence.
J'ai l'habitude, je vis avec.





Une alternative à la réalité ?


Contre la réalité, inamovible, immuable, concrète, les idéaux se fracassent dans un silence assourdissant et une solitude aussi vaste que l'océan.
Il n'y a pas d'espoir.
On peut rester dans le déni, refuser très fort, fermer les yeux, se les crever, ou porter des lunettes magiques en permanence. En final, c'est la réalité qui gagne. Toujours. À moins d'être totalement déconnecté, parti dans son monde intérieur sans plus aucun lien avec celui d'autrui, la réalité finit toujours par nous rattraper.

Ça fait mal.

Je suis du genre à enlever le sparadrap d'un coup. Je préfère me confronter. Une bonne gamelle et ça repart. Sauf que parfois les idéaux ne se laissent pas faire, n'abandonnent pas la lutte. L'âme est complexe surtout quand elle est meurtrie. Même si je ne veux plus porter les lunettes magiques, même si je veux me débarrasser de mes yeux bioniques menteurs, parfois, ces objets semblent avoir une vie propre. Sans crier gare, ils reviennent, s'imposent et de nouveau brouillent tout. La lutte est longue. Mais je m'accroche. Je sais qu'à la fin, c'est la réalité qui gagne.
Alors autant faire avec.

Lucidité ne signifie pas céder face au sirènes du cynisme ou pire, devenir un être blasé. Être lucide n’empêche pas de enthousiasmer, d'aimer, d'être curieux ou surpris. Être lucide permet de se protéger, de prendre les devant ou mieux d'éviter une personne où une situation que l'on diagnostique comme toxique. Être lucide signifie que je mets mon énergie et ma motivation là où elles ne sont pas perdues, pas stériles.
Si mes idéaux ne sont pas de taille à survivre face aux tanks rouleaux compresseurs de la réalité, dans mes mondes, dans mes écrits, ils règnent en maître. Ils créent une autre réalité, une alternative où les lunettes magiques n'ont plus d'utilité puisque les yeux eux-même sont magiques. Une réalité qui me plait.
Être lucide signifie choisir ses combats et certainement pas abandonner ses idéaux ; eux-aussi doivent être protégés et cultivés. Comme des graines, mes idéaux ont les mots comme terreaux, les photos pour être abreuvée d'images. Ils grandissent, se fortifient et donnent de jolis nénuphars dans mon étang. Si vous êtes gentils, je peux même venir en planter un chez-vous...



10 commentaires:

  1. Je comprends tout à fait ton sentiment. Pas sur tout, mais j'ai tendance à idéaliser les gens, à croire que comme je suis incapable de faire certaines choses, ils le sont aussi.
    Pareil pour les parents... je n'ai pas eu de "mauvaise surprise" comme toi, mais en vieillissant, on se rend compte que nos parents ne sont pas des héros, qu'ils font des erreurs, qu'ils ont des défauts... et le pire pour moi : qu'il n'ont pas réponse à tout. Quand un de mes parents me montre une de ses faiblesses, la petite fille en moi meurt un peu plus.
    Je te souhaite bonne chance en tout cas dans ta quête du réalisme ��

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    1. L'image de l'enfant qui meurt un peu à chaque fois est forte, elle me parle vraiment. Je trouve que la grande difficulté est d'arrivé à se positionner en tant qu'adulte vis à vis de ses parents, à la fois en laissant l'affect de côté, et en même temps sans oublier ni renier l'enfant qu'on a été.
      Je suis plus en quête de bonheur que de réalisme. Disons que c'était une étape obligatoire pour des choses ensuite plus agréable :) Merci de ton passage par ici !

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  2. Tu as tout à fait bien résumé et exprimé ce que je ressens et vit aussi, entre les yeux qui ne voient que le beau, et occultent le mauvais, et la confrontation à la dure réalité de certaines personnes et des parents... Il faut savoir vivre sans lunettes pour ne pas se tromper de chemin, sans abandonner pour autant notre propension à filtrer la réalité pour la rendre plus belle, pour nous-mêmes et pour les autres... apporter et partager la joie et la beauté en nous et autour de nous, en laissant le mauvais de côté, serait-ce finalement la clef du bonheur et du bien être ? ;)

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  3. Je voudrais réagir à ça mais là tout de suite je n'ai pas forcément les mots. Ne serions nous pas tous comme ça au final? à devoir avancer avec son vécu, ses sentiments qui viennent du passé, bons ou mauvais...à devoir accepter la réalité. En tout cas il faut vivre et la vie c'est là tout de suite maintenant, l'instant présent ... pas tjs simple.

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    1. Je pense que la tendance à idéaliser et à projeter dépends vraiment des individus et de leur personnalité.

      J'ai passé le test de Myers Briggs. C'est un outil pratique et intelligent pour en apprendre plus sur soi. Bien sûr, ce n'est pas un mode d'emploi de sa personnalité, mais cela permet de mieux se comprendre et notamment prendre conscience de ses faiblesses et de ses travers qui nous empêche d'être pleinement heureux. J'ai refais le test plusieurs fois, dans différentes conditions émotionnelles. Le résultat est toujours le même : idéaliste :)

      Dans mon cas, accepter la réalité est un exercice parfois douloureux et souvent difficile. Mais j'y travaille !!!

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  4. Alors, là, je ne peux pas m'empêcher de te laisser un petit mot : tu es sortie de ta coquille. Tu fais un pas vers la lumière, de là où tu laisses percevoir plus de choses de toi, à tous ceux qui t'entourent...c'est un choix courageux. Pour cela, tu as choisi les mots.

    Pour ce qui est de la "réalité", je n'ai jamais pensé qu'elle était "inamovible", ni "immuable"...bien au contraire. Rien ne résiste à l'impermanence. Les choses changent. Qu'on le veuille ou non. A commencer par soi...

    Le truc, c'est qu'on a réellement de pouvoir que sur le choix de nos actions. On ne peut pas choisir pour les autres. Alors oui, je comprends que tu veuilles drastiquement réserver ton temps et ton énergie à ne faire que ce qui te fait plaisir, ou ce qui t'apporte du positif.

    Moi, je suis un peu bizarre, parce que j'ai une tendance obsessionnelle à vouloir m'administrer du poison pour m'en faire un antidote à la longue. Un peu tous les jours, j'en sirote parce que je le veux bien.

    Je crois bien que je n'ai ni lunettes déformantes, ni barrières. Juste mes yeux pour voir et constater, le beau comme le cruel. ça me fait me sentir vivante : on souffre. On apprends. On tombe. On se relève...mon instinct à moi, au final, il ne cherche qu'à survivre, et il aspire au bonheur.

    Il y a quelque chose qui me saute aux yeux en tout cas, car tu écris "géniteur" au lieu de "parents"...mais avec l'emploi de ce mot, je devine surtout l'attachement.

    Peut-être bien que pour voir plus claire, il faut peut-être se détacher de nos propres sentiments qui nous lient à ceux qui nous entourent d'une façon un peu trop inextricable. Car au fond, n'est-il pas question de simplement lâcher prise? Et c'est ce "simplement", qui est si difficile à faire. :-)

    Je pense fort à toi. Des bisous ma belle...

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    1. Le passage par l'écriture permet toujours de me débloquer quand je traverse une passe difficile. j'ai cette chance de réussir à organiser mes pensées, calmer mes émotions et me recentrer, grâce aux mots.

      Quand je parle de réalité inamovible, je parle surtout de la réalité de l'autre. Je crois qu'il y a des circonstances où la réalité de l'autre est, hélas, totalement hors de notre champs d'action. Elle ne bougera pas, quelques soit les efforts qu'on déploie. Comme tu le dis si bien, nous possibilité de choix sont personnelles.

      Je te suis sur le lâcher prise ! Pour moi c'est un passage obliger. J'apprends à aimer différemment. A aimer en m'oubliant moins, en ne me faisant pas mal (ou pas trop). Savoir accepter la réalité, même quand elle nous déplait, est une étape.

      Après, je crois qu'il faut aussi savoir choisir ses combats. Mettre son énergie là on il nous semble important voire capital de faire changer cette foutue réalité :) Et sur ce sujet, je sais que nous sommes sur la même longueur d'onde.

      Je t'embrasse TRES fort !



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  5. Commentaire de Les Petits rien (www.lespetitsriens.com) que j'ai supprimée par erreur :


    Tes mots me parlent beaucoup car comme toi je suis capable de voir des qualités aux personnes rencontrées et d'imaginer des choses là où il n'y a rien...
    Mais je suis d'accord avec toi ce n'est pas parce qu'on devient lucide en vieillissant (moi je les ai les 40!), qu'il faut devenir blasé et cynique...
    Bonne chance dans ta quête...

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  6. ton article est magnifique tout comme tes photos bravo !

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Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne