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Voici le rendez-vous très british du mercredi !
Si vous ne connaissez pas Sherlock, voici un article pour commencer.
Cette semaine le chapitre est court, mais il y a de l'action.
Bonne lecture.
Chapitre 4
Quand je pousse la porte, passablement éméché, je me rappelle que Mrs Hudson est partie cette après-midi pour quelques jours à la campagne, dans sa famille. Elle a décalé son voyage après mon retour. Cette femme est une perle. Je suis certain que je vais trouver dans le congélateur une série de boîtes à repas numérotées. Mais alors, pourquoi la porte n'est-elle pas verrouillée ?
L'ampoule du couloir a encore grillé et je monte les escaliers sans rien voir, vacillant comme un aveugle. À moins que mon doigt n’ait glissé à coté de l’interrupteur. Je ne suis pas très frais. Une lumière fantomatique se faufile par le vitrail. Je cherche mes clefs à tâtons. Peut-être qu'elles traînent dans le salon, et Mrs Hudson, fine observatrice, n'aura pas voulu m'enfermer dehors... Mes souvenirs sont brumeux.
Je n'ai pas tiré les rideaux.
Les lampadaires de la rue déversent leur lueur, qui s'immisce dans la pièce. L'éclairage maladif suffit juste à découper l'ombre des meubles.
Je soupire. Qu’est ce que branle là, dans le noir, comme un idiot ?!
Si Sherlock était là, je risquerais de me fracturer le crâne simplement en voulant traverser le salon. Il laissait toujours traîner des trucs par terre.
Un mouvement, juste du coin de l'œil.
Et la porte qui était ouverte... Je ne suis pas seul. La constatation me dégrise.
Encore un mouvement, et un bruit, doux. Une respiration.
Je virevolte.
Assez rapide pour éviter mon agresseur. Un voleur ? Ou c'est plus sérieux ? L'homme trébuche, il ramène un bras contre sa poitrine. Une arme ? Je lui balaye les jambes d'un coup de pied. Il grogne, tombe et dans sa chute heurte la table. Une pile de livres s'effondre et l'abat-jour de la lampe bascule.
Je me jette sur lui. Il roule, m'esquive et tente de se relever. Pas assez rapide. Je ré-attaque. L'avant-bras contre sa gorge, j'arrive à le coincer de nouveau par terre :
— Espèce de salaud, qu'est-ce que tu fous ici ?
— Hon ? Espirer... articule-t-il péniblement.
Je relâche à peine la pression sur son larynx.
Je suis médecin et ancien soldat. Je sais immobiliser les gens sans les tuer. Ou alors, c'est de la mauvaise volonté de ma part. De la main gauche, je fouille dans la poche de ma veste que j'ai, heureusement, déboutonnée. J'attrape mon smartphone. Mon pouce glisse sur l'écran. La voilà. L'application « lampe de poche » est décidément bien pratique. Je braque l'appareil sur le visage de l'importun, qui ferme les yeux, ébloui. Un homme – vu l'absence de poitrine, je m'en serais douté. Une maigre barbe mal entretenue lui mange le visage. Il cligne plusieurs fois des paupières. Des yeux noirs. Non. À la lisière de l'iris, une couleur claire. Des lentilles de contact.
Je reconnais ce visage émacié.
Ces pommettes hautes. Saillantes.
L'impossible me contemple, se contorsionne pour s'échapper de ma prise. Il ouvre la bouche et tente d'inspirer.
Pas possible.
Je me lève d'un bond, évite la table et cours allumer l'interrupteur. L'homme s'assied, visiblement avec peine. Son chapeau sombre gît au sol, tombé, à un moment, dans la mêlée. Ses yeux, deux billes d'obsidienne, ne me quittent pas.
Pas possible.
Même pas improbable. Non. Impossible. Pourtant...
Je sens comme un relâchement sur mes épaules. Comme si je venais d'abandonner un sac trop lourd, là depuis si longtemps que j'avais oublié sa présence handicapante. Je sens mes tripes se serrer sous une fureur volcanique. Je recule.
— Salaud !
— Tu l'as déjà dit. Tu te répètes, John. Je m'absente un peu et je te retrouve déjà en proie à de la sénilité précoce. Tst tst. Tu ne devrais pas accepter les demandes de Mycroft. Il te vampirise.
Hébété, je le regarde.
C'est lui.
La bonne taille, la bonne corpulence dissimulée sous des vêtements trop amples et de facture médiocre. C'est lui, sous l'amas brun de la barbe, je reconnais ses lèvres, et cette bouche toujours prête à insuffler des mots de choix pour gonfler un peu plus cet ego de la taille d'un stade de rugby.
— Salaud ! Je t'ai vu sauter. J'ai tenu ton cadavre...
Son corps encore chaud. Déjà sans vie. Son manteau, son écharpe. Son visage. Ses yeux. Ses yeux grands ouverts sur le vide. Et j'ai lu le rapport d'autopsie. Molly... Molly ?!
Dans ma tête, je sens les connexions neuronales s'affoler. Un instant, je comprends. Une farce. Une gigantesque farce orchestrée par un génie dont l'intelligence est inversement proportionnelle aux émotions. Un type sans aucune empathie, sans aucun sentiment. Un monstre froid. Mais c'est faux. Et mes tripes en furie crient vengeance. Je cède...
Je m'approche lentement, vacillant sous le choc de la réalisation. Il est debout. Il me regarde avec un air inquiet :
— John ? John, c'est vraiment moi, Sherlock. John, je suis navré, c'était la seule solution...
Je grommelle un « m'en fous », tout en lui décrochant une droite dans le plexus. Je ne retiens pas le coup. Mon genou me démange. Mais je m'arrête là. Il s'effondre dans un grognement de douleur et reste à terre.
Tant mieux.
Je crois que j'ai besoin d'un thé.
chapitre 5
Tea Time, illustration de Anne Jacques |
:o
RépondreSupprimerCela va être difficile d'attendre la semaine prochaine !
-Christelle
Quelle réactivité !
RépondreSupprimer:) Le prochain chapitre sera plus long.