31 octobre 2011

1Q84 : ouverture de la trilogie de Murakami

Grâce à l'opération Les Matchs de la rentrée littéraire organisée par le site Priceminister, j'ai eu le grand plaisir de recevoir un exemplaire du dernier roman de Murakami Haruki, 1Q84 tome 1. Sans rien connaître de l'histoire, j'ai attaqué ma lecture, avide de découvrir quelles surprises étranges l'auteur réservait. Et le livre dépasse toute mes espérances...

L'étrangeté, une graine précieuse

J'aime attaqué une lecture vierge de toute opinion. Sans lire de résumé (j'ai eu quelques déboires avec des quatrièmes de couverture trop révélatrice), en ignorant les critiques. Cette fois, pas évident d'être sourde au battage médiatique. Un succès avant même d'être sorti. Comme j'aime énormément l'auteur, j'ai bravement fermé mes oreilles et ouvert mes mirettes.
Le plaisir est au rendez-vous !
Le titre, en forme d'hommage au 1984 d'Orwel, joue sur l'homophonie entre le chiffre neuf, qui se prononce kyû ou ku en japonais et la lettre Q prononcé à l'anglaise. 1Q c'est aussi 1 quarter, un trimestre en anglais, or le premier tome sous-titré avril-juin s'étend justement sur trois mois. En français le titre perd de sa saveur mais gagne en mystère.

Regards croisés

1Q84 alterne le point de vue de deux personnages, Aomamé et Tengo.

Aomamé est une jeune femme dynamique, saine et vigoureuse qui travaille comme coach de sport et professeur d'art-martiaux dans un club sélect. En parallèle à son emploi, elle rempli ponctuellement des missions d'un genre très particulier. Aomané complexe sur son nom ridicule (littéralement haricot de soja vert) et sa poitrine trop petite. Pourtant, la vraie fêlure est plus profonde, plus injuste.

Quand à Tengo, professeur de mathématique au physique avantageux d'ancien judoka, il s'entraîne avec assiduité à devenir écrivain. Si le style et la technique lui sont acquis, il manque d'un je-ne-sais quoi essentiel. Cette lacune pourrait bien être comblée quand une de ses veilles connaissances, un éditeur, lui propose un travail hors-norme à la légalité douteuse.

On suit Aomamé et Tengo dans leur quotidien, dans leur dilemme et leur engagement. On s'interroge sur leurs similitudes. Ses deux êtres partagent plus qu'une vie solitaire, faussement simple, faussement vide. On a envie qu'ils se croisent enfin, qu'ils se rencontrent...

Ni toute à fait la même, ni tout à fait un autre

Le roman s'ouvre en 1984 avec une reconstitution minutieuse de la période pour glisser doucement vers une réalité alternative. Le long d'un escalier métallique inusité, la perception d'Aomamé se modifie, la normalité établie et l'histoire se torde vers quelques chose de similaire et pourtant différent. La jeune femme le temps d'une décente périlleuse bascule de 1984 vers 1Q84 et nous entraîne dans cette autre réalité. Pas de Big Brother, pas de totalitarisme mais quelques événements ourdissent un présent subtilement différent, distillent un malaise croissant.

Cette impression est d'autant vive que Murakami rend ses personnages très réalistes, les ancre dans le quotidien. Les éléments capitaux de la vie comme le sommeil, les repas et le désir sexuel sont multiples. Aomamé et Tengo s'animent, prennent vie. Pourtant on sait peu de chose quant à leur aspirations. Il faut attendre patiemment que leur passé se dévoile pour mieux les comprendre. Murakami garde toujours une distance polie avec ses protagonistes. Quand les scènes sont crues, il manie une pudeur subtile. Et pourtant, on s'attache. Aomamé et Tengo se solidifie au fil des pages. Si leur essence reste insaisissable, on croit à leur existence. On est touché par leur vie.



Sur un souffle d'air

Murakami réussit la gageure de créer des protagonistes réalistes dans une réalité légèrement altérée. Il réussit aussi à captiver le lecteur, à lui faire croire à ce monde. Lorsqu'il aborde dans son récit des thèmes sérieux et douloureux, la réflexion qu'il suscite n'est pas superficielle. Il allie un talent de conteur formidable à celui d'un agitateur de matière grise, un humain intelligent qui s'interroge sur le monde et l'humanité.
IQ84 parle pêle-mêle de dérives sectaires, de passage de l'utopie au totalitarisme, de maltraitances faites aux femmes (de la plus petite remarque misogyne aux violences les plus perverses infligées à des enfants), de solitude d'une vie urbaine, du rapport au corps qui devient un simple vaisseau de chair entretenue pour l'hygiène mais vide d'émotion...

Ces thèmes profonds ne sont pourtant jamais traités en frontal. Toujours de biais, avec discrétion et humilité. Cette approche fine est aussi celles choisie pour incorporer les références culturelles et la documentation probablement impressionnante que l'auteur a dû rassembler pour cet ouvrage.
Murakami est précis, mais jamais pédant.
Son ton reste facile, léger presque.
Un roman étonnamment rapide à lire et captivant. D'ailleurs, je cours m'offrir le second tome !



7 commentaires:

  1. Bon, faut pas que je te lise aujourd'hui ... je suis en plein dedans :-D !!

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  2. Merci Kaeru, ça donne encore plus envie de le lire...
    c'est le prochain sur ma liste ^-^!!

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  3. J'avais envie de le lire. J'ai encore plus envie maintenant !

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  4. Je suis entrain de lire le tome 2. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le tome 1 qui m'a ennuyé au départ mais je me suis finalement laissé prendre par l'histoire et je trouve le tome 2 super, j'ai même du mal à m'en décrocher tant j'ai envie de savoir la suite !

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  5. Je suis époustouflée par l'imagination de cet auteur ! Jusqu'à la lecture de ton billet j'avais du mal saisir de quoi il était question dans 1Q84… Mais là ça y est, et tu m'as donné envie de le lire !

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  6. Voilà un bouquin que j'ai de plus en plus envie de lire!!!!

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  7. @Mathias : aucun soucis, je ne révèle rien. Je déteste les critiques qui gâchent le plaisir de lecture.

    @Mélanie : pour la suite, il faudra patienter jusqu'au printemps !

    @Camille : merci :) J'adore aussi le monde de cet auteur. Il fait glisser doucement ses récits dans le fantastique mais avec une écriture très réaliste et très actuelle.

    Bonne lecture à tous !

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Il s'affichera un peu plus tard, après sa validation.

Marianne